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Questions au gouvernement

Déplacement de toxicomanes

Monsieur le Premier ministre, mardi dernier, nous vous avons accueilli à la préfecture de Bobigny, où, en rappelant votre enracinement provincial, vous nous avez affirmé être très attaché à notre département urbain, jeune et prometteur. Ces propos nous sont allés droit au cœur. Hélas, votre déclaration d’amour du mardi n’a pas survécu à la décision prise vendredi par votre Gouvernement, qui a choisi de déplacer une scène de crack parisienne vers la Seine-Saint-Denis et d’ériger un mur.

Dans notre département, nous ne supportons plus le grand écart entre les paroles et les actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. M. Christian Hutin applaudit également.) Comme le disaient certains habitants ce week-end, nous ne supportons plus d’être décrits un jour par le Président de la République comme la Californie et d’être traités comme une réserve d’Indiens le lendemain. Pas plus que les autres, nous ne tolérons de vivre au milieu des trafics. Au moment où un polémiste haineux sature les médias et déclare que la Seine-Saint-Denis n’est plus la France, ne voyez-vous pas qu’en agissant ainsi, vous lui donnez un sérieux coup de main ?
Monsieur le Premier ministre, à quoi sert de nous avoir longuement mobilisés, ici même, pour débattre sur le séparatisme, si c’est pour renforcer un apartheid social aux portes de Paris ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.) À quoi sert le plan « Un État plus fort en Seine-Saint-Denis », bâti à partir de notre rapport parlementaire, si c’est pour reporter sur ce territoires les sérieux problèmes qu’on ne veut pas régler ailleurs ? Comment voulez-vous donner crédit aux valeurs de la République et de solidarité nationale en déplaçant la misère et la détresse sociale dans les quartiers populaires ?
Monsieur le Premier ministre, quelles décisions entendez-vous prendre, d’abord pour revenir au plus vite sur votre décision indécente de déplacer ces toxicomanes ; ensuite, pour apporter une réponse sécuritaire, mais aussi sanitaire, en mettant les toxicomanes à l’abri et en les soignant ; enfin, pour que la Seine-Saint-Denis et la dignité de ses habitants soient respectées ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC, FI et LT.)

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur.
Monsieur Peu, derrière votre intervention, il y a des femmes, des hommes et parfois des enfants, qu’il s’agisse des riverains de Paris ou de Seine-Saint-Denis, ou de ceux que l’on peut qualifier de toxicomanes – je ne reprendrai pas le mot que vous avez utilisé, qui a largement dépassé votre pensée (Gestes d’incompréhension sur les bancs du groupe GDR) , car nous savons que vous êtes un humaniste.
Nous ne déplaçons pas la misère. À Paris, depuis vingt ans, une drogue a des consommateurs de plus en plus nombreux – près de cent pour cent de ceux qui l’utilisent sont dépendants – ; elle les tue au bout d’un an, dans des conditions ignobles, après leur avoir fait perdre leurs dents, leurs cheveux. On l’appelle le crack. Elle est importée depuis les Antilles et, pour partie, depuis l’Afrique. Nous luttons fortement contre ces trafics, quoique peut-être pas assez, et nous obtenons de bons résultats, même s’ils ne suffisent pas.
Je serai bref, à cause du temps limité qui m’est imparti ; les consommateurs de cette drogue se sont regroupés dans un jardin parisien. La maire de Paris, pour les mêmes raisons que vous, a souhaité fermer ce jardin et les évacuer, sans concertation avec l’État. Ils se sont donc installés dans la rue Riquet et aux alentours de celle-ci, provoquant, ces dernières semaines, une dizaine d’agressions verbales ou physiques, parfois sexuelles. Nous devons trouver des lieux pour accueillir ces personnes – la mairie de Paris doit en proposer.

M. Stéphane Peu.
Avenue Montaigne !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Constatant cette situation absolument inacceptable et à la demande de la maire de Paris et d’autres élus, j’ai pris la responsabilité de déplacer ces personnes dans le square de la porte de La Villette, à Paris, qui a l’avantage de ne pas avoir de riverains immédiats – ce point est très important, nous irons ensemble si vous le voulez.

M. Stéphane Peu.
Je connais, j’y habite, vous savez !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Cette solution est très temporaire ; elle ne pourra durer que quelques heures ou quelques jours. Nous avons en outre déployé les moyens policiers et matériels permettant d’éviter que ces personnes ne se rendent en Seine-Saint-Denis. Jeudi matin, une réunion, qui se tiendra sous l’autorité du préfet de la région d’Île-de-France et du préfet de police de Paris, avec tous les élus qui souhaitent y participer, permettra de mettre fin très rapidement à la situation. Il faut pour cela que la mairie de Paris nous propose des lieux.
vous avez raison, ce n’est pas une question de sécurité, mais bien une question sanitaire.

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