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Questions au gouvernement

Après les plaintes en diffamation du Maroc contre des médias français, le silence de la majorité

Monsieur le Premier ministre, je sais que vous me répondrez que le Gouvernement ne commente pas les actions en justice, mais l’affaire des cinq plaintes en diffamation déposées par le roi du Maroc contre Mediapart , Le Monde , Radio France et L’Humanité , examinées aujourd’hui par le tribunal de Paris, est un sujet totalement politique.

Politique, parce que, depuis la Révolution française, il est rarissime qu’un État étranger dépose plainte contre des médias français pour les faire taire. Six plaintes sur les sept qui ont été déposées depuis la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, dont l’article 11 garantit la liberté de la presse, l’ont été par le royaume du Maroc.

Politique, également, parce que la France n’a jamais réagi publiquement à l’utilisation par le royaume du Maroc du logiciel d’espionnage israélien Pegasus contre des journalistes et des élus au plus haut niveau de la République française.

Politique, parce que votre majorité et votre gouvernement semblent plus prompts à protéger le secret des affaires que la liberté de la presse.

Politique, enfin, parce que rares sont les députés, notamment de la majorité, qui se sont, eux aussi, indignés de ces scandales. D’où vient cette absence de réaction ? D’où vient ce silence complice qui laisse les coudées franches à ces États qui peuvent faire ce qu’ils veulent de la Palestine et du Sahara occidental, au mépris total du droit international ? Est-ce à cause des voyages de complaisance proposés par le Maroc ou par l’entreprise Elnet en Israël que les ministres et les parlementaires n’osent même plus – ou ne peuvent même plus – s’indigner face aux actions insupportables de ces États ?

Monsieur le Premier ministre, pourquoi êtes-vous resté muet face aux attaques de Pegasus, puis face aux attaques du Maroc contre nos médias ? Ces plaintes sont des procédures-bâillons contre la liberté de la presse, donc contre nos propres libertés, dont vous êtes censé être le garant.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Nous partageons évidemment et sans aucune hésitation votre attachement à la liberté de la presse, liberté qui du reste a précisément permis certaines révélations dans cette affaire comme dans d’autres. Néanmoins, et ce n’est ni laxisme ni hésitation d’aucune sorte que de le dire, les procédures judiciaires sont en cours. Le Premier ministre et le garde des sceaux ont déjà répondu sur ce point précis voilà quelques semaines, et nous ne sommes donc pas muets sur cette affaire, mais nous devons laisser ces instructions se dérouler devant les cours françaises, car c’est le droit d’un justiciable, même étranger en l’occurrence, de saisir nos cours.

Il n’y a donc en cette affaire aucune remise en cause par notre fait de la liberté de la presse.
Ces procédures se dérouleront et nous avons évidemment confiance dans leur aboutissement. Nous avons cependant été très clairs depuis le début : puisque les faits allégués sont d’une gravité extrême, ce qui ne fait aucun doute, nous devons être sérieux et précis pour établir toute la vérité dans cette affaire avant d’en tirer, le cas échéant, les conséquences politiques ou diplomatiques qui s’imposeraient. C’est le bon ordre dans lequel nous devons faire les choses : respecter les procédures judiciaires, établir les faits et, dans l’attente, mener comme nous l’avons fait à l’égard de l’ensemble des États impliqués directement ou indirectement, des démarches diplomatiques pour faire connaître nos inquiétudes, nos interrogations. Nous devons donc sérier les questions pour y répondre en défendant ensemble les mêmes principes.

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