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Questions au gouvernement

Situation de la zone euro

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Roland Muzeau. Monsieur le Premier ministre, il aura fallu treize grèves générales pour que le Premier ministre grec, Georges Papandréou, se décide enfin à entendre le peuple grec, qui réclame depuis des mois l’organisation d’un référendum. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
L’annonce de cette consultation a soulevé une incroyable vague de protestations. La démocratie fait peur aux marchés, à tous ceux qui défendent les intérêts de ces derniers et des spéculateurs contre la volonté des peuples. En France, en 2005, nous avons eu une autre illustration de ce mépris.
Mais quel peuple peut accepter d’être privé de parole ? Quel peuple peut accepter de se soumettre sans broncher à la troïka du FMI, de la BCE et de la Commission européenne ? Quel peuple peut accepter sans rien dire le sacrifice de son avenir et de celui de ses enfants ?
Nous proclamons notre solidarité sans faille avec le peuple grec, mais nous dénonçons également le piège qui lui est tendu. Car l’objectif des dirigeants européens est désormais d’imposer aux Grecs une alternative impossible, de les sommer de choisir entre la peste et le choléra : accepter un plan d’austérité insoutenable ou bien sortir de l’euro – une sortie qui se solderait, bien entendu, par un désastre économique. Ce chantage est intolérable. Contrairement à ce qu’affirme Nicolas Sarkozy, le plan arrêté la semaine dernière n’est pas « la seule voie possible ». Il l’est d’autant moins que cette voie est en réalité une impasse.
Nous avons formulé des propositions alternatives : il faut d’urgence remettre en cause l’indépendance de la BCE (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR), mettre en place une grande banque publique européenne, taxer les transactions financières, interdire les pratiques spéculatives qui ruinent nos économies et sortir des traités de Maastricht et de Lisbonne. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le Premier ministre, abandonnez vos dogmes ! L’Europe a les moyens de sortir de cette crise. Quand donc vous déciderez-vous à mettre en œuvre un plan dicté par l’intérêt général et la solidarité, plutôt que par l’écrasement des peuples et la soumission aux marchés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l’annonce faite par le Premier ministre grec d’organiser un référendum a surpris toute l’Europe. C’est là une décision qui peut être très lourde de conséquences pour la Grèce d’abord, mais aussi pour toute l’Europe.
Bien sûr, comme chacun d’entre vous l’a rappelé, il est toujours légitime, en démocratie, de se tourner vers le peuple. Cependant, nous regrettons – je veux le dire solennellement devant l’Assemblée nationale – cette annonce faite de façon unilatérale sur un problème qui engage tous les partenaires de la Grèce. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Ce que nous reprochons au Premier ministre grec, ce n’est pas de vouloir organiser un référendum, mais d’avoir négocié pendant des heures pour aboutir à un accord signé à l’unanimité, sans jamais faire part à ses partenaires de l’Union européenne de l’éventualité d’organiser ce référendum. (Mêmes mouvements.)
Toutefois, mesdames et messieurs les députés, ce n’est pas avec des regrets que l’on gère une crise qui, de bout en bout, aura mis à très rude épreuve l’unité européenne. Naturellement, le moment venu, nous devrons, tous ensemble, tirer les enseignements politiques de cette crise et prendre les décisions qui s’imposent en termes d’organisation de l’Union européenne et de la zone euro. Il ne faudra pas s’en tenir à des slogans, mais faire en sorte que chacun assume ses responsabilités : si nous allons vers plus d’intégration, vers une mutualisation des dettes européennes, nous allons aussi, c’est vrai, vers des abandons de souveraineté sur lesquels nous devrons nous mettre d’accord.
Dans l’immédiat, une fois de plus, nous devons conserver notre sang-froid et nous concentrer sur trois objectifs. Le premier de ces objectifs est de mettre en œuvre le plan adopté jeudi dernier, à l’unanimité, par les dix-sept membres de la zone euro. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Ce plan, c’est la seule voie responsable pour résoudre la question de la dette grecque en maintenant la Grèce dans la zone euro. Je rappelle que, dans le cadre de ce plan, un effort de 100 milliards d’euros supplémentaires, venant s’ajouter au plan initial de 110 milliards d’euros, a été consenti par les États européens et par le Fond monétaire international, et qu’un abandon de créance de l’ordre de 100 milliards d’euros a été accepté par les créanciers privés.
Le deuxième objectif consiste à rappeler que la solidarité européenne est la contrepartie du consentement de la Grèce à poursuivre ses efforts pour assainir ses comptes publics et pour rétablir son économie. La solidarité européenne ne peut pas s’exercer si chacun ne consent pas aux efforts nécessaires. Dans cet esprit, la France et l’Allemagne ont pris l’initiative de réunir dans quelques heures, avant l’ouverture du sommet du G20, l’ensemble des institutions européennes ainsi que le Fonds monétaire international, afin d’examiner, avec le Premier ministre grec, les conditions dans lesquelles les engagements qui ont été pris seront tenus. De ce point de vue, il est capital que les décisions prises pour accroître les capacités d’action du Fonds européen de stabilité financière soient mises en œuvre dans les meilleurs délais. Chacun comprendra que, dans la situation d’incertitude que crée la décision des autorités grecques, nous avons, encore plus qu’avant, besoin des moyens qui permettront de protéger le reste de la zone euro contre les attaques spéculatives.
C’est dans ce contexte que j’ai, ce matin, réuni les représentants des principales banques françaises, pour leur demander d’être exemplaires dans la mise en œuvre des conditions de l’accord de la semaine dernière et, en particulier, de renforcer leurs fonds propres à hauteur de 8,8 milliards d’euros dans les meilleurs délais, afin de rassurer les investisseurs et de protéger notre pays contre tous les aléas. Le gouverneur de la Banque de France fera, à ma demande, un suivi extrêmement régulier de la mise en œuvre des décisions du Conseil européen sur ce point.
Enfin, le troisième objectif consiste à rappeler aux peuples européens, et singulièrement au peuple grec, que l’on ne peut pas être à la fois dans l’Europe pour bénéficier de sa solidarité, et à côté de l’Europe pour échapper à la discipline que chaque nation doit consentir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Si référendum il doit y avoir, il faut que les termes de ce référendum soient clairs. Entre, d’une part, la solidarité européenne offerte en contrepartie d’efforts et, d’autre part, la faillite nationale, il faut choisir ! Sur ce point, je souhaite qu’un discours de vérité soit tenu. Il n’y a pas de solution simple et immédiate aux problèmes de la Grèce : le chemin du redressement sera nécessairement long et exigera des sacrifices importants – mais, sur ce chemin, les États européens sont prêts à jouer leur rôle aux côtés de la Grèce.
Mesdames et messieurs les députés, les Grecs doivent comprendre que l’Europe ne peut pas rester de longues semaines suspendue à la réponse qu’ils donneront lors du référendum. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Les Grecs doivent donc dire vite et sans ambiguïté s’ils choisissent, oui ou non, de conserver leur place dans la zone euro. (Mêmes mouvements.)

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Roland
Muzeau

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