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Questions au gouvernement

AIR FRANCE

Monsieur le Premier ministre, puisque André Chassaigne n’a pas obtenu de réponse hier, je vous repose la question : le Gouvernement va-t-il, oui ou non, demander à Air France, compagnie européenne, de lever les poursuites contre les salariés d’Air France ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Il est vrai qu’en les traitant de voyous, vous les avez déjà condamnés. Pire qu’un verdict, ces mots sont une condamnation sociale.
M. Gérald Darmanin. Très bien !
M. François Asensi. On assistera donc le 2 décembre à un procès contre le monde du travail.
Mais que fait l’État actionnaire chez Air France, sinon l’affaiblir par ses décisions ?
Depuis la privatisation d’ADP, que nous avons combattue sur ces bancs, les redevances payées par Air France ont bondi de 30 %. Le grand gagnant de cette forme de racket est l’État, qui empoche chaque année 60 millions de dividendes en tant qu’actionnaire majoritaire d’ADP.
M. Claude Goasguen. ADP, ce n’est pas Air France !
M. François Asensi. L’État préfère ainsi jouer la financiarisation plutôt qu’insuffler une véritable dynamique industrielle et commerciale à Air France, qui concourt à hauteur de 1,4 % au PIB et demeure le premier employeur privé d’Île-de-France.
Autre mauvais coup, il affaiblit le hub d’Air France à Charles-de-Gaulle en accordant des créneaux aux compagnies du Golfe, dont la concurrence est déloyale, et en validant la suppression de lignes long courrier.
Enfin, scandale des scandales, Air France a empoché 109 millions d’euros au titre du crédit d’impôt compétitivité-emploi. Au lieu de créer de l’emploi, ces 109 millions d’argent public iront financer les 2 900 licenciements.
Alors, monsieur le Premier ministre, allez-vous suspendre dès aujourd’hui le CICE d’Air France, voire demander son remboursement ? L’État, actionnaire d’Air France, va-t-il enfin refuser ce plan de licenciement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Moi, monsieur le député, je souhaite parler positivement de notre compagnie nationale, Air France, qui, nous avons déjà eu l’occasion de le rappeler ici même, fait face à la concurrence, dans un monde ouvert, globalisé. La concurrence est particulièrement rude dans ce secteur, avec, d’un côté, le low cost et, de l’autre, de grandes compagnies qui se sont réformées ou bénéficient d’un certain nombre d’avantages, comme les compagnies du Golfe.
Air France n’a donc pas d’autre choix que de se transformer, se moderniser, s’adapter à cette concurrence. Elle doit le faire dans le dialogue social, c’est ce que nous ne cessons de dire depuis le début, ce qui implique que chacun prenne ses responsabilités, à commencer par les pilotes, pour que ne pèse pas sur l’ensemble des autres salariés le poids des choix qui devront être faits.
Parce qu’il n’y a pas eu d’accord il y a quelques semaines, la direction a proposé ce qu’on appelle un plan B, qui envisage la suppression – ce ne sont pas des licenciements – de 2 900 postes. Nous pensons que ce plan peut être évité si le dialogue social s’approfondit, ce qui est le cas depuis quelques jours, je m’en réjouis, et si l’on peut avancer avec l’ensemble des professions d’Air France – pilotes, personnels navigants, personnels au sol – parce que le dialogue social est la meilleure solution pour permettre demain à la compagnie d’affronter les grands défis du monde.
Moi, je ne parle pas de scandale, je n’emploie pas les mots qui sont les vôtres,…
M. André Chassaigne. Vous n’avez pas dit « voyous » ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. … parce que la responsabilité de l’État, actionnaire à hauteur de 17 %, et nous prenons pleinement nos responsabilités, notamment au sein du conseil d’administration, est non pas d’entraver la compagnie mais d’aider, pas seulement la direction mais l’ensemble des personnels, à avancer.
Je comprends bien sûr l’inquiétude des salariés face aux annonces qui sont faites mais, encore une fois, j’ai rencontré les responsables syndicaux des trois instances représentatives, CFDT, CFE-CGC et CGT, et chacun demande qu’il y ait une vraie discussion.
Enfin, comme je l’ai souligné il y a un instant en répondant au malaise, à la colère des policiers avec la garde des sceaux et le ministre de l’intérieur, je ne peux pas affirmer ici la nécessité de l’indépendance de la justice et vous répondre – vous êtes souvent le premier, monsieur le député, à applaudir Christiane Taubira quand elle dit qu’il faut respecter l’indépendance de la justice –, que je vais agir sur la justice pour empêcher je ne sais quelle action.
M. André Chassaigne. Ce n’est pas ça !
Mme Marie-George Buffet. On vous parle de licenciements, vous répondez sur la justice !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce n’est pas possible, ce n’est pas la conception que je me fais de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, de nombreux bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Patrice Carvalho. Il ne fallait pas les traiter de voyous, et même de terroristes !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, quand on s’en prend à des salariés, quand on les humilie, quand on les frappe devant d’autres salariés, quand on s’en prend à des vigiles, modestes, qui touchent un petit salaire,…
M. Franck Gilard. C’est moins grave pour les gros salaires ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. …l’un de ces vigiles étant resté pendant une demi-heure dans le coma, je ne crois pas que ce soit, y compris pour vous, la conception du syndicalisme et du dialogue social. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, de nombreux bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Le dialogue social, c’est le respect, la discussion, ce sont les règles du droit, c’est le respect des hommes et des femmes, c’est le respect, bien sûr, des salariés et de leurs représentants. C’est ainsi que l’on avance.
Mme Marie-George Buffet. Le respect des salariés, c’est aussi de ne pas les licencier !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mettre de l’huile sur le feu,…
M. André Chassaigne. Qui a mis de l’huile sur le feu ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. …croire que c’est par la confrontation que l’on permettra à la compagnie aérienne nationale ou à n’importe quelle autre entreprise d’avancer, ce n’est pas la bonne méthode.
Ceux qui s’en sont pris à des cadres de cette entreprise dans les conditions que vous savez doivent, et c’est normal dans une société de responsabilité, répondre de leurs actes. C’est aujourd’hui à la justice de faire son travail. Le Gouvernement respecte l’indépendance et le travail de la justice,…
M. André Chassaigne. Et il fallait aller les arrêter à six heures du matin ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. …comme il en appelle encore une fois au dialogue social. C’est ainsi que l’on fera en sorte que la société française soit plus apaisée.
Plus que jamais, le débat est entre réforme, progrès social, dans le dialogue, d’un côté, et, de l’autre, conservatisme ou rupture. Le Gouvernement a choisi sa voie…
Mme Marie-George Buffet. Les licenciements !
M. André Chassaigne. Le CICE !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … la voie du Gouvernement, c’est le progrès et c’est la réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

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