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Questions au gouvernement

Armes à sous-munitions

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, la convention d’Oslo prévoyant l’interdiction des armes à sous-munitions a été ratifiée en 2008 par quatre-vingt-quatorze États, dont la France.
Entrée en vigueur le 1er août 2010, elle crée une norme juridique claire qui interdit notamment la production, le stockage, le transfert et l’utilisation de ces armes.
En faisant sensiblement progresser le droit humanitaire, cette convention constitue un pas significatif pour l’élimination de ces armes, responsables de plusieurs milliers de victimes, quasi exclusivement des civils dont beaucoup sont des enfants.
Ces avancées risquent d’être remises en cause par la révision de la convention qui se tient jusqu’au 25 novembre, car un protocole VI nouveau prévoyant d’autoriser pendant encore douze ans les armes à sous-munitions produites après 1980 y sera débattu.
Si un tel texte était adopté, outre qu’il constituerait un recul du droit en instaurant une norme internationale nouvelle plus faible que la précédente, il représenterait un recul grave dans la protection des personnes.
La Croix-Rouge, le Programme des Nations unies pour le développement et l’UNICEF ont déjà émis des avis négatifs.
Les États signataires de la convention d’Oslo se sont engagés à « décourager par tous les moyens l’utilisation d’armes à sous-munitions » et à « protéger les civils partout dans le monde », où ces engins de mort ont déjà fait tant de victimes et continuent à en faire longtemps après la fin des conflits.
Je vous demande donc, monsieur le ministre d’État, d’exprimer publiquement le renoncement du Gouvernement à ce projet et d’informer la représentation nationale sur la position que prendra la France, car si le Gouvernement ratifiait ce protocole, il renierait les engagements qu’il a pris en 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame la députée, je vous remercie d’évoquer cette question qui, si elle ne fait pas la une des médias, soulève pourtant un problème gravissime puisque, comme vous l’avez dit, ces armes causent des souffrances inacceptables, principalement parmi les populations civiles et parmi les enfants.
Vous auriez pu rappeler que, dès 2007, la France a fait partie des États qui ont poussé, avec les ONG, à l’adoption d’une convention contre les armes à sous-munitions. C’est la France qui a coprésidé, en mai 2008, la conférence de Dublin, qui a permis d’ouvrir la signature à Oslo, le 3 décembre de la même année, de la convention contre ces armes. En ratifiant ce texte dès septembre 2009, notre pays a fait partie des trente premiers États qui l’ont signée. La convention a pu entrer en vigueur le 1er août 2010 et constitue désormais la norme humanitaire de référence.
Mais le processus est loin d’être achevé. Vous n’avez pas signalé que cette convention n’est appliquée que par des États qui détiennent environ 10 % des stocks d’armes à sous-munitions dans le monde et rien n’indique, à ce stade, que ces principaux pays producteurs et détenteurs de ces armes pourraient changer d’attitude à brève échéance. Telle est la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui : 90 % des stocks existent encore, prêts à être utilisés, voire à augmenter. Que faire, dès lors, pour la combattre ?
Avec plusieurs de nos partenaires, nous avons tenté une nouvelle approche, plus rapide, en proposant l’adoption d’un protocole sur les armes à sous-munitions dans le cadre de la convention des Nations unies sur certaines armes classiques. Pour nous, ce protocole devra être juridiquement contraignant, complémentaire de la convention d’Oslo. Nous voulons qu’il ait un impact humanitaire immédiat et significatif.
Le texte actuellement en discussion à Genève permettrait au moins de tripler le nombre d’armes à sous-munitions couvertes par la convention d’Oslo. Je crois donc que nous avons là une différence d’appréciation. Pour nous, ce n’est pas un recul, c’est un complément à la convention dont nous demandons toujours l’universalisation, et cela pourrait constituer un pas en avant. Sur ce sujet qui mérite un consensus, je crois que nous pourrions joindre nos efforts pour faire reculer ce fléau. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Jacqueline
Fraysse

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