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Questions au gouvernement

Autorisation de manifester à Paris

Monsieur le Premier ministre, ce matin, conformément à votre décision, la préfecture de police avait annoncé l’interdiction de la manifestation prévue demain contre la loi travail,…
M. Antoine Herth. Oui, et ça a changé depuis !
M. André Chassaigne. …une décision que j’avais qualifiée de honteuse sous un gouvernement de gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Guy Geoffroy. Mais ce n’est pas un gouvernement de gauche !
M. André Chassaigne. Quelques heures plus tard, le ministre de l’intérieur levait cette interdiction pour autoriser un défilé réduit. Si ce revirement permet le respect de la liberté de manifester, nous déplorons qu’une telle atteinte à un droit fondamental ait pu être envisagée. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)
La méthode gouvernementale sur cette loi travail est un fiasco. Alors que ce projet de loi, inspiré de Bruxelles,…
M. Guy Geoffroy. C’est donc bien un sujet européen ! (Sourires.)
M. André Chassaigne. …continue de concentrer toutes les oppositions – opposition d’une majorité de Français, opposition des parlementaires, opposition de la majorité des syndicats représentatifs – votre gouvernement ne sait plus comment s’en sortir.
Depuis le début, vous tentez de jeter le discrédit sur le mouvement social, malgré les appels de la majorité des syndicats représentatifs pour négocier et soumettre leurs propositions. Les violences inacceptables des casseurs, intervenues en marge des précédentes manifestations,…
M. François Loncle. Vous ne les avez pas condamnées !
M. André Chassaigne. …ne sont qu’un prétexte pour ne pas assumer vos responsabilités face aux trahisons des valeurs de la gauche. Nous ne cesserons pas de dénoncer ces violences, qui participent d’une stratégie de pourrissement du mouvement social.
Monsieur le Premier ministre, il est urgent de sortir par le haut de cette funeste séquence. Plutôt qu’un nouveau simulacre de débat dans cet hémicycle, la seule solution est de reprendre le dialogue avec les organisations syndicales. Une nouvelle fois, nous vous demandons solennellement de retirer ce projet de loi, pour le renvoyer à la négociation collective. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Chassaigne, bien que votre question reste, malgré toute votre habileté, fort éloignée des sujets européens…
M. André Chassaigne. La parole des députés est libre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Bien évidemment. C’est pourquoi je vous réponds sur le fond, courtoisement et avec précision.
Qui peut sérieusement croire, monsieur le président, que les droits syndicaux sont bafoués dans notre pays ? Qui peut nier le fait que les opinions n’ont cessé de s’exprimer ? Des manifestations en nombre contre le projet de loi travail ont déjà eu lieu à Paris, ainsi que dans de nombreuses villes et régions. Il y en aura d’autres. Les opposants ont déjà pu maintes fois s’exprimer dans la rue.
M. Malek Boutih. C’est vrai !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Manifester est une liberté fondamentale. Le Gouvernement la garantit avec constance et esprit de responsabilité. Sa responsabilité, c’est aussi de garantir la sécurité et de veiller à l’ordre public, dans un contexte – faut-il le rappeler ? Vous l’avez sans doute oublié, monsieur Chassaigne – particulièrement exigeant : menace terroriste, Euro de football, sollicitation sans précédent de nos forces de l’ordre.
Celles-ci, je le rappelle car vous n’avez pas eu un mot sur ce point, monsieur Chassaigne, sont confrontées à des groupuscules violents, ceux de l’ultra-gauche.
M. André Chassaigne. J’en ai parlé dans ma question ! J’ai condamné les violences !
M. Claude Goasguen. Monsieur Chassaigne, ne critiquez pas le Gouvernement !
M. Manuel Valls, Premier ministre. À ce titre, je rends hommage au travail des forces de l’ordre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Monsieur le président Chassaigne, je veux simplement rappeler que, lors des récentes manifestations, qui se sont tenues depuis le 28 avril, malgré le déploiement important des forces de l’ordre, des débordements ont été constatés, avec des attaques aux biens, des commerces pris pour cible, des violences insupportables contre nos policiers et nos gendarmes. Il y a eu des blessés. Il y aurait pu y avoir des conséquences bien plus graves.
Lors de la dernière manifestation, à Paris, le 14 juin, les limites ont été franchies : déferlement de violence inégalé, saccage de bâtiments publics, dont l’hôpital Necker - Enfants malades, perpétré par des casseurs sous les yeux d’un service d’ordre des organisateurs totalement débordé.
M. Patrice Carvalho. Il fallait les arrêter, les casseurs !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Dans un premier temps, les syndicats ont refusé la proposition du ministre de l’intérieur et de la préfecture de police d’un rassemblement statique sur une grande place parisienne, seule possibilité envisageable au regard des garanties apportées par les organisateurs.
Dans un deuxième temps, les discussions engagées entre les organisateurs et la préfecture de police ont conduit le préfet de police à prendre la décision d’interdire la manifestation sur un trajet long, qui ne permettrait pas d’assurer la sécurisation du cortège.
Ce matin, le ministre de l’intérieur, que je remercie une nouvelle fois pour l’esprit républicain et le sens des responsabilités qui sont les siens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste) a reçu, à leur demande, les organisateurs de la manifestation. Il leur a proposé un autre trajet, beaucoup plus resserré, localisé, répondant aux exigences du maintien de l’ordre.
M. Jean Lassalle. Bravo !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette proposition a été enfin acceptée. C’est la preuve, monsieur Chassaigne, que tout, vraiment tout a été fait du côté des pouvoirs publics, c’est-à-dire, pour que les choses soient précises, du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l’intérieur, pour permettre cette expression démocratique.
M. Marc Dolez. Cela ne trompe personne !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Dans ce moment où notre pays a besoin d’unité et de rassemblement, je demande à chacun de bien mesurer la portée de ses déclarations et de ses agissements. La manifestation aura lieu mais chacun devra faire preuve de la plus grande responsabilité afin d’éviter que les violences ne se reproduisent, car les Français ne tolèrent et ne toléreront aucun débordement et aucun responsable qui ne les condamne pas.
Je sais que les forces de l’ordre font un travail difficile. Aussi, j’appelle les organisateurs à respecter intégralement leurs engagements concernant le service d’ordre qui doit être déployé pour prévenir les violences.
S’agissant de la loi travail, comme vous le savez, monsieur le président Chassaigne, le Gouvernement est déterminé à faire aboutir ce texte. Il est déterminé à prendre toutes les décisions nécessaires pour combattre le chômage de masse et donner des perspectives d’avenir à notre jeunesse, déterminé à réformer la France pour la rendre plus forte et plus compétitive, déterminé à faire vivre le dialogue social car notre société a besoin de dialogue et de compromis, notamment dans l’entreprise, là où l’on est au plus près des réalités.
M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous savez notre détermination. Nous poursuivrons l’examen de ce texte, qui est actuellement débattu au Sénat.
M. Daniel Fasquelle. Et le 49.3 ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous le ferons adopter car il en va de l’intérêt du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. André Chassaigne. Et le 49.3 ?

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