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Questions au gouvernement

Crise agricole

Monsieur le ministre de l’agriculture, la colère des éleveurs est légitime. Elle est à la hauteur de leur détresse : ils luttent tout simplement pour que leur production rémunère enfin leur travail à sa juste valeur. Les réponses apportées en urgence par le Gouvernement depuis plusieurs semaines, renforcées aujourd’hui par un plan de soutien, étaient indispensables : elles sont de salut public.
Mais le plus difficile reste à faire : régler dans la durée la question des prix payés à la production,…
M. François Rochebloine. Très bien !
M. André Chassaigne. …en s’attaquant aux marges des différents niveaux de la filière élevage. Je pense particulièrement à la grande distribution, qui empochera, avec le crédit d’impôt compétitivité emploi, 2 milliards d’euros entre 2014 et 2016, sans aucune contrepartie. C’est quarante fois plus que les 50 millions d’euros du fonds d’allégement de charge destiné aux agriculteurs en difficultés !
Certes, vous avez négocié des engagements de revalorisation des prix payés aux éleveurs, mais ces engagements sont volontaires et donc soumis au bon vouloir des signataires. Cela ne règle pas le problème de fond : il faut mettre en chantier législatif des outils concrets pour encadrer les marges de toute la filière, avec l’ambition d’une alimentation de qualité accessible à tous, tout en permettant la rémunération du travail paysan.
En novembre 2011, la précédente majorité avait rejeté la proposition de loi que j’avais déposée au nom des députés du Front de gauche. Ce texte contenait deux propositions précises. La première était la mise en place d’une négociation annuelle sur le prix, permettant de déterminer un prix plancher d’achat aux producteurs, et d’appliquer un prix minimum pour chacune des productions. La seconde était l’application d’un coefficient multiplicateur pour encadrer à la fois le prix d’achat et le prix de vente des produits alimentaires.
Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à présenter dès la rentrée parlementaire un projet de loi créant des mécanismes durables pour garantir le revenu des producteurs agricoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Étienne Blanc. Et calmement, cette fois-ci !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Chassaigne m’a interrogé de manière très posée, lui, et c’est de la même manière que je lui répondrai, en le remerciant pour ses analyses et ses remarques. Encore une fois, je répète que le Gouvernement est aux côtés des éleveurs. Ce matin, au conseil des ministres, le ministre de l’agriculture a présenté un plan de soutien à l’élevage français.
Ce plan répond d’abord à l’urgence de la situation. Il apporte également des solutions durables, de long terme, pour les éleveurs. Le Gouvernement y travaille depuis plusieurs mois. À cet égard, je tiens à saluer ici, devant vous, l’engagement et la mobilisation sans faille du ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) sur le terrain, auprès des agriculteurs, des organisations syndicales et de toutes les filières du secteur.
Je l’ai dit tout à l’heure en répondant au président Jacob : notre objectif est de donner plus de visibilité à tous les acteurs de la filière, sur leurs marges, sur leur rémunération. Il s’agit aussi, j’y insiste, d’ouvrir de nouveaux débouchés dans la durée, et de diversifier les revenus avec la production d’énergie renouvelable. Ce plan mobilise des allégements de charges pour 100 millions d’euros, des reports de charges pour 500 millions d’euros et une enveloppe de prêts garantis par la BPI pour 500 autres millions. Ces chiffres sont importants. Nous donnerons toutes les explications nécessaires à l’ensemble des acteurs.
Il faut sortir de cette crise et renouer avec un cercle vertueux. Je ne sais pas, monsieur le président Chassaigne, s’il faudra pour cela adopter une nouvelle loi mais en tout cas, il faudra changer profondément, structurellement, les rapports au sein des filières. Le ministre de l’agriculture et moi-même l’avons dit très clairement : les industriels et la grande distribution doivent respecter les hausses de prix auxquelles ils se sont engagés.
M. Patrick Ollier. Cela n’a rien à voir avec la loi de modernisation de l’économie !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous avez, vous aussi, relayé ce message ; c’est ce que les agriculteurs attendent. C’est impératif pour que les éleveurs puissent vivre dignement de leur travail, pour reprendre les mots que vous avez employés. Plus encore, tous les acteurs y ont intérêt : exploitants, industriels, distributeurs et commerçants, tous doivent être rémunérés justement, de manière équilibrée, et non les uns au détriment des autres. Faire vivre notre agriculture, faire vivre la filière de l’élevage, cela doit être notre objectif à tous. C’est en tout cas la volonté du Gouvernement, vous l’avez bien compris. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

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