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Questions au gouvernement

Expulsions locatives et fin de la trêve hivernale

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Marie-George Buffet. Monsieur le Premier ministre, ces derniers jours, le plan grand froid a été réactivé : institutions, associations et citoyens se sont mobilisés pour aider les personnes sans abri.
Demain, c’est le printemps. Pourtant, pour des milliers de familles, le la date du 21 mars n’est pas une source d’espoir : elle est au contraire source d’angoisses – angoisse de voir l’huissier arriver, angoisse de lendemains sans toit.
En effet, le 31 mars prochain, la trêve hivernale prend fin.
Quel cruel et absurde dysfonctionnement de notre République : selon les saisons, on secourt ou on expulse – sans résoudre les problèmes.
En 2016, plus de 15 000 expulsions ont été exécutées, dont près du quart en Seine-Saint-Denis. Derrière des chiffres, se cachent le plus souvent ce qu’on appelle avec pudeur les accidents de la vie : précarité, chômage, problème de santé.
Après l’expulsion, ces familles passent de chambre d’hôtel en chambre d’hôtel, vivent dans la promiscuité chez des proches, ou bien encore dorment dans leur voiture.
Chacune et chacun ici mesure les conséquences d’une telle situation sur la scolarisation des enfants mal logés ou éloignés de leur école.
Au-delà du caractère inhumain de ce que vivent ces familles, prenons la mesure du manque à gagner, en termes de valeur et de compétences humaines, que représente cette situation pour notre pays.
Or il n’y a pas de fatalité : une grande majorité des expulsions peut être évitée, ce qui permet de garantir le droit à un toit. Il faut bien sûr agir sur les revenus des familles, la sécurisation de l’emploi et donner aux services sociaux les moyens de prévenir les situations difficiles. Toutefois, force est de constater que les processus sociaux en place dans les préfectures sont trop lourds et insuffisamment réactifs face à l’urgence actuelle. Il est temps de travailler à de nouveaux dispositifs plus efficaces et plus protecteurs pour les locataires comme pour les bailleurs, afin d’éviter l’échec, le drame que représente toujours une expulsion.
C’est avec cette visée humaniste, monsieur le Premier ministre, que je vous demande de décider, pour cette année, d’un moratoire sur l’exécution des expulsions locatives. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et NG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame Buffet, vous avez raison : le sujet que vous évoquez est d’une extrême gravité. Aujourd’hui, certains pourraient se féliciter qu’en 2016, pour la première fois, une légère diminution du nombre de procédures engagées – non pas du nombre d’expulsions – ait été observée ; ce n’est absolument pas mon cas.
Je le dis très clairement, très fortement et très solennellement : chaque expulsion prononcée est un drame, tant humain que familial. Il faut combattre afin de mettre fin à l’ensemble de ces drames que nous observons, et c’est là un combat collectif.
Comment faire ? Aujourd’hui, la question n’est pas de revoir le droit de propriété, qui est l’un des principes les plus fondamentaux garantis par notre Constitution. L’enjeu est en revanche, comme vous le savez très bien, de prévenir, d’agir plus tôt et d’accompagner celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Concrètement, avec Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, nous avons, dès le 9 mars et en vue de préparer la fin de la trêve hivernale, réuni l’ensemble des acteurs – notamment les associations et les représentants des bailleurs sociaux –, afin d’élaborer des mesures concrètes permettant de prévenir les expulsions. Cinquante-deux mesures au total ont d’ores et déjà été définies. Concrètement, il faut agir dans deux directions : premièrement, parvenir à détecter plus tôt les défaillances et en informer les comités locaux de lutte contre les expulsions ; deuxièmement, accompagner les personnes qui en ont besoin vers des logements plus abordables.
Certaines mesures devront prendre la forme de dispositions législatives. C’est pour cette raison que le projet de loi portant évolution du logement et aménagement numérique – que, j’en suis sûr, vous défendrez avec nous – prévoira notamment le rapprochement des procédures d’expulsion et de surendettement.
Vous le voyez, le Gouvernement a adopté une approche déterminée en vue de gagner le combat collectif que nous devons mener contre les expulsions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

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