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Questions au gouvernement

Loi travail

La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, je voudrais revenir sur les propos que vous avez tenus hier lors de la séance de questions au Gouvernement.
Vous avez qualifié d’« inacceptable » le fait de « bloquer le pays, empêcher les Français de se déplacer et de vivre normalement, abîmer l’image de la France, menacer la reprise économique ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. Bernard Accoyer et M. Michel Sordi. Il avait raison !
M. André Chassaigne. En d’autres termes, après avoir bloqué le débat démocratique en invoquant l’article 49, alinéa 3, vous remettez en cause le droit de grève.
Vous avez aussi dit que vous condamniez les propos de M. Gattaz, qui comparait la CGT à des « terroristes », alors que vous-même soufflez sur les braises depuis des mois.
Vous êtes, monsieur le Premier ministre, en rupture avec l’histoire et les valeurs de la gauche. (« C’est faux ! » sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Faut-il vous rappeler les propos tenus par François Mitterrand en 1972 pour défendre les grévistes ?
M. Michel Sordi. C’est archaïque !
M. André Chassaigne. « La grève, un chantage ? L’a-t-on assez souvent entonné, cet odieux refrain, dans tous les partis conservateurs ! La grève n’est un plaisir pour personne. Elle atteint d’abord ceux qui n’ont plus que ce moyen-là pour défendre leur droit de vivre ».
M. Éric Straumann. Et que disait Marchais en 1972 ?
M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, quand s’arrêtera votre acharnement déraisonnable alors que les syndicats, notamment la CGT, appellent à négocier, sans préalable, et se montrent prêts à rediscuter du fond de votre réforme ?
Les grands conflits sociaux, comme ceux de 1936 et de 1968, se sont toujours terminés par des négociations avec les organisations syndicales, sans exclusion.
M. Éric Straumann. Et Marchais et Duclos, que disaient-ils ?
M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, il faut s’appuyer sur ces leçons de l’histoire pour sortir par le haut de l’impasse dans laquelle s’est engagé le Gouvernement. Il est encore temps d’accepter le dialogue avec toutes les organisations syndicales. Êtes-vous prêt à le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président André Chassaigne, notre pays connaît un conflit social important. Je ne mésestime pas la mobilisation de certains, et nous entendons les inquiétudes et les contestations, mais il faut garder le sens de la mesure, au nom même des événements majeurs de notre histoire que vous avez cités.
Nous ne sommes pas en juin 1936 ; nous ne sommes pas en mai 1968 ;…
M. Jacques Myard. Pas encore !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …nous ne sommes pas même en 2010, lors du conflit sur les retraites.
M. Patrice Carvalho. Très bien ! Continuez comme ça !
M. Manuel Valls, Premier ministre. J’aime les références historiques. Vous rappeliez les propos tenus par François Mitterrand en 1972. Or peu de temps – cinq ans – après, l’organisation politique au sein de laquelle vous deviez être alors jeune militant a rompu le programme commun, toujours au motif que le parti socialiste était le traître. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Patrice Carvalho. Vous en êtes la preuve !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne sais pas si l’histoire nous a donné raison à nous, mais en tout cas, monsieur Chassaigne, puisque vous l’évoquez pour me questionner, ce n’est pas à vous qu’elle a donné raison.
M. Jean Glavany. C’est bien vrai !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Revenons à aujourd’hui. Comme je l’ai dit hier, ce conflit, je le répète, peut peser sur notre économie, au moment où l’action du Gouvernement permet la reprise, la croissance et la baisse du chômage. Oui, j’ai parfois un sentiment de gâchis face à cette situation : alors que le moral des ménages connaît un bond sans précédent, certains risquent de le faire chuter.
Monsieur Chassaigne, quand on veut défendre les salariés, on n’oublie pas ceux qui, aujourd’hui, grâce à la politique du Gouvernement, retrouvent un emploi.
Non, certaines actions ne sont pas acceptables : il faut savoir le dire.
M. Patrice Carvalho. Et le 49.3 ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je condamne les blocages, comme les violences. Or je ne vous ai pas entendu le faire, notamment lorsque des parlementaires ont été visés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Aussi, monsieur Chassaigne, j’aurais aimé entendre dans votre question une condamnation des violences à l’égard des policiers et des gendarmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Lorsque l’on pose une question, il faut être complet.
Et puis, monsieur Chassaigne, je n’accepte pas votre amalgame. Considérer que ce gouvernement met en cause le droit de grève d’une quelconque manière, c’est – je vous le dis franchement – travestir la vérité.
Alors que notre pays connaît une menace terroriste très élevée,…
M. Patrice Carvalho. Quel amalgame !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …alors que nous sommes sous le régime de l’état d’urgence, toutes les libertés syndicales et de rassemblement ont été respectées, au nom même du combat pour la démocratie, que chacun mène ici.
Qui peut croire un seul instant que le droit de s’exprimer a été limité d’une quelconque manière, depuis six mois ? Plus encore, alors même que les organisations conduisent des opérations de blocage, qui pèsent sur la vie quotidienne de tous nos concitoyens, nous avons mis en place des mesure résolues mais, à chaque fois, proportionnées.
Monsieur le président Chassaigne, vous m’appelez au dialogue,…
Mme Claude Greff. Vous ne savez pas ce que c’est !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais il n’a jamais été rompu.
M. Pascal Popelin. C’est vrai !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La ministre du travail l’a encore rappelé hier matin, avec une très grande précision. J’ai toujours dit que ma porte était ouverte, pour les syndicats comme pour les parlementaires.
Mme Claude Greff. Et le 49.3, c’est le dialogue ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. J’ai attendu – et j’attends encore – des propositions de certains. Comme vous le savez parfaitement, ce texte a été largement modifié depuis sa présentation initiale, dans le dialogue, notamment grâce à l’engagement de la ministre et à celui de Christophe Sirugue. Le Gouvernement a accepté plus de 800 amendements sur ce projet de loi.
Alors, monsieur Chassaigne, au-delà de ces questions, tout à fait légitimes, nous devons la vérité aux Français. Vous devez prendre vos responsabilités envers les salariés.
M. Patrice Carvalho. Les leçons, ça va !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vouloir l’échec de ce projet, c’est refuser la sécurité sociale professionnelle, avec le compte personnel d’activité ; c’est refuser le renforcement et la protection du dialogue social, avec l’augmentation de 20 % des heures de délégation aux délégués syndicaux ; c’est refuser le renforcement de la lutte contre la fraude au détachement des travailleurs ;…
M. Patrice Carvalho. Et la remise en cause des conventions collectives ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. …c’est refuser l’adaptation de notre droit aux nouvelles réalités, par exemple avec le droit à la déconnexion ou l’accompagnement des jeunes vers l’emploi, avec la garantie jeunes. Monsieur Chassaigne, que faites-vous de tous ces droits ?
La réponse du Gouvernement est donc claire : ce texte est nécessaire, pour les entrepreneurs comme pour les salariés. Son examen se continuera au Sénat. Nous pourrons ainsi voir les différences entre ce que proposent les uns et les autres.
Ce texte ne sera pas retiré. L’article 2, relatif au dialogue social dans l’entreprise, qui instaure un changement majeur, tout en permettant une clarification du débat, sera maintenu. Il doit l’être : cela est important pour le pays.
M. Marc Dolez. Justement, on n’en veut pas de cet article 2 !
Mme Marie-George Buffet. Retirez l’article 2 !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Alors, monsieur Chassaigne, je vous le dis nettement : nous tiendrons, je tiendrai – non pour moi, mais pour la gauche et pour le pays. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

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