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Questions au gouvernement

Il faut sortir d’une gestion frontale du maintien de l’ordre

Monsieur le Premier ministre, lors de ses vœux à la police, le ministre de l’intérieur a rappelé les forces de l’ordre à leur devoir d’exemplarité : tardive mise en garde alors qu’il y a un an, en plein mouvement des gilets jaunes, les instances internationales pointaient déjà du doigt la France pour les méthodes employées dans la gestion du maintien de l’ordre.

Le Conseil de l’Europe, le comité contre la torture de l’Organisation des nations unies et le défenseur des droits rappelaient alors que la première mission des forces de l’ordre consiste à protéger les citoyens et les droits de l’homme et qu’un strict équilibre doit être respecté entre les exigences de paix civile et de sécurité publique.

Ces avertissements n’ont pas été suivis d’effets, bien au contraire : certes, la très grande majorité des forces de sécurité accomplit sa mission dans le plein respect des règles de la République, mais il faut également faire le constat d’une violence inacceptable de certains éléments.

De plus, le Gouvernement a rompu avec la doctrine française du maintien de l’ordre, qui repose sur la prévention des troubles, l’absolue nécessité de l’usage de la force et une réponse proportionnée à la menace. Cette rupture alimente la défiance des citoyens envers les forces de l’ordre. L’escalade de la violence, qu’elle frappe policiers ou citoyens, doit cesser : les uns sont épuisés, les autres ont peur de manifester. Il faut sortir d’une gestion frontale du maintien de l’ordre et adopter, monsieur le Premier ministre, une stratégie plus protectrice des libertés. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

N’est-ce pas le seul moyen – je dis bien le seul – pour restaurer le lien de confiance entre la population et les forces de l’ordre ? C’est une dimension de notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Merci pour cette question, qui est au cœur d’une problématique fondamentale pour la République : le maintien de l’ordre. Dans une démocratie, les questions de maintien de l’ordre ne sont ni anecdotiques, ni accessoires ; si elles sont souvent posées, c’est justement parce que les contestations peuvent s’exprimer et que la liberté d’expression des citoyens, qui est accordée, garantie, protégée même, leur permet de manifester – ce qui donne parfois lieu à des débordements.

Quelques minutes avant que vous ne posiez votre question, nous avons entendu le ministre de l’intérieur évoquer la situation de ce policier mort après qu’un délinquant – un criminel, en l’occurrence – a choisi, délibérément semble-t-il, de foncer sur lui et sur son véhicule afin d’échapper à un contrôle. L’ensemble de l’Assemblée nationale s’est levée pour saluer, à juste titre, la mémoire de ce policier.

Nous savons que la mission confiée aux forces de l’ordre est à la fois redoutablement exigeante et redoutablement délicate. Nous savons qu’elles sont soumises à une pression très forte : il faut l’assumer, car cette pression découle de notre exigence collective, et non simplement de celle du chef du Gouvernement ou du ministre de l’intérieur. Cette exigence est celle de la République française, qui a confié aux forces de l’ordre, ces gardiens de la paix, une mission particulière.

Je vous remercie donc, monsieur le président Chassaigne, de me donner l’occasion d’exprimer aux dépositaires de cette autorité notre confiance, notre solidarité et notre reconnaissance, et, dans le même temps, de leur rappeler notre exigence absolue quant au respect des règles de leur engagement. Ces règles, vous les avez vous-même rappelées et, je tiens à vous rassurer, elles n’ont absolument pas été écartées, s’agissant en particulier de l’usage proportionné de la force : leur non-respect peut donner lieu, le cas échéant, à des sanctions et à des décisions. Cette double exigence de solidarité et de rigueur est au cœur du pacte républicain.

Bien sûr, le dire ici, debout, devant vous, monsieur le président Chassaigne, est assez facile : même si l’ambiance dans l’hémicycle est parfois surchauffée, elle n’a rien de comparable avec les situations délicates auxquelles nos forces de l’ordre et nos gardiens de la paix font régulièrement face. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Je vais le dire clairement : ces agents sont, le plus souvent, confrontés à cette question redoutable dans des circonstances redoutablement difficiles. Leur décision, leur attitude et leur capacité à respecter les règles exigent, vous le savez, une maîtrise absolue.

Le Président de la République – vous l’avez noté, je crois – a demandé au ministre de l’intérieur de formuler des propositions sur la manière dont la déontologie et le respect des règles peuvent être rappelés et garantis. Nous devrons en permanence – et c’est bien naturel – nous interroger sur la façon d’adapter la doctrine, les matériels et les règles d’engagement aux évolutions de la société, qui peuvent à leur tour entraîner une évolution des formes de la violence auxquelles elle peut avoir à faire face. L’essentiel, c’est donc la confiance et l’exigence ; le nécessaire, c’est l’adaptation permanente des règles à la réalité du terrain.

Vous pouvez compter sur moi et sur l’ensemble du Gouvernement pour dire aux forces de l’ordre, comme vous l’avez vous-même fait aujourd’hui, monsieur le président Chassaigne, ce double sentiment de confiance et d’exigence. Nous gagnerons tous à exprimer cette confiance, cette solidarité et cette exigence dans les moments de calme, et non dans les moments de très grande tension. Même s’il faut également le faire dans les moments de tension, le rappeler dans les moments de calme permettra d’affirmer clairement que confiance et exigence vont ensemble et que nous ne regardons pas seulement un des termes de l’alternative : les deux sont nécessaires.

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