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Questions au gouvernement

Politique industrielle

Monsieur le ministre de l’économie, au-delà des mots, je dois vous reconnaître une qualité majeure : vous dites tout haut ce que la plupart de vos collègues tentent encore de dissimuler sur le ralliement du Gouvernement aux choix libéraux.
M. Luc Chatel. Si seulement !
M. Patrice Carvalho. Vous êtes le décodeur de la politique gouvernementale. En déplacement à Nantes, lundi, vous avez ainsi déclaré : « La clef de notre réussite industrielle, c’est l’invention d’une mentalité nouvelle, qui ne repose plus sur de la conflictualité, sur une fausse lutte des classes ».
Les milliers de salariés qui se sont mobilisés, à qui l’on a demandé des sacrifices en leur promettant le maintien de leur emploi et qui ont vu, au final, leur usine fermer apprécieront d’être ainsi tenus pour responsables du naufrage organisé de leur entreprise. Je pense à ceux de Continental, dans ma circonscription, ou aux 2 150 licenciés de MoryGlobal. Ce que vous leur proposez pour demain, c’est de cogérer la casse industrielle.
Nous connaissons le credo libéral : la main-d’œuvre est trop chère, le code du travail trop fourni en droits des salariés, et ces derniers trop résistants aux choix du capital. Cela fait trente ans que nous entendons cela, mais en trente ans, nous avons perdu 36 % de nos emplois industriels – 700 000 postes au cours des dix dernières années.
Le coût du travail vous préoccupe beaucoup, mais, de plus en plus, c’est le coût du capital qui nous plombe. Vous déversez des milliards d’euros dans les caisses du MEDEF, mais, sans contrepartie. Cet argent ne va pas à l’investissement, à l’emploi, à de meilleurs salaires : il se perd dans les dividendes, les placements financiers, les provisionnements pour les licenciements à venir.
Quand comprendrez-vous que cette politique est une faillite ? Il n’y a de reconquête industrielle possible qu’en s’opposant aux licenciements boursiers, en confortant les droits des salariés comme nous l’avons proposé, en encourageant ceux qui investissent, créent des emplois et en pénalisant ceux qui privilégient d’abord la financiarisation. C’est seulement ainsi, monsieur le ministre, que nous enrayerons le déclin industriel de notre pays !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je vous remercie, monsieur le député, de l’exercice d’exégèse auquel vous venez de vous livrer, mais je crains que vous n’ayez quelque peu déformé mes propos. Je défendrai en tout cas ici leur esprit.
Non, il n’y aura pas de réindustrialisation du pays contre les entreprises ou sans les entreprises.
Mme Claude Greff. Il y a déjà l’école sans enseignants, et la médecine sans médecins !
M. Guy Geoffroy. Et le Gouvernement sans ministres !
M. Emmanuel Macron, ministre. Non, il n’y aura pas de réindustrialisation du pays si nous ne modernisons pas ensemble notre tissu économique. Et oui, les responsables de la désindustrialisation du pays, ce sont, vous avez raison de le dire, les employeurs cyniques, les défaitistes, ceux qui pensent que produire en France n’est plus possible, ceux qui font, décident, chaque jour, des arbitrages contre le tissu productif français, mais aussi celles et ceux qui refusent ensemble de faire des efforts, celles et ceux qui, trop souvent, bloquent, celles et ceux qui refusent le dialogue social. Donc, oui, la réindustrialisation que nous proposons, au-delà de la démarche que je viens de décrire et de celle des plans, c’est celle de la modernisation du pays, qui a commencé au mois de mai 2012…
M. Patrice Verchère. On est mal barrés !
M. Emmanuel Macron, ministre. …celle qui consiste à faire entrer les représentants des salariés au conseil d’administration des grands groupes pour leur faire partager l’information, celle qui consiste à mieux anticiper les conflits sociaux grâce à la loi de sécurisation de l’emploi,…
M. Céleste Lett. Quelle prétention !
M. Emmanuel Macron, ministre. …en permettant, précisément, de développer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences – GPEC –, celle qui permet de déconflictualiser ces grands licenciements collectifs, pour éviter de détruire de l’emploi, celle qui permet de mettre en place des accords de maintien de l’emploi défensifs pour prévenir plutôt que guérir ou réparer, celle qui permet, à travers la loi que défend en ce moment François Rebsamen devant votre assemblée, de moderniser le dialogue social pour qu’il soit de meilleure qualité et prévienne plutôt qu’il ne guérisse, ce dialogue social qui va vers la co-détermination, vers une coresponsabilité, vers une alliance des producteurs, de celles et ceux qui font l’entreprise, ceux qui ont le capital, qui prennent des risques, ceux qui travaillent chaque jour, qui prennent des risques avec eux. C’est en réconciliant cette collectivité que nous réussirons, pas en y cultivant l’opposition de manière factice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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