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Questions au gouvernement

Protection des plus vulnérables contre la canicule

Monsieur le Premier ministre, la canicule vient de s’abattre sur la France. L’Inde, elle, sort d’une canicule terriblement meurtrière qui a duré plus d’un mois. Le changement climatique ne relève pas d’une vue de l’esprit : c’est une réalité, subie avant tout par la population la plus fragile.

Les premières victimes sont les personnes issues des couches sociales les plus défavorisées, les individus les plus vulnérables : lors d’un pic de pollution, elles ont cinq fois plus de risques de mourir que les autres. Nous pensons aux personnes âgées, aux sans-abris et aux classes populaires qui n’ont pas la capacité financière de faire face à l’augmentation des coûts liés à l’énergie, aux assurances contre les risques et à l’habitat mal isolé.

Nous pensons aussi aux ouvriers du bâtiment, aux agents de voirie et à tant d’autres. Pour eux, c’est la pénibilité du travail qui augmente avec les températures. Pour nos paysans et ouvriers agricoles, s’ajoutent à la dégradation des conditions de travail les aléas climatiques qui entraînent pertes de récoltes et de revenus. Quant aux consommateurs, la raréfaction des ressources et le caractère plus aléatoire des conditions de production sont synonymes d’une augmentation des prix qui affectera encore et toujours les plus défavorisés.

Face à ce constat, face à l’urgence climatique, l’action gouvernementale ne peut se limiter à des slogans, à des postures médiatiques ou autres propositions saugrenues qui évacuent les vraies solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe FI.) La réalité, c’est que votre déficit de volontarisme se traduit par une absence de politiques publiques structurantes.

Monsieur le Premier ministre, des actions fortes s’imposent. Je ne mentionnerai, à ce sujet, qu’une des propositions des députés communistes : la gratuité des transports en commun. Voilà une mesure concrète pour diminuer la circulation automobile et la pollution de l’air. (Mêmes mouvements.) Cette mesure peut être décidée immédiatement, et elle doit l’être.

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous m’avez interrogé, monsieur le président Chassaigne, sur l’épisode de très forte chaleur que notre pays commence à connaître, et qui devrait se poursuivre, dans des proportions rarement atteintes en France à en croire les prévisionnistes, jusqu’au week-end prochain. Cet épisode expose directement, vous avez eu raison de le souligner, les plus fragiles de nos concitoyens : fragiles, ils le sont soit en raison de leur santé, soit parce que leurs conditions de travail les exposent plus que d’autres à cette très forte chaleur, partant aux risques sanitaires – en plus de l’inconfort, bien sûr – qu’il y a à y être trop longuement exposé.

La première des choses à faire, et je sais que cela vous tient à cœur, est d’être attentif et de rappeler les conseils qui, pour ceux qui les connaissent, pour les « sachants » et pour l’ensemble des personnels médicaux, relèvent du bon sens : s’hydrater ; donner accès à des salles plus fraîches lorsqu’elles existent ; prendre soin de nos concitoyens – je suis sûr que vous y serez sensible, monsieur le président Chassaigne – en veillant à ce qu’ils aillent bien, en s’informant sur l’état de santé de ses voisins, en étant attentif aux premiers signes de déshydratation chez ceux que nous croisons, soit dans la rue, soit au travail. Être attentif et vigilant est donc la première chose.

La deuxième est de prendre, face à cette situation particulière, des mesures d’adaptation elles-mêmes particulières. C’est la raison pour laquelle, notamment, le ministre de l’éducation nationale a annoncé le report des épreuves du brevet prévues jeudi et vendredi. Même si cela soulève de nombreuses questions et peut ennuyer certains de nos concitoyens qui s’étaient déjà organisés, il nous a en effet paru de bon sens de ne pas astreindre les enfants en classe de troisième à une présence trop longue au sein des salles de classe, dans les conditions que nous savons, pour les épreuves du brevet. Ces épreuves auront donc lieu lundi et mardi prochains, lorsque la température sera retombée, d’après les prévisions, à un niveau plus raisonnable, ou en tout cas plus normal.

Cette mobilisation et cette vigilance doivent bien entendu être mises en œuvre dans l’ensemble des services publics, dans tous les lieux qui accueillent du public : crèches, établissements pénitentiaires, écoles ou hôpitaux, bref, tous les lieux d’accueil, notamment des publics vulnérables.

Au-delà de l’urgence, de cet épisode extrême qui devrait donc durer jusqu’à la fin de la semaine, nous pouvons faire, vous avez raison, un certain nombre de constats. Le premier est que de tels épisodes se succèdent à une fréquence de plus en plus élevée, de sorte que l’anormal, sous l’effet du réchauffement climatique, tend à devenir le normal. Au-delà des mesures d’urgences – légitimes mais insuffisantes –, nous devons donc, disais-je, nous adapter : adapter notre société, notre bâti, notre urbanisme, notre architecture et nos services publics, afin d’être à la hauteur de cette transformation déjà à l’œuvre, et qui continuera à produire ses effets.

Cela passe par une stratégie que nous avons mise en œuvre, et dont certaines dispositions, d’ailleurs, ont déjà été débattues dans cet hémicycle : je pense, par exemple, à celles de la loi ELAN – évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – pour végétaliser certains bâtiments et assurer la prise en compte, dans les programmes d’urbanisme, de la nécessité de « rafraîchir » les villes.

Troisième point : une fois que nous aurons adapté nos modes de vie, notre architecture et notre urbanisme à ces enjeux, nous devrons anticiper, et ce n’est pas le moindre d’entre de ces derniers, leur aggravation dans les années qui viennent. Nous le faisons, monsieur le président Chassaigne, à travers des mesures ambitieuses,…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …que vous connaissez très bien et qui, bien entendu, produiront leurs effets dans le temps. Celles-ci témoignent de la volonté du Gouvernement d’être à la hauteur des enjeux que j’évoquais.

Un dernier mot sur la possibilité de décider la gratuité totale des transports publics locaux – pourquoi seulement eux, d’ailleurs ? On pourrait imaginer de rendre gratuits l’ensemble des services publics. (M. François Ruffin approuve vivement et applaudit.)
Ce n’est pas le choix que nous faisons. Tout d’abord, la fixation des prix et tarifs des transports publics locaux résulte d’une décision locale, et vous vous insurgeriez sans doute si le Gouvernement venait s’immiscer dans les décisions et le fonctionnement des instances locales, des collectivités territoriales chargées de la gestion des transports. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Il leur appartiendra, si elles le souhaitent, de prendre des décisions en ce sens, comme l’ont déjà fait certaines d’entre elles.

Notre choix s’est porté sur des mesures d’urgence qui facilitent la circulation alternée, évitent l’accès, au sein des zones très denses, des véhicules les plus polluants pendant les pics de pollution liés aux fortes chaleurs.

Urgence, vigilance, adaptation, prévention : c’est en nous mobilisant sur tous ces aspects, monsieur le président Chassaigne, que nous serons à la hauteur des enjeux. Ceux-ci sont considérables et, nous le savons, ils n’iront pas diminuant au cours des années qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

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