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Questions au gouvernement

Rapports entre les pouvoirs publics

La parole est à M. Sébastien Jumel, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Sébastien Jumel. Monsieur le Premier ministre, hier, tel un boxeur qui esquive pour ne pas être sonné, vous avez refusé de répondre au président André Chassaigne qui, au nom des parlementaires communistes, vous exhortait à consulter le peuple par référendum sur le sens de notre démocratie.
Pour accélérer le démantèlement du service public ferroviaire et le déménagement de nos territoires de vie, pour vous débarrasser des petites lignes sur les régions, vous généralisez les ordonnances comme mode de gouvernement : le débat parlementaire semble vous faire peur ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe REM.)
Alors que les retraités humiliés et les acteurs des EHPAD asphyxiés – qui ne sont en rien une génération dorée – se mobilisent, et que la colère monte dans les territoires oubliés de la République, la fracture sociale semble vous faire peur !
M. Ugo Bernalicis et Mme Bénédicte Taurine. Eh oui !
M. Sébastien Jumel. Au lendemain du Salon de l’agriculture, vous nous avez dit, pour justifier l’injustifiable, qu’il faut attendre je ne sais quand pour répondre à la désespérance des retraités agricoles : le peuple qui souffre vous fait peur !
Monsieur le Premier ministre, depuis 2005 et le référendum sur la constitution européenne, les libéraux ont peur du peuple souverain : ils l’accusent de ne pas répondre aux questions posées pour justifier de décider sans lui et même, trop souvent, contre lui. Votre réforme institutionnelle vise à priver le Parlement de sa capacité à discuter les projets et propositions de loi, à les enrichir et même à s’y opposer : elle vise, en un mot, à conférer au Président de la République les pleins pouvoirs.
Nous vous offrons une nouvelle chance de répondre. Vous avez dit vouloir appliquer la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution. Or notre constitution prévoit la consultation du peuple par référendum ! Accepterez-vous enfin de consulter le peuple français sur son avenir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et NG et sur quelques bancs du groupe LR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, hier le président Chassaigne m’a posé une question qui était, comme je l’ai dit, « tout en nuances ». Vous me la posez à nouveau aujourd’hui, avec le même sens de la nuance. (Rires sur de nombreux bancs des groupes REM et MODEM.)
M. Sébastien Jumel. C’est notre marque de fabrique ! (Sourires.)
M. Edouard Philippe, Premier ministre. J’y réponds bien volontiers,…
M. Michel Herbillon. De la même façon qu’hier ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre. …d’autant qu’hier je n’y avais pas totalement répondu. M’étant concentré sur le vote bloqué et le recours aux ordonnances, je n’avais pu évoquer le référendum.
Un mot avant d’aborder ce sujet. Vous avez indiqué que le Gouvernement – et singulièrement le Premier ministre – aurait peur du peuple. Vous et moi, monsieur le député, avons été maires de villes qui sont proches, dont la composition sociologique est comparable. Sans mauvais jeu de mot, nos deux villes, Le Havre et Dieppe, paraissent à certains égards jumelles. (Sourires.) Vous savez donc parfaitement que le suffrage universel ne m’a jamais fait peur.
Concernant la révision constitutionnelle, le Président de la République a indiqué pendant la campagne de l’élection présidentielle et rappelé lors des élections législatives que son objectif était de modifier nos institutions de manière à renouveler notre pratique politique, en permettant un meilleur contrôle du Parlement sur l’action de l’exécutif. Il s’agit d’améliorer l’efficacité du travail des différentes institutions, aussi bien que les relations qu’elles entretiennent entre elles.
Ce projet de réforme global prendra la forme de trois projets de texte : un projet de loi ordinaire, un projet de loi organique, un projet de loi constitutionnelle. Soyons précis. S’agissant du projet de loi constitutionnelle, la Constitution – comme je l’ai dit : rien que la Constitution, mais toute la Constitution – prévoit que les modifications constitutionnelles doivent être opérées conformément à la procédure prévue à l’article 89. Aux termes de cet article, toute révision constitutionnelle doit être adoptée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat ; une fois le projet de loi constitutionnelle ainsi adopté, il appartient au Président de la République de déterminer s’il soumettra ce texte au Congrès, qui devra alors l’adopter à la majorité des trois cinquièmes, ou au référendum.
Telle est la procédure prévue par l’article 89, et l’on ne peut réviser la Constitution sans passer par cette procédure. Certes, en 1962, une révision fut opérée par un autre moyen, mais le Conseil constitutionnel, par sa décision Hauchemaille du 25 juillet 2000, a indiqué qu’il contrôlerait dorénavant les décrets de convocation des électeurs à un référendum, et qu’à cette occasion, il vérifierait si les dispositions faisant l’objet de ce référendum ne sont pas d’ordre constitutionnel, auquel cas elles doivent être adoptées selon la procédure de l’article 89.
Cela signifie que s’agissant du projet de loi constitutionnelle, le débat aura lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat. Si le texte est adopté dans les mêmes termes, alors il appartiendra au Président de la République de déterminer s’il doit être soumis au référendum ou au Congrès.
Mais il ne vous a pas échappé, monsieur le député, que ce que je viens de dire concernant la procédure prévue à l’article 89 ne vaut que pour le projet de loi constitutionnelle. Je suis certain que vous avez bien compris toute la portée de ma réponse. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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