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Questions au gouvernement

Réforme des institutions

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, les dernières initiatives du Gouvernement sont marquées du sceau du mépris à l’égard de la représentation nationale et donc de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et LR.)
Mépris, le recours aux ordonnances pour la réforme ferroviaire ; mépris, le recours au vote bloqué pour empêcher le vote de notre proposition de loi sur les retraites agricoles, adoptée à l’Assemblée et soutenue par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Mépris, le rejet, sans discussion, de toutes les propositions portées par les groupes d’opposition.
Ces coups de force répétés, monsieur le Premier ministre, marquent une dangereuse dérive aux accents de dictature technocratique.
Ils donnent le ton de la réforme des institutions à venir, avec en particulier la restriction du droit d’amendement des parlementaires. Il ne s’agit pas simplement de « rationaliser » ou de « rafraîchir » le fonctionnement du Parlement : c’est l’avenir même de notre démocratie qui est en jeu. (Mêmes mouvements.)
C’est pourquoi le peuple doit décider, en dernier ressort, de l’adoption ou non de ces réformes structurelles. L’enjeu démocratique exige la tenue d’un référendum. Il ne peut s’agir, monsieur le Premier ministre, d’une option politique soumise à marchandage : c’est une obligation démocratique !
C’est au peuple de choisir, de dire s’il souhaite que ses représentants élus soient remplacés par la « technocrature » ; s’il souhaite que les propositions portées par l’exécutif ne soient plus débattues par les représentants du peuple ; s’il souhaite en finir définitivement avec le pouvoir législatif des parlementaires ; s’il souhaite donner les pleins pouvoirs à un hyper-président dont l’objectif est d’amplifier la casse sociale.
Monsieur le Premier ministre, avoir peur de l’intelligence du peuple serait l’ultime preuve de la conception antidémocratique de l’exercice du pouvoir politique qu’a l’exécutif. La majorité va-t-elle se plier à cette obligation démocratique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI, NG, LR et quelques bancs du groupe UDI-Agir. – Plusieurs députés non-inscrits se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Chassaigne, je vous remercie pour votre question tout en nuances. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
M. Laurent Furst. Bel exemple de mépris technocratique !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Nous ne sommes pas d’accord, monsieur le président Chassaigne, et ce désaccord aura donné lieu à un échange intéressant. Vous accusez ce gouvernement d’être contre la démocratie.
M. André Chassaigne. Preuves à l’appui !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Voilà donc, monsieur Chassaigne, qu’un député communiste explique devant cette assemblée que le recours à des dispositions constitutionnelles est un déni de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.). Eh bien, monsieur le président Chassaigne, je ne suis pas d’accord avec vous ! (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.) Et comme je vous ai écouté avec calme et attention, monsieur le président Chassaigne et que nous nous respectons, je vous propose de continuer à vous répondre.
Lorsque nous recourons aux ordonnances, monsieur le président Chassaigne, vous n’êtes pas d’accord, et vous avez parfaitement le droit de l’être, bien entendu – de le dire, de lutter politiquement contre.
Reste que, comme vous le savez, monsieur le président Chassaigne, et comme nul ne l’ignore dans cette assemblée, la possibilité de recourir à ces ordonnances est prévue par la Constitution. Elles ont été utilisées de très nombreuses fois, sous toutes les législatures.
C’est un moyen d’avancer rapidement sur certains dossiers tout en garantissant un échange et un débat parlementaire à l’occasion de l’examen du projet d’habilitation – vous y avez participé la dernière fois que nous avons eu recours aux ordonnances – comme du projet de loi de ratification – vous y avez participé également. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)
Vous m’interrogez, monsieur le président Chassaigne, sur le recours au vote bloqué. C’est évidemment une possibilité que donne la Constitution, et il a déjà été utilisé.
M. André Chassaigne. Il y a vingt-cinq ans !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. En matière de rapports entre l’exécutif et le législatif, ma doctrine est simple : rien que la Constitution, mais toute la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et quelques bancs du groupe UDI-Agir.) Et lorsque nous devons utiliser les instruments constitutionnels qui sont à la disposition du Gouvernement, nous le faisons.
M. Thibault Bazin. Pourquoi vouloir la changer, alors ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Un mot sur le fond du dossier que vous avez évoqué : celui des retraites agricoles. C’est un bon sujet. C’est même un excellent sujet. C’est la raison pour laquelle, monsieur le président Chassaigne, nous avons dit, le Président de la République pendant la campagne présidentielle et moi pendant celle des législatives – vous qui êtes un acteur et un observateur attentif du débat public vous vous en souvenez parfaitement – que nous commencerions par les ordonnances travail ; que nous nous occuperions ensuite ensemble d’une réforme relative à l’apprentissage, à la formation professionnelle et à l’assurance chômage – elle est en cours ; et qu’ensuite, dans le cadre de réflexions engagées sous l’égide de Jean-Paul Delevoye, qui a été nommé, vous le savez, haut-commissaire à la réforme des retraites, nous réfléchirions pendant toute l’année 2018 à une réforme des retraites qui interviendra en 2019. Cette réforme a pour objectif, conformément aux orientations indiquées par le Président de la République, de faire converger l’ensemble des cotisations : quand un euro est cotisé, il faut que pour l’ensemble des Français il ait le même effet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)
M. Ugo Bernalicis. C’est une arnaque !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. C’est une réforme d’ensemble des retraites que nous proposons. Elle est discutée dans le cadre de concertations très nombreuses entre le haut-commissaire et les organisations syndicales. Elle va faire l’objet d’un an de travail et l’année prochaine, pour l’ensemble des Français, nous pourrons discuter à l’Assemblée nationale et au Sénat de cette réforme attendue.
Mais nous le ferons, monsieur le président Chassaigne, dans l’ordre, au bon moment et…
M. Sébastien Jumel. Par ordonnances !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. …s’agissant des retraites, ce sera en 2019. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR, NG, FI et GDR.)

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