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Questions au gouvernement

Réforme du Droit du travail

Monsieur le Premier ministre, au moment où je m’adresse à vous, des milliers de jeunes et de salariés manifestent dans les rues de nos villes contre votre projet de démantèlement des droits du travail ; et ce mouvement n’en est qu’à ses débuts.
Vous leur opposez une méconnaissance du texte. Cet argument méprisant avait déjà été utilisé en 2006 pour le contrat première embauche – CPE. Vous connaissez la suite !
Votre projet serait moderne, nous dites-vous. La précarisation des carrières et des vies n’est sûrement pas un gage de modernité ! Dans notre histoire, c’est la conquête de droits nouveaux pour les salariés qui a permis le développement et la prospérité. Le contraire nourrit la récession, en même temps que la désespérance.
Votre projet, en détricotant le code du travail, faciliterait les embauches. Soyons sérieux ! Demain, un employeur pourra allonger la durée du temps de travail et sous-payer à 10 % les heures supplémentaires, ce qui est un encouragement aux bas salaires. Dans ces conditions, pourquoi voulez-vous qu’il crée de nouveaux emplois ?
Avec votre définition du licenciement économique, qui sera rendu plus aisé avec ce dispositif, les salariés de Continental, dans ma circonscription, auraient vu leur entreprise fermer encore plus rapidement. Et la justice prud’homale, qui a jugé que les licenciements avaient été « sans cause réelle et sérieuse », aurait donné raison à la multinationale. Les salariés n’auraient touché aucune indemnité, même dans la version allégée du texte que vous proposez. Pire, ils auraient été déboutés et condamnés à verser des dommages et intérêts à ceux qui les ont jetés comme des kleenex !
Après le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et le pacte de responsabilité, votre projet, c’est du pâté d’alouette ! Un cheval pour le MEDEF, une alouette pour les salariés !
Pas un seul emploi n’en sortira, et la croissance ne reviendra pas sur fond d’appauvrissement. Retirez votre texte, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, le texte que vous évoquez est un avant-projet de loi, qui n’a pas encore été présenté en Conseil des ministres. Et c’est bien parce que nous sommes dans un esprit de dialogue, notamment avec l’ensemble des organisations syndicales, que nous avons souhaité attendre quinze jours supplémentaires avant de le présenter, de manière à lui apporter des améliorations. L’avant-projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 24 mars prochain.
Il y a entre nous une divergence de fond, que je souhaiterais relever. Nous avons conçu cet avant-projet de loi comme un acte de confiance dans la négociation collective, qui est aussi un acte de confiance en direction des syndicats.
M. Daniel Vaillant. Cela va de pair !
M. Patrice Carvalho. Vous avez surtout confiance dans le MEDEF !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous considérons en effet que si le code du travail a tant grossi au fil des années, c’est qu’il y a eu des dérogations, bien souvent demandées par les organisations patronales, afin de couvrir toutes les situations, et que ce système est aujourd’hui arrivé à bout de souffle. Et si nous souhaitons décentraliser la négociation à l’échelon de l’entreprise, c’est précisément pour redynamiser le dialogue social dans notre pays, en développant de nouvelles formes de régulation.
M. André Chassaigne et M. Marc Dolez. C’est le contraire qui va se passer !
Mme Myriam El Khomri, ministre. C’est pour cela qu’il y a, je le répète, une divergence de fond entre nous. Ce texte de loi possède une cohérence, il porte une philosophie. Aujourd’hui, vous pouvez moduler le temps de travail avec un accord à 30 % ; demain, vous pourrez moduler le temps de travail avec un accord à 50 %.
M. Marc Dolez. Il faut respecter la hiérarchie des normes : c’est une conquête du Front populaire !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Cette confiance envers les organisations syndicales, en effet, elle n’est pas partagée : certains sont pour le contournement des organisations syndicales, certains sont pour la fin du monopole syndical. Ce n’est pas notre conception : dans ce texte, nous augmentons de 20 % les moyens des organisations syndicales. (« Non ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Voilà quelle est la philosophie de notre projet. Je pense qu’aujourd’hui, notre pays est mûr pour un tel cadre et je crois qu’il est essentiel, notamment sur les questions relatives au temps de travail, d’avancer.
M. Patrice Carvalho. Écoutez le peuple !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mais bien sûr que nous écoutons le peuple ! Bien sûr que nous écoutons les organisations syndicales ! Et c’est précisément la raison des améliorations que nous souhaitons porter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

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