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Questions au gouvernement

Services publics : l’alerte du Défenseur des droits

Monsieur le Premier ministre, depuis plus de trente ans, sur fond de désengagement de l’État, notre pays multiplie les privatisations, délégations, dérégulations et suppressions de services publics, conjuguées à des politiques de réductions budgétaires. Ces politiques dont on nous vante les bienfaits alimentent la colère légitime de nos concitoyens.

Dans son rapport annuel publié ce mardi, le Défenseur des droits dresse un constat sans appel : la réduction des services publics, leur éloignement et leur accès de plus en plus complexe ont des effets dévastateurs sur la cohésion sociale.

Il s’inquiète de la mauvaise implantation et des défaillances des services publics à l’échelle nationale et locale. Il pointe en particulier la dématérialisation de plus en plus de démarches qui constitue un obstacle majeur.

Alors qu’une stratégie de reconquête est d’une urgence absolue, votre gouvernement accélère de manière vertigineuse cette politique de casse des services publics et d’abandon de nos concitoyens.

Voici les seules réponses que vous leur avez jusqu’alors apportées, avec la complicité de la majorité : une réforme de la SNCF qui nous promet la fermeture prochaine d’une cinquantaine de lignes et d’une centaine de gares ; une réforme de la justice qui entrave l’accès au juge du quotidien ; une réforme de la santé qui va étendre les déserts médicaux et entraîner des centaines de fermetures de services hospitaliers (M. Jean Lassalle applaudit) ; une réforme de l’État qui prévoit la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires quand le Défenseur des droits plaide pour de nouvelles créations de postes.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes allé jusqu’à faire de votre obsession de la baisse des dépenses publiques une priorité des orientations du grand débat. Sourd aux attentes de nos concitoyens, allez-vous aussi balayer d’un revers de main l’alerte du Défenseur des droits ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous m’interrogez, monsieur le président Chassaigne, sur la répartition et sur l’accessibilité des services publics et vous le faites alors que le Défenseur des droits a rendu ce matin un rapport dans lequel il appelle l’attention de la nation sur les effets de la réduction et de l’éloignement progressif de ces services publics.

Monsieur le président Chassaigne, vous l’avez souligné et je vous en remercie, le phénomène pointé par le Défenseur des droits est ancien – plus d’une trentaine d’années. Il a des causes variées, que vous dénoncez. Reconnaissez avec moi qu’il est difficile, délicat de régler ce problème d’un claquement de doigts, qu’il est difficile et délicat d’inverser des logiques profondes et de trouver des solutions non pas immédiates mais crédibles et durables.

Je commencerai par saluer le travail du Défenseur des droits et de ses services.

Il est intéressant et constitue un élément utile au débat public, qui confirme ce qu’ont affirmé un certain nombre de nos concitoyens soit sur les ronds-points, il y a quelques semaines voire quelques mois, soit, de façon plus générale, dans nos mairies, dans nos communes, partout en France : attention, avertissent-ils, l’accès aux services publics devient plus compliqué.

Là où je diffère de votre point de vue, monsieur le président Chassaigne…

Nous ne sommes pas toujours d’accord… Là, donc, où je ne vous rejoins pas, c’est dans votre critique de solutions que nous apportons. En effet, contrairement à ce que vous indiquez, la réforme de la justice défendue par la garde des sceaux n’a pas du tout pour objet et n’a pas du tout pour effet d’entraver l’accès du justiciable au juge mais bien, à l’inverse, de le faciliter. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) Il s’agit de faciliter cet accès à la fois physiquement et, le cas échéant, de façon immatérielle. J’insiste sur ce point car tous ceux qui prétendent que les transformations que nous sommes en train d’apporter au monde judiciaire auraient pour objet ou pour effet d’éloigner le justiciable du juge se trompent – à moins qu’ils ne veuillent tromper l’opinion.

Car ce n’est en rien ce qui va se passer et c’est même, monsieur le président Chassaigne, le contraire de ce qui va se passer. Vous avez en mémoire, comme moi, des transformations de la carte judiciaire qui, elles, avaient pour objet et ont eu pour effet d’éloigner le justiciable de la justice.

De la même manière, en ce qui concerne les services publics liés à la santé, nombre de nos concitoyens disent, dans les déserts médicaux, dans les endroits où ils ont du mal à accéder à la médecine libérale, que c’est un service public qui leur manque. C’est intéressant car, s’il s’agit de médecine libérale, c’est bien d’un service public que l’on parle. Notre objectif, là encore, par des réformes d’organisation des réseaux de médecins, par la suppression du numerus clausus – qui est une des mesures prévues par le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé qui sera présenté ce soir en commission – est précisément d’apporter une réponse visant à améliorer la disponibilité des médecins. C’est donc l’inverse de ce qui est dénoncé par le Défenseur des droits que nous sommes en train de réaliser.

Enfin, un mot, monsieur le président Chassaigne, sur le sujet de la dématérialisation. Le Défenseur des droits l’évoque et vous l’avez rappelé. La capacité à transformer les procédures physiques en procédures numériques constitue, nous le savons, pour nombre de nos concitoyens, une avancée pratique qui leur simplifie la vie. Mais, nous le savons aussi, et le Défenseur des droits y revient, ce n’est pas une avancée pour tous et nous devons entendre ceux qui nous disent que le monde numérique est peut-être le monde de demain mais que ce n’est pas leur monde aujourd’hui, soit parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’y intégrer, soit parce qu’ils ne le veulent pas. Ils sont nos concitoyens, ils ont le droit de l’affirmer et le droit de bénéficier comme les autres concitoyens des services publics.
C’est pourquoi nous œuvrons d’abord à mieux équiper l’ensemble du territoire en fibre, en relais, de manière que chacun puisse accéder à la dématérialisation. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Ce n’est pas rien et a exigé, sous l’empire du travail remarquable de Julien Denormandie, une discussion très difficile avec les opérateurs pour que nous puissions reprendre le mouvement d’équipement du territoire parfois lancé par les communes, mouvement que l’État entend accélérer. Nous sommes en train de le faire.

De la même manière, nous allons consacrer des moyens considérables, à la fois par le biais du plan d’investissement dans les compétences et grâce à d’autres moyens budgétaires, à l’accompagnement de ceux qui souhaitent passer au numérique – encore une fois, ils ne sont pas tenus de le faire. Nous devons les accompagner, les former, les aider à faire en sorte que cette transition soit possible.

Un dernier mot.

Très souvent, on demande à nos concitoyens de s’adapter à la transition numérique dans leurs relations avec l’administration. Je crois que la bonne solution, même s’il est plus facile de la formuler que de la réaliser c’est d’imposer à l’administration de s’adapter à la révolution numérique pour se mettre à la disposition de nos concitoyens. Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela signifie que, dans les maisons de service public, dans l’ensemble des structures qui apportent un service physique à nos concitoyens, nous devons faire en sorte, par la formation et par l’équipement, de répondre à toutes les questions et de traiter l’ensemble des procédures prévues par la loi au bénéfice de ceux qui en demandent l’application. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

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