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Questions au gouvernement

Utilisation des dividendes

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
(Les députés du groupe GDR restent debout.)
Plusieurs députés UMP. Assis !
M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, j’ai bien entendu les paroles benoîtes de M. Fillon, celles du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, celles de M. Copé, mais la vérité, à propos des graves incidents d’hier soir,... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Richard Mallié. Vous n’étiez pas là !
M. Alain Bocquet. ...c’est qu’on a empêché des représentants du groupe GDR et du groupe Nouveau Centre de s’exprimer sur l’article 13. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés UMP. Vous n’étiez pas là !
M. le président. Je vous en prie, chers collègues ; n’en rajoutez pas.
M. Alain Bocquet. Cela augure très mal du nouveau règlement que l’on veut nous imposer et qui n’est rien d’autre qu’un monstre législatif issu de la révision de la Constitution. Les membres du groupe GDR s’honorent d’avoir voté contre cette révision, car elle conduit à une évidente bipolarisation et vise à bâillonner l’expression du Parlement.
M. Richard Mallié. Vos moyens n’ont pas été augmentés, peut-être ? Un peu de pudeur !
M. Alain Bocquet. C’est une dérive autocratique inacceptable, dans le droit fil de ce qui se pratique aujourd’hui dans le pays,...
M. Patrick Balkany. Arrêtez de faire semblant de défendre la liberté, vous les communistes !
M. Alain Bocquet. ...avec une politique volontariste au service du capital financier, de l’argent, et au mépris des intérêts de notre peuple.
Le groupe GDR proteste contre une telle situation et demande le retrait du projet de loi organique, qui ne contribuera pas à démocratiser la représentation nationale, mais au contraire à la bipolariser et à empêcher une véritable démocratie. Il faut revenir à une vraie démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, le groupe Total va distribuer 5 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires. Le sidérurgiste Mittal versera la même somme aux siens, dont plus de 2 milliards pour la seule famille Mittal, tout en supprimant 6 000 emplois. De 2003 à 2007, BNP-Paribas a versé à ses actionnaires la moitié de ses bénéfices, c’est-à-dire 16,5 milliards d’euros, et cette banque vient de recevoir de l’État 2,55 milliards. Renault impose du chômage partiel ; alors qu’elle annonce 4 000 suppressions d’emplois, elle distribue actuellement 850 millions d’euros à ses actionnaires. Pour l’ensemble des entreprises du CAC 40, les dividendes servis prochainement sur les résultats de l’année 2008 devraient atteindre 40 milliards d’euros.
M. Richard Mallié. Quelle est la question ?
M. Alain Bocquet. Tout se passe actuellement dans notre pays comme si les fauteurs de crise devaient en être les profiteurs. C’est intolérable quand la crise touche durement l’emploi, les salaires et la vie des familles.
Le Président de la République peut toujours parler de moraliser le capitalisme ; tout continue comme avant ! Le diktat des dividendes des actionnaires s’impose toute honte bue.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous supprimer le paquet fiscal, ces 15 milliards glissés par vous dans le portefeuille des plus riches ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Allez-vous rendre illégal le versement de dividendes aux actionnaires d’entreprises qui licencient et délocalisent ? Allez-vous inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi qu’ont déposée les députés communistes pour affecter les dividendes à la garantie des salaires lors des périodes de chômage partiel ? Merci de votre écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d’abord remercier M. Bocquet et ses collègues de participer à cette séance de questions d’actualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Ils démontrent ainsi que l’on peut être en désaccord avec la politique conduite par la majorité tout en poursuivant avec elle le débat démocratique que les Français attendent de nous.
Monsieur Bocquet, vous ne croyez pas vous-même à ce que vous dites lorsque vous accusez le Gouvernement de vouloir bâillonner l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Mme Jacqueline Fraysse. Nous l’avons vécu !
M. Roland Muzeau. Vous n’étiez pas là hier soir !
M. François Fillon, Premier ministre. Y a-t-il, mesdames et messieurs les députés du groupe GDR, une seule des collectivités dont vous avez la responsabilité dans laquelle vous accepteriez que votre opposition bloque indéfiniment les débats et empêche la majorité responsable de prendre des décisions ? Il n’y en a aucune, et vous le savez bien. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Personne ne veut bâillonner l’opposition. Au contraire, les nouvelles dispositions de la Constitution, celles de la loi organique, les amendements adoptés vont même donner au Parlement des droits nouveaux,...
Plusieurs députés GDR. C’est faux !
M. François Fillon, Premier ministre. ...et en particulier la possibilité pour chaque parlementaire de s’exprimer de façon individuelle, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans le règlement de l’Assemblée nationale.
S’agissant, à présent, des questions que vous posez, monsieur Bocquet, voulez-vous réellement que nous disions aux Français, qui bénéficient des avantages fiscaux sur les heures supplémentaires,...
M. Roland Muzeau. Ils sont licenciés !
M. Jean-Pierre Brard. Total ! Mittal !
M. François Fillon, Premier ministre. ...qui bénéficient du crédit d’impôt quand ils achètent leur logement, qui peuvent désormais profiter de l’argent gagné durant toute une vie de travail sans être obligés d’en céder une immense partie à l’État, que nous leur disions, au moment même où nous constatons que ces mesures ont un effet sur le pouvoir d’achat en France (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), qui se tient mieux que les autres pays européens, que nous allons supprimer ces décisions, qui ont été décidées démocratiquement par les Français à l’occasion de l’élection présidentielle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
S’agissant du capital, monsieur Bocquet, c’est bien parce qu’il y a des actionnaires qu’il y a des entreprises, des investissements, de l’emploi. (Même mouvement.)
M. Guy Teissier. Évidemment, mais ils ne comprennent pas !
M. François Fillon, Premier ministre. Il me semble d’ailleurs que, dans le passé, vous avez tenté de défendre d’autres modèles dont on sait comment ils se sont achevés. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur Bocquet, il y a cependant un point au moins sur lequel nous pouvons être d’accord. Nous pensons, dans la majorité, qu’il n’est pas acceptable qu’une grande entreprise ou une grande banque qui, parce que la crise la met en difficulté, se tourne vers l’État, donc vers les contribuables, puisse en même temps distribuer des dividendes et octroyer à ses dirigeants des rémunérations variables en fonction de résultats qui ne peuvent pas être jugés satisfaisants dans le climat économique que nous connaissons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Pierre Gosnat. Continuez le combat !
M. François Fillon, Premier ministre. C’est la raison pour laquelle nous avons exigé que la seconde participation de l’État au renforcement des fonds propres des banques serait conditionnée.
M. Pierre Gosnat. Faites une loi !
M. François Fillon, Premier ministre. Il n’y a pas besoin de loi pour cela. Si les banques ne veulent pas respecter ces mesures, elles n’auront pas accès aux crédits que l’État met à leur disposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Les conditions sont très simples : les banques doivent respecter l’engagement d’augmenter les volumes de prêts en cours, accepter de ne pas accorder de rémunérations supplémentaires à leurs dirigeants, et enfin consacrer l’essentiel de leurs résultats au renforcement de leurs fonds propres, ce qui est normal puisque si elles se tournent vers nous, c’est parce qu’elles ont des fonds propres insuffisants ; si elles ont des résultats, ceux-ci doivent être affectés aux fonds propres. Vous voyez, monsieur Bocquet, qu’il y a des sujets sur lesquels nous nous rejoignons. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
(Les députés du groupe GDR quittent l’hémicycle.)

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