Interventions

Budget de l’État

Budget : loi de finances 2008

Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Ministres,
Le projet de Loi de Finances pour 2008 que vous nous présentez aujourd’hui prolonge, avec plus de force encore, la véritable révolution conservatrice qui a été engagée depuis quelques années.
Il y a quelques jours, l’une des éminences grises du patronat français n’hésitait pas à lancer un appel pour solder les acquis de 1945. Les acquis de 1945, ce sont bien sûr les grandes conquêtes sociales de l’immédiat après-guerre, la Sécurité Sociale, la mise en œuvre de fleurons publics qui ont permis une sortie de crise rapide, mais c’est surtout une idée de la France, humaine solidaire et par conséquent efficace. Voilà ce à quoi ce chantre du MEDEF propose de s’en prendre.
Et bien, à lire votre Budget, je ne doute pas que ce triste sire soit heureux, contenté qu’il doit être de mesures plus rétrogrades les unes que les autres.
Le mouvement engagé lors des budgets de la précédente législature et l’accélération lors du paquet fiscal connaissent là un prolongement.
Toutes les mesures que vous confirmez dans le PLF sont destinées aux couches les plus aisées.
L’une des dispositions emblématiques est bien sûr le bouclier fiscal. Pour cette mesure -si tant est que les bénéficiaires potentiels aient le courage de dévoiler réellement leur patrimoine ce qui reste à démontrer-
16 000 foyers fiscaux seulement bénéficieraient de 87,5 % de remises fiscales.
Avec les nouvelles règles concernant l’ISF, c’est une véritable mort sur ordonnance de ce prélèvement qui, je le rappelle, avait été créé pour financer le RMI.
C’est le symbole même de la redistribution qui est attaqué.
Il en est de même avec le sort réservé à l’impôt sur le Revenu qui fait l’objet de flèches acérées.
Il est pourtant l’impôt le plus juste, le plus en phase avec notre principe constitutionnel de participation de chacun selon sa faculté constitutive, le plus à même de donner corps à notre devise républicaine de Liberté, d’Egalité et de Fraternité.
Et pourtant, l’impôt sur le revenu progressif est accusé de tous les maux… Tout simplement parce qu’il permet une véritable redistribution des richesses.
On nous assure que la progressivité de l’impôt provoquerait la fuite des talents, qu’il découragerait les entrepreneurs, qu’il serait donc un frein à l’économie et la croissance. Foutaises.
Regardons l’Histoire de notre pays. Il n’y a pas eu de développement plus important que lorsque l’impôt sur le revenu a été le plus fort. Dans les années 1960, le taux marginal de la plus haute tanche était de 60 %, et alors.
Quant à la fuite des talents, là aussi, il s’agit de dire non à la désinformation.
Si un impôt sur le revenu élevé et progressif provoquait une fuite préoccupante des talents, les pays nordiques n’auraient depuis longtemps plus aucun cadre supérieur ou dirigeant.
L’impôt sur le Revenu y représente 16 % du PIB en Suède, 25 % au Danemark contre seulement 7,5 % en France. En fait, comme le relève un rapport de la Commission du Sénat en 2004, le nombre de particuliers fortunés qui émigrent en Belgique, en Suisse ou ailleurs pour échapper à l’ISF est négligeable. L’exode net serait de 210 par an. Ce n’est rien comparé aux 100 000 Britanniques qui ont une résidence en France et y paient des impôts !
Non décidément non, il n’y a rien de nouveau dans ce PLF, si ce n’est une confirmation du retour de la revanche sociale, véritable révolte des élites qui vise à revenir sur plusieurs décennies de conquêtes sociales. Vous êtes, mesdames et messieurs du gouvernement, les hérauts de ce bal des privilèges.
Pour ce faire, pour justifier le repli de l’Etat et donc moins de solidarité, pour justifier que les riches doivent être plus riches et en corollaire les pauvres plus pauvres, il y a les mots magiques dont vous usez sans cesse, des mots et des phrases qui sont de véritables poncifs :

  •  les charges écrasent les entreprises
  •  la France est endettée
  •  le privé est plus efficace que le public
    Et pendant ce temps là, à Neuilly, Auteuil, Passy, on danse, on danse à la gloire du bouclier fiscal, on trinque à la venue du petit dernier, l’article 6 de ce budget qui octroie un prélèvement libératoire sur les actions, on chante la mort de l’ISF.
    Ceux-là n’ont que faire de la dette. D’ailleurs, avec la bénédiction du gouvernement et du Président, ils vont la creuser, c’est même ce qu’on leur recommande !
    C’est ainsi que vous justifiez ces nouveaux prélèvements qui frappent d’abord les couches moyennes et modestes.
    Je veux parler des franchises médicales, et sans doute bientôt d’une TVA augmentée.
    Le déficit, savamment entretenu par des décisions fiscales scandaleuses, sert également à des choix idéologiques de casse de nos services publics.
    A qui allez-vous faire croire que la diminution des effectifs de 23 000 agents est impérieuse au plan des finances publiques ? A personne !
    Cette décision a un effet budgétaire très limité. -400 millions d’euro pour 2008-, mais elle vous permet de stigmatiser les fonctionnaires, de poursuivre l’entreprise de division que vous avez commencée en pointant du doigt ce qui ont un petit peu pour occulter ceux qui sont les véritables parasites de notre système économique.
    Pour cacher ces privilèges éhontés, et que vous renforcez, d’une caste de financiers, vous jetez les salariés du public contre ceux du privé, le cheminot contre l’artisan, l’intérimaire contre le Rmistes…
    De tels choix sont destructeurs de la cohésion sociale. La culpabilisation des chômeurs n’a pas pour but d’éradiquer le chômage mais les chômeurs en les rejetant hors du système.
    En parallèle, la déculpabilisation des plus riches, par le biais de la dépénalisation des fraudeurs en col blanc comme l’a demandé le Président de la République, est un signe d’une allégeance aux marchés financiers.
    Là encore, après le paquet fiscal, la disposition prévue à l’article 9 de ce PLF, est une aubaine pour les gros actionnaires !
    Mais à l’heure où EADS est dans la tourmente, cet article, qui visait précisément l’un des actionnaires de ce groupe, est une fleur de plus à ceux qui font passer leur intérêt particulier, l’intérêt des marchés financiers avant l’intérêt général.
    Le déficit, la dette sont aussi de bons moyens de culpabiliser les élus locaux et les services publics locaux.
    Après la vague de transferts de compétences et de charges sans les transferts financiers correspondants, la mise en place du contrat dit de stabilité est une nouvelle attaque contre l’autonomie des collectivités locales. Vous inventez les critères de Maastricht des collectivités territoriales !
    Et bien entendu, ce seront d’abord les personnes les plus en difficulté qui pâtiront des restrictions imposées aux collectivités !
    La question essentielle ne réside pas ans la production de richesses, mais dans la répartition de celles-ci. Comme le souligne Joseph Stiglitz, le capitalisme marche sur la tête – le fondamentalisme du marché et les fondamentalistes du marché font courir à nos sociétés de graves dangers en fermant les yeux sur l’extraordinaire aggravation du fossé qui sépare les riches et les pauvres !
    L’accroissement des inégalités et de la pauvreté remarquée par les associations caritatives est une conséquence directe de ces choix.
    La recherche du profit financier immédiat, au détriment d’une croissance durable, équitable est une véritable bombe à retardement.
    Il est impérieux de trouver de nouvelles formes de répartition de la richesse, et surtout des prélèvements sur l’insolente croissance des gains du capital.
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Jean-Claude
Sandrier

Député de Cher (2ème circonscription)
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