Interventions

Budget de l’État

PLF 2019 - Gestion des finances publiques

Bienvenue dans l’hémicycle, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement ! Nous aurions pu y passer ensemble la nuit blanche qui nous a emmenés jusqu’au petit matin aujourd’hui : nous vous avons attendu longuement...
M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Il y aura d’autres occasions !
M. Jean-Paul Lecoq. Je souhaite centrer mon propos sur l’état très inquiétant de la Direction générale des douanes et des droits indirects, la DGDDI. Le budget des douanes est totalement contradictoire : il est question, en prévision du Brexit, d’embaucher 700 douaniers sur trois ans, nous dit-on, dont 350 dès 2019 tout en supprimant 100 postes de douaniers, dans la continuité de la suppression de 6 000 postes en vingt ans. Le chiffre de 700 douaniers suggère que les besoins sont nettement sous-estimés, ce qui est très grave et sera lourd de conséquences.
Vous le savez, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, le Brexit pose un gigantesque problème frontalier. La façade maritime française partage avec le Royaume-Uni une frontière directe – que jouxte ma circonscription –, mais également un très grand nombre d’entrées aériennes et terrestres : des espaces aussi différents que la gare du Nord à Paris, les ports de Dieppe, de Roscoff, de Ouistreham, la gare de Marne-la-Vallée et tous les lieux où des compagnies aériennes ont des lignes reliant la France au Royaume-Uni. D’ici quatre mois à peine, il faudra donc des bureaux de douane dans tous ces lieux pour que la frontière française ne soit pas entièrement réduite à une passoire. Mais les bureaux de contrôle ne sont même pas encore construits et les contrôles à venir seront effectués par des fonctionnaires qui n’auront pas les moyens humains de faire le travail.
Alors que le résultat du vote sur le Brexit a été connu le 24 juin 2016, rien n’a été fait par l’État pour anticiper ce qui allait se passer. Depuis, nous avons voté deux projets de loi de finances pour rien, et ce n’est qu’au troisième, alors que nous sommes dos au mur, qu’il est question d’embaucher des douaniers.
Voilà qui sent la précipitation. Finalement, les 300 emplois qui vont être pourvus en 2019 ne feront que compenser les sous-effectifs, de sorte que l’augmentation du nombre de postes liée au Brexit ne permettra pas de remédier à la faiblesse des douanes françaises.
La situation douanière dans nos ports, dont Le Havre, entraîne par ailleurs un grave défaut de fiabilité du fait d’un manque criant de matériel et de personnel : ce sont moins de 0,5 % des 2,5 millions de conteneurs qui sont contrôlés. Le fait que les douanes soient en sous-effectif chronique ne permet déjà plus de surveiller les importations et exportations françaises. Nous n’avons au Havre que vingt-cinq contrôleurs, qui peuvent faire environ deux visites par jour et par personne : c’est ridicule au regard des défis du commerce international, des contrefaçons, de la circulation des drogues – comme dans tous les ports d’Europe –, de tous les autres trafics illégaux. Avec la meilleure volonté du monde, les douaniers sont déjà dans l’incapacité de surveiller correctement les flux commerciaux entre la France et les autres pays.
Le Brexit va conduire à redessiner notre carte douanière pour faire face à l’urgence, ce qui n’aboutira, au bout du compte, qu’à déplacer le problème. Ce n’est pas avec 700 postes supplémentaires en trois ans que la situation va changer ! Ce sont 700 emplois dès l’année prochaine qu’il faudrait pour assurer une remontée en puissance. Un douanier rapporte sept fois plus d’argent qu’il n’en coûte : c’est un investissement qui mérite que l’on y réfléchisse, mes chers collègues !
Le projet formulé par le gouvernement est très en deçà des futurs besoins de notre pays. Il ne faut pas oublier, en effet, que la DGDDI protège les consommateurs lorsque ses agents identifient les contrefaçons et empêchent des produits dangereux pour la santé ou l’environnement, ne respectant pas nos normes, d’être achetés en France. Ce sont donc les consommateurs qui vont finalement pâtir de ce manque de contrôle : ils risquent de tomber sur des produits, notamment des jouets – Noël approche – importés au mépris des normes sanitaires les plus élémentaires applicables dans notre pays.
La douane joue également un rôle auprès des entreprises, puisqu’elle travaille directement avec les acteurs de l’exportation et de la logistique. Nous nous privons donc aussi de la fluidité administrative tant réclamée par les entreprises. Davantage de douaniers, en effet, ce sont davantage de certificats d’exportation vérifiés et signés, donc plus de marchandises qui peuvent circuler, au bénéfice des entreprises françaises. C’est un aspect à propos duquel vous devriez être plus vigilants. La fermeture du bureau secondaire des douanes d’Évreux, par exemple, inquiète énormément les entreprises de logistique de l’Eure, parce que l’obtention de papiers administratifs prendra désormais un temps fou. Ce n’est pas ainsi que l’on rendra nos entreprises compétitives ; tel était pourtant le sens de votre mandat et de votre action.
Au-delà de ces problèmes, le budget pour 2019 demeure trop insatisfaisant pour que les députés communistes du groupe de la Gauche démocrate et républicaine votent les crédits qui nous sont soumis ce soir.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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