Interventions

Budget de l’État

PLF 2020 - Mission Agriculture - Question

Nous avons connu, cette année, une succession d’aléas climatiques sans précédent, une pollution de grande ampleur avec l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen. En septembre dernier, vous avez annoncé un grand chantier de réflexion sur la gestion des risques en agriculture, afin d’instaurer une assurance généralisée pour répondre aux aléas dont on sait qu’ils seront de plus en plus nombreux.

Vous avez qualifié à juste raison l’assurance récolte privée actuelle de système à bout de souffle, d’autant plus que, pour les décennies à venir, personne ne peut parier sur une diminution du nombre et des conséquences des aléas climatiques, environnementaux ou sanitaires, si l’on en juge par les rapports du GIEC et par la croissance des échanges internationaux. Mais les libéraux, à Bruxelles comme en France, refusent de voir la vérité en face : le recours aux assurances privées est un fiasco pour l’agriculture. (MM. Jean-Paul Dufrègne et Dominique Potier applaudissent.)

Quant au financement public de contrats signés avec des assurances privées à 65, voire 80 %, envisagé grâce à un prélèvement sur le budget de la PAC, c’est une nouvelle hypocrisie.

L’agriculture de demain a besoin de régimes publics et solidaires d’assurance, qui s’appuient sur une caisse d’assurance couvrant de façon universelle tous les agriculteurs, assurant à la fois une réactivité face aux aléas et un rôle de prévention et d’adaptation des systèmes agricoles avec, aux côtés de l’État, une gestion professionnelle collective.

En complément du soutien de l’État et des contributions des agriculteurs en fonction de leurs revenus, nous proposons d’affecter à cette caisse une contribution des revenus financiers des grands groupes liés à l’agriculture et à l’alimentation, ainsi qu’une taxe sur les importations. Monsieur le ministre, il faut assumer la mise en place d’un régime public d’assurance efficace qui ne laisse personne sur le bord de la route. Êtes-vous prêt à nous suivre sur cette voie d’avenir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre. Monsieur le président Chassaigne, non seulement je ne suis pas prêt à vous suivre, mais, si nous vous suivions, ce serait dans une impasse et non sur une voie d’avenir. Je regrette d’avoir à vous le dire, ce n’est pas au contribuable français de payer encore plus. Nous ne voulons pas mettre en place une assurance publique.

L’agriculture est la seule profession pour laquelle une assurance n’est pas obligatoire. Un charcutier, un boucher, un menuisier, un entrepreneur assure son outil de travail. Pour l’agriculteur, l’assurance n’est pas obligatoire, et c’est bien le problème.

Aujourd’hui, la faillite, ce n’est pas « le » système assurantiel, c’est « ce » système assurantiel, celui qui ne permet pas aux femmes et aux hommes de s’assurer. C’est un système dans lequel un agriculteur qui n’a pas beaucoup de moyens ne peut pas se payer une assurance coûteuse. En outre, en cas d’aléa climatique, après une année de grêle ou de gel, le coût de l’assurance est multiplié par x. Tout cela ne colle pas.

L’assurance n’est pas obligatoire, et elle a peu de chance de le devenir, car les professionnels ne le veulent pas. Aucun syndicat agricole n’y est favorable, même ceux qui sont les plus proches de vous, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Ce n’est pas vrai !

M. Didier Guillaume, ministre. Il faut essayer de mutualiser, de généraliser l’assurance.

M. André Chassaigne. Avec un système public !

M. Didier Guillaume, ministre. Cela permettra d’élargir progressivement son assiette afin qu’il soit intéressant de s’assurer avec un système privé.

J’ai même annoncé que, pour enclencher ce système, l’État était prêt à mettre de l’argent sur la table, si les règles communautaires le permettent.

M. André Chassaigne. Vous faites payer les contribuables alors que vous disiez le contraire il y a un instant !

M. Didier Guillaume, ministre. Il s’agit d’enclencher le processus. Contrairement à ce que vous pensez, je suis favorable à ce que la PAC mette de l’argent dans la construction de ce système assurantiel. Cela doit être un système privé, aidé par le secteur public pour son démarrage, avant de parvenir à son rythme de croisière. Quand vous assurez votre voiture, c’est vous qui payez ; vous ne demandez pas à l’État de contribuer à assurer votre véhicule. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. André Chassaigne. Vous êtes vraiment bourré de contradictions ! Vous dites tout et son contraire en un instant !

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