Interventions

Budget de l’État

PLF 2020 - Mission Aide publique au développement

La mission relative à l’aide publique au développement représente un budget très important permettant aux pays riches, dont la France, de lutter contre les injustices créées par le capitalisme et amplifiées par le libéralisme. L’aide publique au développement peut aussi être perçue comme une réparation des dégâts tragiques de la colonisation, qui a permis le décollage économique de quelques pays au détriment de tant d’autres. Si la France est riche, c’est aussi parce qu’elle a pillé l’Afrique.

Aujourd’hui, ces aides internationales doivent aussi permettre aux pays en développement de connaître un développement plus durable qu’au cours des dernières décennies. Il y a donc un intérêt majeur à rendre écologique la montée en puissance des pays les moins avancés pour éviter une catastrophe environnementale de très grande ampleur.

Pour que les pays les moins avancés puissent bénéficier des meilleures technologies écologiques pour leurs bâtiments, pour leurs transports, pour leurs industries, pour leur énergie et pour leur accès à l’eau et à l’alimentation, il faut des moyens, des compétences, de la connaissance locale et de beaux projets en perspective pour les jeunes de ces pays. Théoriquement, du moins. De fait, on parle souvent de prêts, mais nous préférerions qu’on parle davantage de dons.

Le budget de l’aide publique au développement française pour 2020 est le troisième d’un quinquennat qui est censé renforcer les moyens accordés à l’APD pour les porter à 0,55 % du revenu national brut. La trajectoire fixée au début de 2018 était pour le moins étonnante : faibles évolutions en 2018, 2019 et 2020, puis un coup d’accélérateur magistral en 2021 et 2022. En 2019, à part le rapporteur et la majorité, il se trouve peu de monde pour juger que cette trajectoire est crédible.

Le budget de l’APD, qui sera de 3,27 milliards d’euros pour 2020, est fixé à 4,8 milliards pour 2022. Sachant que les augmentations actuelles semblent déjà douloureuses pour Bercy, on a peine à croire qu’on parviendra à augmenter ces crédits de 700 millions d’euros en 2021 et de 900 millions l’année suivante. Les autorisations d’engagement à hauteur de 1 milliard d’euros ouvertes en 2019 ne sont même pas maintenues en 2020 pour permettre un décaissement important dans les années à venir. Avec une augmentation de 200 millions d’euros pour la mission, l’objectif à tenir pour 2022 reste très lointain.

Dans le même temps, nous ne voyons toujours pas de trace d’une loi d’orientation et de programmation pour ce secteur, attendue depuis l’année dernière. Sans visibilité politique et sans solidité budgétaire, nous sommes très loin des discours grandiloquents de la présidence de la République !

Loin de ces discours, je souhaite souligner ici l’importance des organisations de la société civile et des collectivités territoriales dans l’aide publique au développement. En France, ces acteurs sont relativement marginalisés, avec des appuis budgétaires de l’État relativement faibles au regard de ce qu’ils sont dans d’autres pays de même rang que le nôtre. La part de l’APD française transitant par les ONG est d’environ 3 %, contre une moyenne de 15 % au sein de l’OCDE. Il y a là un véritable rattrapage à opérer afin de soutenir des activités menées en direct avec des acteurs de terrain.

Ce travail, lorsqu’il est issu d’échanges sincères et amicaux, peut avoir un impact certes localisé, mais majeur. Dans ma circonscription, par exemple, l’association Solidarité Song Taaba Burkina a été créée à Gonfreville-l’Orcher et dans la province d’Oubritenga, au Burkina Faso. Sylvain et Isidore, l’un Français et l’autre Burkinabé se sont rencontrés pendant leurs études, en France, voilà quarante ans, et ont décidé, une fois rentrés chez eux, de créer un partenariat : sous forme d’aide alimentaire, de contributions à l’achat de matériels locaux pour l’éducation ou d’aide à la santé, ces projets permettent au partenariat d’aider localement, en fonction de besoins très précis. L’association française, forte de ses bénévoles, est soutenue financièrement par la ville de Gonfreville-l’Orcher, qui fait de la coopération décentralisée par le biais, entre autres, de la subvention qu’elle verse à cette association et de jumelages, par exemple avec le peuple sahraoui. Notons au passage que, si, à l’époque où Isidore est venu étudier, les frais d’inscription avaient été aussi élevés qu’avec le plan Bienvenue en France, cette histoire n’aurait probablement pas eu lieu.

Ce qu’il faut retenir de ces efforts locaux, au-delà des projets, ce sont les liens qui se créent, l’amitié et la culture de paix qui s’y développent. La valeur de ces échanges est immense. J’ai proposé en commission que l’on montre aux étudiants qui viennent faire leurs études en France que de tels projets sont imaginables dans la durée. C’est cette aide au développement qui permettra d’imaginer nos relations autrement.

Ce type de coopération décentralisée, qui repose sur une association et une collectivité territoriale, devrait être plus valorisé par l’État, notamment en facilitant les dossiers de subventionnement et en accompagnement mieux les acteurs locaux dans leur volonté de coopération internationale. Les citoyens sont ainsi les sentinelles de l’utilisation des fonds. N’est-ce pas aussi ainsi que l’on peut lutter contre la corruption et le détournement ?

Les députés communistes regrettent que le montant de l’APD ne soit pas augmenté à la hauteur des exigences et des besoins suscités par les inégalités de notre monde. Nous voterons donc contre ce budget.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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