Interventions

Budget de l’État

PLF 2020 - Mission Conseil et contrôle de l’Etat

Nous avons à discuter ce soir d’un certain nombre de missions, certes disparates, mais essentielles en ce qu’elles témoignent du bon fonctionnement de nos institutions. Nous nous limiterons en ce qui nous concerne au cas de la Cour nationale du droit d’asile, au regard de l’actualité brûlante du sujet de l’immigration.

Cette année encore, nous constatons que ses crédits sont en augmentation. En raison de l’importance des dépenses de personnel, la mission est peu sujette à des évolutions significatives. Néanmoins, force est d’admettre que la CNDA voit de nouveau son budget croître à hauteur de 44 millions d’euros, contre 36 millions en 2018. Cinquante-neuf ETP nouveaux lui seront consacrés, emplois correspondant à la création d’une chambre de jugement supplémentaire.

Je voudrais faire quelques remarques sur cette institution qui joue un rôle essentiel dans l’application du droit d’asile.

En premier lieu, ne nous y trompons pas, les moyens supplémentaires qui lui sont alloués ont une seule finalité : accentuer la politique du chiffre pour atteindre l’objectif gouvernemental de ramener à six mois le délai moyen de traitement des demandes d’asile. C’était la philosophie du projet de loi asile-immigration que notre groupe a combattu et qui porte en lui une logique comptable de l’asile, dénoncée par les rapporteurs de la CNDA ; une logique qui fait primer le raccourcissement des délais de jugement sur la qualité de l’instruction des demandes et des décisions rendues.

Entraînée par le Gouvernement dans cette course folle à la statistique, la présidente de la CNDA a présenté un plan d’action qui a été vivement contesté par les agents de la Cour, en particulier quant à la possibilité offerte aux rapporteurs et secrétaires d’audience d’effectuer des audiences supplémentaires.

Depuis 2018, il est ainsi proposé aux rapporteurs une audience supplémentaire, au-delà de leur norme habituelle de 325 dossiers par an, avec une rémunération de 180 euros brut pour environ dix jours de travail – elle est de 50 euros pour les secrétaires d’audience.

Les rapporteurs sont donc encouragés, non pas à mieux instruire et rédiger leurs décisions, mais à faire du nombre. Cette politique se retrouve dans la détermination de la prime de fin d’année, qui ne dépend que du nombre de dossiers traités, quelles que soient les appréciations de l’évaluation annuelle, sans prise en compte donc de la qualité du travail.

Parallèlement à ce phénomène de « taylorisation », la CNDA a dû faire face à une grève des avocats qui dénoncent le recours aux vidéo-audiences tout en critiquant vertement la politique du chiffre conduite par le Gouvernement.

Dans ce contexte, la CNDA opte pour un recrutement croissant d’agents contractuels, qui représentent désormais 85 % des rapporteurs alors que ceux-ci occupent une fonction régalienne, exerçant généralement leurs fonctions pendant moins de deux ans, au regard de la surcharge d’activité. Nous avons là l’exemple même d’une démarche dangereuse, en lien avec la volonté du Président de la République d’imposer à l’ensemble du pays le thème de l’immigration tout en occultant les réalités du droit d’asile, comme le Gouvernement couvre d’un voile le climat social et les conditions de travail qui ont cours à la CNDA.

Oui mes chers collègues, à rebours des caricatures et contre-vérités exprimées ici ou là, les acteurs de terrain sont unanimes : la France connaît une nette dégradation des conditions d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile. Seuls comptent le chiffre et l’expulsion. Terrible et choquant constat ! Ce drame humain se joue alors même que notre pays, comme le professeur au Collège de France François Héran le souligne, occupe seulement la onzième place des pays d’accueil en Europe, en valeur relative rapportée à la population

Vous l’aurez compris, nous nous opposons au vote de ce budget qui ne répond pas à nos devoirs républicains et qui abîme les valeurs de la République. Nos pas s’inscrivent dans ceux de Jean Jaurès…

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Laissez-le en paix, Jaurès !

M. André Chassaigne. Observation pathétique, qui montre le niveau de certains députés du nouveau monde.

Oui, Jaurès affirmait haut et fort que « quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le droit humain ». C’est sans doute ça qui vous gêne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC. – Mme Jeanine Dubié et M. Paul Christophe applaudissent également.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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