Interventions

Budget de l’État

PLF 2020 - Mission Défense, Anciens combattants

Concernant le budget dédié aux anciens combattants, je ne reprendrai pas les raisons, exposées par le rapporteur de la commission des finances, mon collègue Jean-Paul Dufrègne, qui conduisent le groupe de la Gauche démocrate et républicaine à ne pas voter ce budget.

Je développerai simplement trois points, sans chercher à remettre en cause la majorité actuelle, dont l’action s’inscrit dans la continuité des majorités qui se sont succédé depuis des décennies.

J’aborderai tout d’abord le sujet de la souveraineté et de l’indépendance de notre armée, à partir de quelques exemples : le canal de radio des avions Rafale français, directement relié à l’état-major de l’OTAN, les catapultes de fabrication américaine propulsant les avions embarqués sur le porte-avions Charles de Gaulle, les fusils allemands pour remplacer les FAMAS, assortis d’une clause de maintenance qui nous place dans une situation de dépendance, Naval Group qui ne produit plus prioritairement pour l’armée française mais choisit, par exemple, de développer de petites frégates, plus facilement exportables mais qui ne répondent pas aux besoins de l’armée française.

Plus largement, notre industrie de défense choisit les matériels à produire non plus en fonction de nos besoins, mais des opportunités de vente, la France préférant acheter « sur étagère ».

Poursuivons avec les drones Reaper, prêtés par les États-Unis, et les techniciens qui vont avec pour illuminer les cibles de l’aviation française, les avions de transport des troupes loués par la France qui en manque, l’intégration de l’Agence de l’innovation de défense au réseau d’innovation de l’OTAN. Voilà quelques exemples qui illustrent la perte de souveraineté dans le domaine de la défense de notre pays.

Ces considérations m’amènent au deuxième point, celui de la sortie de l’OTAN, qui me semble le meilleur moyen de retrouver notre indépendance. Le processus serait long, j’en suis conscient, et impliquerait un investissement important de la nation dans des moyens humains, matériels et financiers. Une telle démarche ne pourrait pas se faire d’un coup de baguette magique.

Cependant, la contribution financière de la France à l’OTAN pourrait être réorientée vers d’autres postes permettant de faciliter cette sortie. C’est pourquoi nous proposons de commencer par sortir immédiatement du commandement intégré de l’OTAN. Ce serait une première étape. Il faudrait également ouvrir en France un grand débat populaire pour réfléchir aux contours d’une politique de défense et de sûreté libérée de l’OTAN et capable d’assurer l’indépendance des peuples européens.

D’ailleurs, l’OTAN est elle-même en crise. La Turquie, en dehors des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France, dispose de la seule armée digne de ce nom dans l’OTAN. Elle a décidé d’accorder la priorité à ses propres ambitions nationalistes en lançant sans entrave son armée contre le peuple kurde.

Certes, la France, soutenue par l’Allemagne, tente de créer un pilier européen au sein de l’OTAN afin de traiter d’égal à égal avec les États-Unis ; mais le Pentagone n’entend aucunement partager son leadership absolu. En revanche, il fait tout pour que les armées européennes soient totalement intégrées dans son système militaire, pour le plus grand bénéfice du complexe militaro-industriel américain. La réglementation ITAR – réglementation sur le trafic d’armes au niveau international –, qui impose un droit de regard des États-Unis sur tout armement dès lors que l’un de ses composants est américain, en fournit un exemple édifiant.

Je terminerai par la dissuasion nucléaire, dont nous ne parlons pas assez. Commençons par rappeler son coût monstrueux – 4,7 milliards d’euros cette année. Sur 25 milliards d’euros en cinq ans, cela représente environ 13 millions d’euros par an.

Je remets fondamentalement en question le postulat selon lequel seule l’arme nucléaire pourrait apporter la sécurité ultime à la France et aux pays qui en sont dotés. Au contraire, les dangers d’un arsenal nucléaire sont bien supérieurs aux bénéfices apportés à son possesseur, pour trois raisons principales.

Tout d’abord, le risque est élevé de voir proliférer cette arme vers les États, les organisations malveillantes ou instable. Ensuite, cette arme est inadaptée aux conflits modernes.

Enfin, la stratégie de dissuasion pourrait se retourner contre les pays qui en sont eux-mêmes dotés. Nous devons lire les propositions du rapport d’information remis récemment par Jean-Paul Lecoq et Michel Fanget et nous en inspirer. Un processus pourrait être mis en œuvre si nous cessions enfin de refuser le débat. Au nom de quels a priori ne pourrions-nous poser la question de la dissuasion nucléaire dans notre pays ?

Je terminerai en disant que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, comme vous vous en doutiez, ne votera pas les crédits de cette mission. La raison ne tient pas aux spécificités de ce budget, dont plusieurs avancées – que je n’ai pas développées pour me concentrer sur les trois points prioritaires à mes yeux – sont à saluer ; elle réside dans le fait que, depuis des années, le budget de la défense ne permet pas à la France de conserver une véritable souveraineté et une véritable indépendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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