Interventions

Budget de l’État

PLF 2020 - Mission Economie

Permettez-moi d’évoquer, madame la secrétaire d’État, à la suite de mon collègue Sébastien Jumel, les moyens mis en œuvre par l’État pour préserver notre industrie, notamment nos entreprises industrielles en difficulté.

Vous le savez : la part de l’industrie dans le PIB est passée dans notre pays de 17 % à 12 % en l’espace de vingt ans ; cent usines par an ont été fermées depuis dix ans, un million d’emplois industriels directs ont été supprimés. L’objectif fixé, celui de passer le cap des 15 % d’ici 2025 et 20 % en 2035, semble bien loin d’être atteint. Certes, le secteur crée des emplois depuis 2018, mais en très faible quantité et après avoir connu une très longue période de baisse. Les entreprises en difficulté, les fermetures en cours, notamment chez General Electric, les menaces qui pèsent sur de nombreuses filières, notamment dans la papeterie, dans l’énergie et dans l’automobile, doivent nous inquiéter fortement. En 2018, pas moins de 3 706 entreprises ont été liquidées.

Si nous voulons redresser notre industrie, il va d’abord falloir mettre un garrot sur cette hémorragie. L’objectif est bien de retrouver les emplois perdus mais aussi d’en créer d’autres car il manque en tout 2 millions d’emplois dans l’industrie en France. Les auditions réalisées avec mon collègue Sébastien Jumel ont montré qu’il y avait avant tout besoin, de la part de l’État, d’une stratégie industrielle beaucoup plus cohérente et déclinée filière par filière.

Le Gouvernement choisit d’investir dans l’innovation de rupture en privatisant Aéroports de Paris, la Française des Jeux et en cédant les parts de l’État dans Renault et Engie, mais il met de côté l’industrie manufacturière, la production de machines, d’équipements et de biens de consommation dont notre pays a aussi besoin. Le Gouvernement dit que nous ne serons jamais aussi compétitifs que les pays à bas coût sur ces créneaux. Eh bien nous, nous vous disons l’inverse ! Car si nous additionnons le coût du chômage, plus globalement le coût social de la pauvreté supporté par l’État et les collectivités, et le coût écologique induit par l’importation de produits manufacturés, tout cela coûte plus cher au pays, plus cher que si nous relocalisions ici un maximum de ces productions.

Lors des auditions, nous avons aussi travaillé sur les différents dispositifs permettant de soutenir les entreprises en difficulté : ils sont nombreux et variés, allant de l’échelonnement de la dette sociale à son annulation, et différents services sont mobilisables au niveau de l’État ou des régions, lesquelles sont bien souvent présentes, tout comme les agglomérations. Mais autour de la table, il manque très souvent un acteur essentiel : les banques. Elles ne sont pas là, ou si peu. Et pour cause : elles ne prêtent qu’aux riches, ou en tout cas aux entreprises qui vont très bien ou aux amis.

Vous allez me dire, madame la secrétaire d’État : « Mais il y a la banque publique d’investissement ! » Sauf que Bpifrance ne peut intervenir que si l’entreprise n’a pas de dette auprès de l’État et si elle n’est pas en situation de redressement judiciaire – sans parler du fait que ses moyens diminuent, notamment pour soutenir la trésorerie des PME, ou que la subvention au titre de ses activités de garantie n’est plus versée. Il manque donc dans notre pays une banque, une vraie, qui accompagne des industriels dans leur projet de relance de leurs activités ou de transformation de leur entreprise.

Faute de l’existence d’une telle banque, c’est l’État qui joue le rôle de prêteur, notamment via le FDES. Or l’État prête à des taux usuraires, madame la secrétaire d’État ! Il prête à des taux allant de 10 % à 20 % à des entreprises qui ont déjà la tête sous l’eau !

Cela me fait penser aux crédits à la consommation proposés à des Français en situation de surendettement ! Et ces taux usuraires sont dus aux règles de l’Union européenne qui imposent de prêter au taux du marché plus 10 % alors même que les banques ont accès à des financements à des taux négatifs… On marche sur la tête ! Je vous le confirme, madame la secrétaire d’État : c’est bien le taux Euribor plus 10 %. Si vous le niez, je précise que c’est le CIRI – le comité interministériel de restructuration industrielle – qui nous l’a dit. Libre à vous de contredire le CIRI, mais c’est confirmé et sa réponse figure dans le rapport de Sébastien Jumel. La réalité, c’est que l’État leur prête au moins à 10 %.

Résultat : ce sont des fonds de retournement ou des financiers sans scrupule qui rachètent ces entreprises en difficulté, ces entreprises abandonnées. Et nous savons les dégâts qu’ils provoquent : ils viennent, comme des prédateurs, acheter nos entreprises et se payer avec des taux de profit élevés en les revendant à la découpe deux ans après. C’est inadmissible ! Je sais que, dans votre gouvernement, on aime les financiers – pour ma part, je les préfère en dessert et aux amandes. (Mouvements divers.)
C’est bien pourquoi notre pays doit se doter d’outils publics plus efficaces, d’outils d’intervention rapides, aux côtés d’investisseurs privés si besoin, avec des prêts à taux zéro si nécessaire, et en participant au capital des entreprises quand c’est stratégique, avec éventuellement un fonds de retournement public-privé comme cela a été proposé. C’est à ce niveau-là qu’il faut mettre la barre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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