Interventions

Budget de l’État

PLF 2020 - Mission Gestion des finances publiques

Depuis le début du quinquennat, les fonctionnaires de l’État sont sacrifiés sur l’autel de l’économie et de la modernisation.

Il s’agit de postes précieux, notamment en ce qui nous concerne ce soir, puisque le ministère des comptes publics subit une véritable saignée, alors même que son rôle est plus essentiel que jamais.

On n’y dénombre pas moins de 5 775 suppressions de postes prévues entre 2020 et 2022, 10 000 en tout durant le quinquennat. Les administrations de Bercy sont en souffrance. La DGFIP est la première victime de cette croisade. Depuis 2012, près de 700 points de contact, principalement de trésorerie, ont été fermés. Dans mon département, l’Allier, vous avez prévu de fermer neuf trésoreries sur onze, ce qui est inadmissible. Les élus, les agents, soutenus par les populations, manifestent leur opposition c’est le cas dans ma circonscription, récemment à Dompierre-sur-Besbre, bientôt à Saint-Pourçain-sur-Sioule. On en a marre que vous vouliez faire notre bonheur malgré nous !

Certes, il y a moins de besoins de guichet qu’auparavant. Mais les populations restant concernées sont souvent les plus fragiles et nécessitent un accompagnement accru. On a dématérialisé sans avoir vraiment les infrastructures requises, et on continue de le faire. Bien sûr, nous constatons dans la mission « Économie » que 440 millions d’euros ont été débloqués pour l’année 2020 dans le cadre du plan France très haut débit – d’ailleurs, il en faudrait au minimum le double. Mais pourquoi avoir engagé les procédures de dématérialisation alors que ni le réseau ni le public ne sont prêts ?Vous avez mis la charrue avant les bœufs.

Pensons à nos aînés des territoires ruraux. Prenons l’exemple de cette Gardoise de 89 ans qui a reçu une amende de 15 euros pour avoir réglé ses impôts par chèque.

Elle avait pourtant payé à temps ; elle n’a dû s’acquitter de cette amende que parce qu’elle ne maîtrisait pas le télépaiement. C’est une honte, et un décalage total par rapport aux demandes des usagers.

Vous pouvez toujours le dire… La dématérialisation à la hussarde a accentué la fracture territoriale et les ratés ont été nombreux. C’est la Cour des comptes qui le dit, pas moi !

Monsieur le ministre, vous-même écoutez souvent la Cour des comptes. En outre, comme le Défenseur des droits l’a expliqué en janvier dans un rapport, la dématérialisation doit toujours respecter les principes fondateurs du service public : adaptabilité, continuité, égalité devant le service public.

Or les populations rurales n’ont pas le même accès que les autres aux services dématérialisés. Notre collègue Jean-Paul Mattei et moi-même avons dernièrement déposé un rapport d’information consacré aux services publics dans les territoires ruraux. Nous concluons à l’utilité des maisons France service, à condition que leur maillage soit serré : aucun citoyen ne doit en être éloigné de plus de vingt minutes de trajet, et elles ne doivent pas servir de prétexte à la fermeture des services de l’État – nous pensons en particulier aux trésoreries, dont le sort inquiète particulièrement les municipalités et populations rurales.

La DGFIP sera amenée à participer davantage aux maisons France service : financièrement, mais parfois aussi en mettant à leur disposition des locaux, voire des agents, rendus disponibles par les fermetures de trésoreries.

Or parler de redéploiement, c’est bien, mais cela ne doit pas occulter les suppressions de postes et de trésorerie.

Il ne faut pas que les fonctionnaires territoriaux se substituent aux fonctionnaires de l’État et que leur charge en soit ainsi transférée aux collectivités, ces fonctionnaires devenant une sorte d’agents tout terrain.

M. Mattei et moi-même proposons d’ailleurs, dans notre rapport d’information, de maintenir l’emploi public au sein des territoires ruraux en y redéployant les postes supprimés à l’échelle du département. Plutôt que d’assécher dans le seul but de réaliser des économies, nous devons réaffecter intelligemment.

Je conclurai par une mesure controversée, celle prévue à l’article 57 du projet de loi de finances, dont la mise en œuvre est facilitée par le progrès informatique. Concrètement, l’intelligence artificielle permettra à la DGDDI et à la DGFIP de collecter de manière automatisée des informations circulant sur internet, notamment par les réseaux sociaux.

La CNIL s’est montrée plus que réservée à ce sujet, notamment eu égard à la liberté d’expression. Nous partageons ses doutes.

Sans surprise, les députés de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre les crédits des missions qui nous sont soumises. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.)

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