Interventions

Budget de l’État

PLF 2020 - Mission Immigration, asile et intégration

Comment ne pas remarquer que les accents humanistes qui émaillaient naguère les discours du chef de l’État et de la majorité disparaissent un à un ? Sur les réfugiés, la France devait « prendre ses responsabilités » et assumer son « devoir d’asile ». Mais ça, c’était avant…

De l’eau a coulé sous les ponts depuis, une eau mauvaise : celle, d’abord, de la loi asile et immigration, adoptée dans la précipitation, sans évaluation de l’efficacité des dispositifs antérieurs, et marquant un vrai recul des droits des étrangers. Cette eau mauvaise alimente aussi le moulin de la communication qui, pour offrir au chef de l’État un adversaire supposé commode et facile à battre, lui fait la courte échelle et lui abandonne le choix du terrain. Ce plan de com’ vous a conduits à convoquer, ici même, il y a quelques semaines, un débat sans texte sur l’immigration.

En matière d’immigration comme d’asile, votre feuille de route n’a jamais visé à ce que la France assume pleinement sa part de responsabilité dans l’accueil des réfugiés, mais bien à surfer sur de puissants courants populistes en vous posant comme le dernier rempart avant la barbarie, tout en reprenant sans vergogne ses thèmes et ses propositions.

L’humanisme a donc disparu. Il ne reste dans vos propositions que l’âpreté statistique de votre vision de l’immigration, tout en gestion de stocks et en contrôle des flux. En tête de ces propositions, on trouve les fameux quotas migratoires économiques pour – je cite ici Mme Muriel Pénicaud, qui se croit au supermarché de la main-d’œuvre –, « s’ajuster en temps réel aux besoins de nos entreprises ». Cette mesure revient à confier au patronat notre politique migratoire et, bien sûr, à accroître la pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail.

M. Ludovic Pajot et M. Sébastien Chenu. Ça, c’est vrai !

M. Stéphane Peu. À l’inverse, je réitère ma proposition de régulariser les travailleurs sans papiers qui travaillent actuellement pour notre économie : elle constituerait une juste reconnaissance de leur contribution à la production de la richesse nationale et mettrait un terme à l’économie noire du travail.

Le même état d’esprit vous conduit à proposer un délai de carence de trois mois pour l’accès aux soins, comme si la tuberculose attendait ! Je prends ici l’exemple de mon département, où tous les professionnels de santé alertent sur la progression de cette maladie.

Votre ligne directrice est simple : multiplier les obstacles sur la route des étrangers souhaitant faire valoir leurs droits et, en parallèle, accélérer les procédures pour les expulser au plus vite. Pourtant, le vrai problème de délai, c’est celui de l’enregistrement : de très nombreux demandeurs d’asile qui n’ont pas réussi à faire valoir leur demande sont traités comme des personnes en situation irrégulière. La moitié d’entre eux se retrouvent placés en procédure accélérée, ce qui a pour principal effet de les priver de garanties et de droits.

Vous insistez sur les demandeurs d’asile réputés profiteurs, mais vous oubliez que la moitié d’entre eux ne peuvent pas faire valoir leur droit à l’hébergement. Votre projet de loi de finances prévoit pourtant de stopper les efforts dans ce domaine, alors que 68 000 demandeurs d’asile n’ont aucune solution de logement et se tournent vers l’hébergement d’urgence de droit commun, lui-même saturé. Le résultat, nous l’avons sous les yeux porte de la Chapelle. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer cette situation ici : 3 000 personnes y campent dans des situations indignes et leur sort est laissé au seul soin des bénévoles et des associations.

Chers collègues, une vingtaine d’associations dont la Cimade, Médecins du monde et Amnesty International ont dénoncé dans un courrier adressé au ministre de l’intérieur la « politique punitive » du Gouvernement envers les étrangers. Elles dénoncent la « politique du tout enfermement » et invitent à « mettre un terme aux pratiques illégales de l’administration » et à proscrire « tout enfermement d’enfants en rétention ». Car – faut-il le rappeler ? – la rétention administrative de mineurs est en augmentation en France, en dépit de multiples condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme. En 2018, les autorités ont placé 1 429 mineurs derrière les grilles d’un centre de rétention administrative : c’est cinq fois plus qu’en 2013. Cette situation est insupportable et indigne d’un pays comme le nôtre.

Cette politique, mes chers collègues, est un signe de faiblesse et une concession à la doxa ambiante qui, comme on pouvait s’y attendre, n’a pour l’heure pas eu l’effet dissuasif attendu. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicain voteront contre le budget de cette mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et SOC.)

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