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Budget de l’État

PLF 2021 - Plan de relance

Pour nous, les députés communistes, ce plan de relance aura bien du mal à répondre à l’urgence économique, écologique et sociale, car il est incomplet et même parfois source d’inégalités : les oublis en sont nombreux ; les moyens pour créer des emplois et lutter contre le chômage sont inadaptés, des dizaines de milliards d’euros sont encore versés à de grandes entreprises sans rien leur demander en échange. Quand les bons enjeux sont ciblés, les moyens sont souvent insuffisants, notamment pour lutter contre la misère qui grandit dangereusement dans notre pays.

Il faut dire que les 100 milliards de ce plan de relance se répartissent en deux fois 50 milliards sur deux ans, et que sur ces 50 milliards, il n’y a en vérité que 21 milliards de crédits nouveaux. La raison en est simple : accorder des coupes franches dans les impôts de production, soit plus de 20 milliards d’euros sur deux ans, limite tout de suite les marges de manœuvre. Restons sur cette nouvelle baisse d’impôts que vous et votre majorité accordez aux entreprises, soit 10 milliards d’euros par an. C’est encore une fois les grosses entreprises qui récupèrent la grosse part du gâteau – sans qu’elles aient eu besoin de le demander d’ailleurs –, alors que les petites n’auront droit qu’aux miettes : 6,6 milliards d’euros bénéficieront ainsi à 9 240 grandes entreprises et entreprises de taille intermédiaire, les 3,3 milliards restants allant aux 567 000 PME et TPE !

Il suffit, dans le tableau que Bercy nous a fourni, d’additionner le nombre d’entreprises et les sommes qui correspondent en face. C’est open bar pour les grosses boîtes ! Oui, c’est un vrai un cadeau pour elles que de bénéficier de cette baisse d’impôts sans même l’avoir demandée. Certaines, même, versent des dividendes et licencient en même temps : je pense à Total, qui a versé 6,9 milliards d’euros de dividendes et supprime 1 150 emplois, à Sanofi, qui a versé 3,9 milliards d’euros de dividendes et supprime 1 000 emplois, à Thales, qui en a versé 130 millions et supprime 1 000 emplois, et aussi de plus petites entreprises, comme Cargill, dans le Nord, qui décide la suppression de 186 emplois tout en annonçant à ses salariés qu’elle s’apprête à verser un dividende exceptionnel au premier trimestre 2021.

Pour mettre fin à cette situation de plus en plus inacceptable, nous vous proposerons aujourd’hui une règle simple pour encadrer les aides aux grandes entreprises : conditionner, contrôler et sanctionner.

Conditionner les aides, c’est mettre en place de véritables critères pour que ces dizaines de milliards d’euros d’argent public – notre argent – servent efficacement au maintien des emplois, à la relocalisation, à la réindustrialisation, à la transition écologique des entreprises ou à la parité salariale entre les femmes et les hommes.

Contrôler et sanctionner, c’est annoncer aux grandes entreprises que nous les surveillerons et qu’elles ne feront pas ce qu’elles veulent, tout le contraire de l’amendement quelque peu fantaisiste proposé par la majorité.

Pour le reste, je le disais au début, votre plan de relance ne met pas les moyens sur les enjeux essentiels : 900 millions d’euros pour la rénovation des logements privés, c’est bien, mais les passoires thermiques représentent 7 millions de logements – des moyens supplémentaires seraient donc nécessaires ; il en est de même des 600 millions d’euros pour le ferroviaire, alors qu’il s’agit du mode de transport de demain, et du milliard d’euros, à peine, pour la souveraineté économique et pour les relocalisations, alors que la crise a montré les défaillances de notre pays en la matière. Comment croire alors que nous pourrons bâtir une véritable politique industrielle ambitieuse, qui intègre les enjeux de relocalisation et les enjeux écologiques, aujourd’hui centraux ? Tous ces chiffres font pâle figure à côté des 20 milliards de baisse d’impôts de production.

Mais il y a un chiffre qui fait encore plus pâle figure : à peine 86 millions d’euros en 2021 pour le soutien aux plus précaires, alors que la crise sociale s’annonce dévastatrice avec 1 million d’emplois détruits d’ici à la fin de l’année, sans compter l’explosion des demandes de RSA, comme le rapportent les départements abandonnés à leur sort, 1 million de personnes ayant basculé dans la pauvreté depuis le début de la crise selon les associations caritatives et humanitaires. D’autres mesures, comme le chômage partiel, sont utiles et nous les saluons, mais elles laissent sur le bord de la route encore beaucoup de personnes : je pense aux autoentrepreneurs, aux intérimaires et aux précaires qui attendent toujours des réponses. Il vous avait fallu trois mois en début d’année pour apporter une petite prime aux allocataires des minima sociaux. Ce sera pareil cette fois-ci. Pourtant, ces personnes attendent des solutions pérennes, pour pouvoir vivre dignement, sans être tributaires de primes que vous voulez bien leur accorder de temps en temps.

C’est dans l’esprit qui anime l’ensemble de cette intervention que les députés communistes défendront leurs propositions. Nous serons très attentifs au sort qui sera fait à nos amendements, lesquels visent à conditionner les aides publiques versées aux grandes entreprises. Notre vote sur l’ensemble de cette mission dépendra du soutien que vous leur accorderez.

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Fabien
Roussel

Député du Nord (20ème circonscription)

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