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Budget de l’État

PLF pour 2021 - Aide publique au développement

Le débat que nous avons eu hier en commission a permis de démontrer que, si des avancées ont été réalisées en matière d’aide publique au développement, les manques demeurent beaucoup trop nombreux et graves pour que les députés communistes s’en satisfassent.

Premièrement, je le dis depuis 2017, en matière d’aide publique au développement comme dans d’autres domaines, proposer des objectifs en points de PIB n’est pas une bonne idée en cas de récession – loin de moi l’idée, en disant cela, d’être désagréable à Frédéric Petit. Nous le voyons cette année : les objectifs n’ont plus de sens. Heureusement, d’ailleurs, que nous n’avons pas voté le projet de loi instituant un système universel de retraite, car le principe était le même.

Nous nous rapprochons, pour l’année 2021, du fameux objectif de 0,7 % du PIB. Oui, mais en valeur absolue, ce n’est pas du tout satisfaisant ! Cet objectif doit être traduit par des engagements financiers. Il m’avait semblé important de le souligner en commission : si nous connaissons une récession dans notre pays, c’est que la situation dans le monde est, en règle générale, très mauvaise.

En 1945, nous avons eu la chance qu’un ministre communiste crée la sécurité sociale.

Elle permet d’absorber les chocs sociaux les plus violents et de soigner tout un chacun solidairement. Il faut imaginer l’ampleur des drames sociaux dans les États où le travail n’est pas protégé et où l’accès à la santé est payant. Or la trajectoire de l’APD pour 2021 ne semble que très faiblement prendre en compte l’urgence internationale à cet égard, ce qui est très regrettable.

Certes, l’État français a contribué à lancer quelques initiatives internationales contre la covid-19, mais rien ne démontre une prise de conscience de l’urgence et de l’ensemble des enjeux sur le plan budgétaire.

Il ne faut pas non plus oublier qu’une partie des crédits mobilisés pour lutter contre la crise sanitaire est redéployée depuis d’autres lignes budgétaires. Nous avons donc stoppé ou ralenti des programmes d’aide publique au développement pour en lancer de nouveaux. Si cela permet de faire de la communication et de montrer que l’on mobilise de l’argent, nous agissons au détriment d’autres programmes, ce qui n’est pas acceptable.

Les députés communistes ne sont donc pas satisfaits de la gestion de l’APD en 2020, et ils craignent qu’il n’en aille de même en 2021. À cet égard, je ne reviens pas sur l’absence de connaissance précise de la ventilation de plus de 12 milliards d’euros d’ADP « non pilotable ». Ce n’est pas rien ! Nous sommes nombreux à avoir pointé ce problème en commission et j’adhère complètement aux propos que vient de tenir ma collègue Bérengère Poletti à ce sujet.

Mentionnons également le scandaleux refus du Gouvernement d’augmenter la part de l’APD dans la répartition des recettes de la taxe sur les transactions financières, ainsi que son refus d’augmenter le taux et l’assiette de cette taxe, qui constitue l’une des principales sources du financement de l’APD.

Je le rappelle, l’absence de décideur au plus haut niveau et le fait que le directeur de l’Agence française de développement soit, de facto, le ministre des affaires étrangères – qui a manifestement son propre agenda – sont de graves problèmes. De la même manière, l’absence d’une loi de coordination et de programmation de l’APD, maintes fois annoncée puis repoussée, prouve qu’il ne s’agit pas d’une priorité pour le Gouvernement. La période que nous connaissons aurait pourtant nécessité un ministre de plein exercice dédié à ce domaine et une vision budgétaire s’étalant sur plusieurs années afin d’engager un véritable travail politique.

Enfin, l’action française en matière d’aide publique au développement demeure soumise à la théorie des « 3D » – diplomatie, défense, développement –, laquelle installe l’idée, pourtant mauvaise, selon laquelle il existe une continuité entre la diplomatie, la guerre et l’aide publique au développement.

Les députés communistes s’insurgent contre cette théorie, qui monte en puissance chez les décideurs et qui est utilisée pour présenter les opérations militaires comme des actions d’aide humanitaire. À terme, peut-être essaiera-t-on de faire passer nos ingérences humanitaires pour de l’APD ? Souvenons-nous que le président Hollande, que vous avez bien connu, monsieur le ministre, avait proposé que l’opération Serval soit comptabilisée dans le budget de l’APD !

La trajectoire budgétaire de l’APD prévue en 2018 n’a été que légèrement modifiée par la crise internationale de la covid-19. Les crédits de cette mission, qui émanent d’autres lignes budgétaires, apparaissent insuffisants au regard des enjeux actuels et futurs, et l’augmentation de sa dotation se fait donc aux dépens d’autres budgets. Celui de l’APD est non pilotable et le Parlement est dans l’impossibilité d’en débattre. Le Gouvernement refuse obstinément de modifier la répartition des recettes de la taxe sur les transactions financières, ainsi que son taux et son assiette. Il n’existe aucun décideur en ce domaine au niveau interministériel. Le maintien de la théorie des « 3D » fait craindre une militarisation de l’APD. Et je ne reviens pas sur la question de l’évasion fiscale ; mes interventions successives sur ce point en commission semblent avoir convaincu Mme la rapporteure pour avis, membre du groupe majoritaire.

Bref, les députés communistes ont cherché ce qui pourrait les faire voter le budget de l’APD, comme ils y ont été invités en commission, mais ils n’ont rien trouvé. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne votera donc pas les crédits de cette mission.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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