Interventions

Budget de l’État

PLF pour 2024 - Mission budgétaire : Défense, Anciens combattants

Personne ne peut s’affranchir du contexte international qui entoure l’examen du budget de la défense pour 2024. La guerre en Ukraine, la guerre en Palestine et en Israël, les tensions au Sahel, la compétition dans la zone indo-pacifique nous obligent à adopter la plus grande vigilance et surtout à multiplier nos efforts diplomatiques.

Bien entendu, face à une telle réalité, il faut mettre tous les moyens en œuvre pour protéger les Français et nos ressortissants à l’étranger, pour que les armées disposent du meilleur matériel, à la pointe des nouvelles technologies, et pour que les soldats soient bien équipés, bien formés, mieux rémunérés. Sur ces différents points, il y a eu quelques avancées, notamment en matière de conditions de vie et d’indemnisation des soldats.

Mais, comme nous l’avions dit lors des débats sur la LPM, nous n’aurions pas doublé les crédits de la défense entre 2017 et 2027, alors même qu’on fait encore des économies sur les écoles, l’éducation nationale, la santé et les hôpitaux.

Pour commencer, vous augmentez la puissance de notre dissuasion nucléaire, en lui allouant 750 millions d’euros supplémentaires cette année, soit des crédits s’élevant au total à 5,3 milliards d’euros. Si la dissuasion nucléaire est la clé de voûte de notre défense – dont acte –, les moyens que vous lui allouez vont à l’encontre de nos engagements internationaux en faveur de la non-prolifération de l’arme nucléaire. Nous ne partageons pas ce choix. Au contraire, travaillons au désarmement multilatéral de toutes les puissances nucléaires.

En revanche, nous voulons allouer d’importants moyens au secteur des équipements et des munitions, afin de rattraper le retard pris depuis des années. Mais, là encore, le poids excessif de la dissuasion vous a contraints à reporter des programmes d’armement, notamment au détriment de nos outre-mer. En outre, notre modèle industriel de l’armement, trop dépendant d’autres pays, voire de fonds de pension privés, doit pousser à nous interroger.

Vous programmez ainsi 1,5 milliard d’euros pour reconstituer nos stocks de munitions. Mais quels partenariats industriels seront conclus ? Quel contrôle public sera exercé ? Nous continuons de plaider pour un pôle public de l’armement. À cet égard, la relocalisation de la fabrication de poudre à Bergerac est un bon exemple à suivre.
J’en viens maintenant à un point très important relatif au montant de la pension accordée à nos anciens combattants. Dans l’histoire de notre pays, les armées ont toujours été composées de soldats issus, dans leur grande majorité, de milieux populaires. Ouvriers, paysans, métallos, cheminots, fonctionnaires, enseignants, ce sont eux qui sont allés défendre la patrie et qui ont assumé dans leur chair les combats les plus difficiles.

Aujourd’hui, ils vivent très modestement. Je le dis avec gravité, il faut entendre leur colère lorsqu’ils parlent d’aumône et qu’ils qualifient de ridicule l’augmentation du point PMI, proposée dans le budget. Oui, il faut les entendre, eux qui subissent une inflation qui dépasse largement 5 %, pour atteindre 15 %, voire 20 %, et qui reçoivent des régularisations de charge dues au prix de l’énergie. Il faut rattraper les retards pris ces dernières années en matière de revalorisation de la pension des anciens combattants.

Je terminerai en évoquant l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, spécifique à nos outre-mer. Après ceux effectués dans le Sahara algérien, 181 essais nucléaires ont été réalisés en Polynésie, dans les atolls de Mururoa et de Fangataufa, parmi lesquels 46 essais aériens et 147 essais souterrains. Les premiers ont libéré des nuages radioactifs. Ils ont atteint Tahiti, contaminant les populations qui ont alors souffert de plusieurs maladies. Lors des essais souterrains, des déchets radioactifs ont été déversés dans les profondeurs des atolls.

Les dégâts, humains et environnementaux, sont donc considérables.

Or la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin, censée résoudre le problème de l’indemnisation des victimes, ne produit pas les effets attendus, la plupart des demandes étant rejetées par le comité d’indemnisation. Alors que rien n’est prévu dans ce budget, il est urgent que l’État accorde enfin au Civen – Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires – les moyens de traiter les dossiers à la mesure des préjudices subis et d’indemniser les victimes des risques de cancer. Nous défendrons un amendement en ce sens.

Pour conclure, nous demandons humblement, une nouvelle fois, que les choix stratégiques, le modèle d’armée tout autant que la trajectoire financière de ce budget soient revus. Mais à quoi bon si, dans les heures qui viennent, un nouveau 49.3 tombe sur cette assemblée comme la lame d’une guillotine, mettant un terme à nos débats ? Je le regretterais profondément, compte tenu des débats très riches que nous avons eus en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

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Fabien
Roussel

Député du Nord (20ème circonscription)

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