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Accès aux soins

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe UDI que nous examinons ce matin traite d’un sujet préoccupant : les déserts médicaux. Elle vise à surmonter la situation et à offrir à tous nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire, un égal accès aux soins.
Alors que le nombre de médecins en activité stagne depuis une dizaine d’années et que les besoins en matière de santé ne cessent de croître, il existe désormais des déserts médicaux dans pratiquement tous les départements, sur les territoires ruraux mais aussi dans certains quartiers urbains. La concentration de l’offre médicale sur des territoires déjà bien dotés ne fait qu’aggraver la pénurie. En définitive, près de 2,5 millions de Français sont concernés.
Cette situation suscite de la part de nos concitoyens, à juste titre, beaucoup d’inquiétude, voire de colère. Nous en parlons depuis plusieurs années déjà et plusieurs mesures ont été prises pour lutter contre ce phénomène de la désertification médicale.
Elles ont été prises à l’initiative de l’État ou, bien souvent, à l’initiative et sur les deniers des collectivités locales : je pense au développement des maisons médicales pluridisciplinaires ou encore aux aides à l’installation des jeunes médecins.
L’État a multiplié les mesures incitatives, qui prennent la forme d’exonérations d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés, de réductions de cotisations sociales ou encore d’aides en prévision de la retraite. Je regrette, sans doute comme vous tous, mes chers collègues, que toutes ces mesures ne soient pas rigoureusement évaluées : comme nous l’avons évoqué en commission, il serait vraiment nécessaire, intéressant et utile pour notre réflexion de mesurer leur impact sur la réduction des déserts médicaux ainsi que de connaître leur coût pour l’État, globalement et par habitant.
Il y a quelques semaines encore, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017, un statut de praticien territorial de médecin remplaçant a été créé, à l’initiative du Gouvernement. Il s’agit d’une bonne mesure, qui peut indiscutablement aider.
Force est de constater, cependant, que tous les dispositifs mis en place au cours des dernières années n’ont pas permis de remédier aux inégalités territoriales en matière d’offres de soins.
La situation préoccupante dans laquelle nous nous trouvons appelle donc des réponses plus fortes car il relève de notre responsabilité de veiller à ce que tous nos concitoyens puissent avoir accès, en temps et en heure, à des soins de qualité.
Si le statu quo n’est pas envisageable, nous devons bien avoir à l’esprit que nous payons aujourd’hui les décisions irresponsables prises par le passé et que les mesures prises aujourd’hui ne porteront pleinement leurs fruits que dans plusieurs années, ce qui est extrêmement préoccupant.
Le dogme de la réduction des dépenses publiques qui guide les politiques de santé depuis de nombreuses années est également pour beaucoup dans la situation actuelle. Ainsi, il est essentiel de maintenir des hôpitaux de proximité sur nos territoires car les médecins libéraux, en appui à leur pratique, ont impérativement besoin des plateaux techniques et des compétences spécifiques de ces établissements. Il est évident que la fermeture d’hôpitaux, de maternités et, plus généralement, de lieux de santé de proximité a précipité l’apparition des déserts médicaux.
Il n’existe pas de recette unique pour modifier la situation actuelle car, de même qu’elle est due à la convergence de plusieurs causes, seul un faisceau de solutions peuvent permettre de la surmonter.
Les causes sont multiples. Outre le numerus clausus, trop longtemps insuffisant – j’ai entendu avec intérêt l’annonce par Mme la ministre de son augmentation pour 2017 –, il faut noter le refus des jeunes médecins de se voir éloignés des centres urbains, leur aspiration à exercer de manière différente de leurs aînés, notamment dans un cadre plus collectif, en raison des avancées scientifiques et technologiques, évidemment, mais aussi de leur souhait de privilégier la qualité de leur vie professionnelle et personnelle.
En tout état de cause, il n’est plus acceptable d’arguer du principe de la liberté d’installation des médecins libéraux pour justifier l’inaction politique.
Personne, apparemment, ne dit d’ailleurs le contraire ; la difficulté surgit quand il faut agir. Tout le monde partage les discours, c’est déjà un point ; maintenant, il faut passer aux actes.
J’ajoute que demander aux médecins de s’installer là où ils le souhaitent sauf dans les lieux où ils sont déjà nombreux, voire trop nombreux, me paraît frappé au coin du bon sens et conforme à l’intérêt des médecins comme des patients. Il faut être raisonnable, serein, sérieux.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui par Philippe Vigier et son groupe a le mérite de proposer des pistes de travail qui, face au problème grave de la désertification médicale, doivent être explorées.
Les cinq premiers articles du texte, qui tendent à agir avec le levier des études médicales, sont à nos yeux intéressants. Ce sont d’ailleurs des propositions soutenues par le Conseil national de l’Ordre des médecins.
Rappelons que c’est la puissance publique – autrement dit nos concitoyens – qui finance les études de médecine et que c’est la Sécurité sociale qui prend en charge les dépenses médicales. Il est donc légitime et de notre responsabilité d’adopter des dispositions afin de permettre un accès aux soins pour tous sur tout le territoire.
La mise en place d’un internat régional tout comme la prise en compte de l’offre territoriale de soins pour déterminer le niveau du numerus clausus vont dans le bon sens.
Elles permettraient de moduler l’ouverture des postes dans les régions en fonction des besoins – il y en aurait davantage dans celles qui en ont le plus besoin. Nous savons en effet que les étudiants en médecine s’installent majoritairement là où ils ont fait leurs études, parce que c’est là que résident, outre leurs relations amicales, leurs réseaux professionnels, constitués de leurs professeurs, maîtres de stage et collègues d’autres spécialités.
De même, la mise en place d’un stage obligatoire dans une zone sous-dotée, pour les étudiants en médecine après leurs trois premières années de cursus, est une mesure à laquelle nous pouvons souscrire.
L’idée que les internes « non thésés » puissent exercer en tant que collaborateurs nous paraît également recevable.
Nous sommes plus interrogatifs à propos de l’article 6, selon lequel, à partir de 2020, tout médecin devrait, à l’issue de sa formation et pour une durée minimale de trois ans, s’installer dans un secteur géographique souffrant d’un nombre insuffisant de médecins. Sans doute une telle contrainte sur les jeunes médecins serait-elle trop lourde.
Je l’ai dit en commission et je veux le répéter ici, nous considérons que les articles 7 à 11, qui conditionnent l’exercice de diverses professions de santé à une autorisation préalable du directeur de l’agence régionale de santé, renforceraient le pouvoir déjà exorbitant des ARS. Nous souhaiterions en tout état de cause que les décisions soient prises plus collectivement, en lien avec les professionnels de terrain et les usagers, ainsi qu’avec les élus, qui connaissent également la situation.
Pour conclure, il est certain que la gravité du sujet mérite des actes concrets d’ampleur car, je le répète, nous avons la responsabilité de veiller à ce que tout le monde, sur tout le territoire, soit correctement dépisté et traité. D’ailleurs, de ce point de vue, la loi de modernisation de notre système de santé n’a pas été tout à fait à la hauteur des enjeux.
Certaines des mesures contenues dans cette proposition de loi sont intéressantes. D’autres mériteraient que l’on en débatte, dans un esprit constructif. Je regrette que ce ne soit le cas puisque le groupe majoritaire a décidé de déposer des amendements de suppression sur tous les articles sans exception ; ce positionnement n’est pas de nature à nous permettre d’avancer.

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Jacqueline
Fraysse

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