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Accès universel, rapide et équitable du vaccin contre le covid-19

Avec cette proposition de résolution, deux choses sont demandées au Gouvernement : garantir une véritable transparence dans les financements publics qu’utilisent les laboratoires pharmaceutiques dans le cadre de la lutte contre la covid-19 et renforcer les orientations de la politique étrangère de notre pays en faveur d’un vaccin dont le brevet serait un bien mondial commun.

L’ambition de ce texte est louable. C’est pourquoi les députés communistes voteront en sa faveur, mais, évidemment, nous souhaiterions aller plus loin. L’origine du problème du secteur pharmaceutique réside dans le fait que partout dans le monde le financement de la recherche & développement est très largement porté par des investissements publics massifs générant des profits qui, eux, sont privatisés.

Nous restons donc dans le schéma classique de l’utilité de l’État au sein d’un système néolibéral : socialisation des pertes et des investissements risqués – ou peu rentables – et privatisation des bénéfices. En France, la recherche biomédicale est financée à près de 50 % par l’argent du contribuable, mais l’État ne récupère pas la part des bénéfices qu’elle engendre. Aux États-Unis, même schéma : le financement vaccin produit par Moderna a été couvert à 100 % par de l’argent public. C’est dire si la politique des brevets est injustifiée en ces temps de lutte mondiale contre le coronavirus.

Par ailleurs, ce système de privatisation des investissements publics induit une privatisation des brevets. Par conséquent, les brevets du vaccin contre la covid-19 sont jalousement gardés, ce qui entrave la production des doses et maintient un coût élevé pour le vaccin. La limitation des capacités de production et le coût élevé des vaccins induisent à leur tour un accroissement des inégalités sanitaires mondiales face à la vaccination puisque beaucoup d’États pauvres n’auront pas les moyens de se le procurer. À cela s’ajoute le fait que les États les plus riches ont réservé un très grand nombre de doses de vaccin pour leur population, de manière totalement inéquitable.

Pour illustrer cela, un seul chiffre : 13 % de la population mondiale, dans les pays les plus riches, vont bénéficier de la moitié du stock potentiel de vaccins. Les députés communistes ne cessent de dire que le monde marche sur la tête, en voici une énième illustration.

Lorsqu’il est demandé aux industriels plus de transparence sur leurs prix – et je constate que des collègues le réclament aussi – et l’utilisation des fonds publics, le secret des affaires est systématiquement opposé : ces informations demeurent donc secrètes. Nous pouvons remercier au passage la majorité, dont les groupes Agir en ensemble et UDI et indépendants, d’avoir voté la proposition de loi sur la protection du secret des affaires, qui permet aux entreprises de fuir ce type de responsabilités.

Au-delà de la production des vaccins et des coûts, le troisième effet du blocage des brevets est l’impossibilité de l’accès aux génériques, qui permettrait pourtant d’augmenter la production mondiale, de faire baisser les coûts, donc de lutter plus efficacement contre la covid-19.

Partant de ce constat, la France a fait un coup de com’ de maître. Elle répète à qui veut bien l’entendre qu’elle souhaite mettre en place une charte qui ferait du vaccin un bien public mondial afin de limiter les effets délétères que je viens de décrire. Cette charte, c’est-à-dire un document non contraignant juridiquement, n’a toujours pas vu le jour. Les négociations n’ont, semble-t-il, même pas commencé.

Parallèlement, la France a rejeté les initiatives internationales visant à rendre publics les brevets des vaccins, ou alors s’est abstenue. (M. François Ruffin applaudit.) Cette hypocrisie est insupportable pour les députés communistes – et pas seulement pour eux, si j’en juge par les applaudissements que je viens d’entendre.

Prenons trois exemples. Le premier est le dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la covid-19, ACT – Access to covid-19 tools – Accelerator : il a été valorisé par la France mais son financement s’est limité à une réorientation de budgets déjà alloués, donc de l’argent pris à d’autres projets. Ce n’est pas ce que nous appelons un acte fort. Au niveau international, il n’a reçu que 5 milliards des 38 milliards nécessaires. C’est insuffisant.

Deuxième exemple : la France, par la voix de l’Union européenne, a aussi refusé de soutenir une proposition présentée à l’Organisation mondiale du commerce – OMC – par l’Afrique du Sud et par l’Inde tendant à faciliter l’accès aux brevets, initiative qui aurait été bien plus utile que le charte.

Troisième exemple : la France, tout comme l’industrie pharmaceutique mondiale, a balayé le groupement d’accès aux technologies contre le covid-19, le C-TAP – Covid-19 technology access pool –, dont le but était de créer une plateforme de mise en commun des recherches sur la covid-19. La gouvernance néolibérale a toujours refusé de contraindre les entreprises, avec les résultats catastrophiques que l’on sait.

Nous aurions donc aimé voir, dans cette proposition de résolution un appel fort au Gouvernement français pour arrêter la schizophrénie et rejoindre immédiatement toutes les initiatives concrètes visant à faire du vaccin un bien public mondial plutôt que de se contenter d’une charte, d’une vague charte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. François Ruffin applaudit également.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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