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Adaptation UE économique et financière

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, ce projet de loi contient une multitude de dispositions, dont certaines revêtent une importance considérable : je pense en particulier à celles visant à transposer les directives relatives à la mise en place des piliers 2 et 3 de l’Union bancaire ainsi que Solvabilité II.
Alors que ces textes sont censés redéfinir de manière durable l’environnement financier européen, le Gouvernement fait le choix de les transposer par voie d’ordonnances, privant ainsi la représentation nationale d’un débat qui semblait pourtant s’imposer. En dépit de vos assurances quant à votre volonté d’associer les parlementaires à ce travail, monsieur le secrétaire d’État, les députés du Front de gauche ne peuvent que déplorer ce choix du Gouvernement de court-circuiter le Parlement.
Tirant les leçons de la plus grande crise financière de notre époque, Bruxelles et Paris ont adopté depuis 2010 de nombreuses mesures, dont l’impact s’est révélé finalement limité, qu’il s’agisse des mesures relatives aux fonds propres des banques, de la régulation de certaines pratiques bancaires ou encore de la création d’un conseil européen du risque systémique.
Le Mécanisme de résolution unique rend possible une résolution ordonnée des banques à l’échelle européenne. Il définit un nouveau cadre limitant la contribution des États, et donc des contribuables, au renflouement de banques coupables de pratiques « court-termistes », aveugles et irresponsables.
A l’avenir, ce seront les actionnaires qui devront en premier lieu éponger les pertes de leur banque. Cela paraît un moindre mal. Il est en effet bien légitime que le principe de responsabilité s’applique aussi aux banques et que les gains ne soient pas les seuls à être privatisés.
Ainsi, la mise en place d’un filet de sécurité complémentaire, financé par les banques et venant pallier les insuffisances du bail in, apparaissait comme nécessaire pour couvrir les pertes additionnelles. Lorsqu’il sera complètement mutualisé, il permettra de faire face au défaut d’une banque de taille moyenne.
Enfin, la définition d’un cadre garantissant les dépôts inférieurs à 100 000 euros sur l’ensemble du territoire européen permettra de protéger les déposants, notamment les plus fragiles d’entre eux, qui ne risqueront plus de voir leurs économies s’évaporer au cas où leur banque rencontrerait des difficultés.
Mais, à l’image de l’ensemble des mesures de régulation du secteur financier élaborées depuis 2010, ce texte présente bien des lacunes et ne s’attaque pas aux véritables risques que font peser les banques sur notre économie.
C’est d’abord le calendrier de mise en place de l’Union bancaire qui pose problème. Le Fonds de résolution ne sera abondé que partiellement dans un proche avenir, tandis que le mécanisme de bail in ne sera pas opérationnel avant 2016. Or, les stress tests actuellement menés par la BCE, qui pourraient mettre en lumière les difficultés de certains établissements bancaires, font craindre que les États ne soient de nouveau mis à contribution dans un proche avenir pour maintenir à flot le système financier, et ce alors qu’on demande chaque jour davantage d’efforts et de sacrifices aux Français pour limiter le poids d’une dette qui a explosé du fait de la crise financière de 2008.
L’autre interrogation majeure porte sur l’efficacité du mécanisme en cas de survenance d’une crise bancaire d’importance. En effet, alors que l’expérience historique montre que les sauvetages bancaires s’effectuent en quarante-huit heures au maximum, le mécanisme de résolution apparaît excessivement complexe et lourd, impliquant une multitude d’acteurs.
Je m’interroge également sur l’absence du Parlement européen dans la procédure. Celui-ci aurait pu assurer un suivi démocratique de la résolution de la crise. À l’opposé, le rôle du Conseil est renforcé, ce qui laisse craindre le retour de logiques nationales, au détriment de la solidarité européenne.
Quant au montant du Fonds de résolution – 55 milliards d’euros à l’horizon 2024 –, il paraît bien dérisoire au regard de l’importance systémique des mastodontes financiers du système bancaire européen. Il suffit de comparer ce montant aux 1 600 milliards d’euros qui ont été requis des contribuables pour comprendre que ce fonds ne sera pas d’une grande utilité si une ou plusieurs banques majeures se trouve en difficulté. Il n’est pour s’en convaincre que de rappeler le total de bilan de la BNP Paribas, la Société Générale ou la Deutsche Bank par exemple.
Le PIB français apparaît bien léger à l’aune de ces montants et ce fonds de résolution semble une digue bien fragile pour nous protéger d’un futur tsunami bancaire.
Et c’est bien là l’un des problèmes majeurs que l’Union bancaire ne résout absolument pas : l’existence de banques trop grandes, « too big to fail ». Si l’on veut réformer durablement le système financier, il est plus que jamais nécessaire d’opérer la séparation effective des banques commerciales et des banques de marché. Nous l’avons dit et répété lors de l’examen du projet de loi sur la séparation bancaire : c’est à notre sens le seul moyen de mettre fin aux conflits d’intérêts susceptibles d’apparaître au sein des banques entre activités spéculatives et financement de l’économie. Il s’agirait également d’un remarquable outil pour lutter contre l’opacité des grands groupes financiers. Sur ce point, la loi bancaire a manqué son but.
La politique monétaire de la Banque centrale européenne permet aux banques de bénéficier d’un accès quasiment gratuit aux liquidités qui est interdit aux États : quelle ineptie !
Faute de demande et de bonne volonté des banques, cette injection massive de liquidités de la BCE ne se traduit malheureusement pas par l’octroi de prêts à taux réduit aux ménages et aux petites entreprises. Cette politique de taux bas de la Banque centrale favorise en revanche la reconstitution d’une bulle spéculative sur les marchés financiers, alimentée par le comportement des banques, et dont l’ampleur fait peser des risques considérables sur l’économie réelle.
Remettre la finance au service de l’économie réelle et contraindre les acteurs de marché à adopter une stratégie de long terme : voilà l’objectif que nous poursuivons et que nous continuerons à poursuivre lors des prochains chantiers législatifs.
À cet égard, une étude réalisée par un institut danois indépendant pour le compte du ministère allemand des finances vient de montrer que la mise en place d’une taxe sur les transactions financières rapporterait au minimum 17,6 milliards d’euros par an à l’Allemagne, battant en brèche les estimations réalisées par la Commission européenne.
Ces chiffres montrent qu’il est plus qu’urgent de mettre en place un tel instrument, qui permettrait de limiter le nombre des transactions financières purement spéculatives. Ce n’est pas pour rien que le MEDEF s’oppose âprement à un tel projet. Le produit de cette taxe permettrait de financer les services et l’investissement publics, la transition écologique ou encore les grandes urgences internationales. Nous demandons qu’une étude similaire soit réalisée en France afin de relancer le débat sur la taxation des transactions financières en toute transparence.
L’objectif de Solvabilité II est juste puisqu’il s’agit d’adapter les fonds propres des compagnies d’assurance à tous les risques auxquels sont exposés les assureurs. Nous veillerons à ce que cet objectif soit respecté et que le coût de la mise en conformité ne soit pas répercuté sur les assurés.
Les amendements que nous défendrons portent sur les nouvelles obligations imposées aux grandes entreprises du secteur extractif. Ils visent à conforter la portée des obligations de transparence sur les paiements réalisés auprès d’autorités publiques, d’une part, en rendant le rapport sur les paiements accessibles à tous, d’autre part, en étendant le périmètre des sociétés concernées par ces nouvelles obligations et en faisant en sorte que les sanctions en cas de publication non conforme soient dissuasives.
Nous souhaitons élargir les nouvelles obligations imposées aux banques à ces entreprises du secteur extractif. De telles mesures apparaissent nécessaires dans le cadre d’une politique effective de lutte contre la corruption.
Plus que jamais, la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale doit être au cœur de l’action du Gouvernement.
C’est dans cet état d’esprit que nous serons attentifs, pendant la lecture de ce texte, à créer les conditions de son amélioration.
Pour l’heure, au regard de ce que nous considérons comme un recours contestable et excessif à la procédure des ordonnances, le groupe des députés du Front de gauche s’abstiendra. Nous sommes cependant disposés à participer à tout groupe de travail qui viserait à s’engager dans cette voie vertueuse.

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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