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Autonomie des femmes étrangères

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui vise à favoriser l’autonomie et l’indépendance des femmes étrangères, résulte d’un long processus de travail mené avec le monde associatif, dont l’expérience de terrain s’est révélée particulièrement utile. Ce travail a mis en lumière la disparité des situations et l’insuffisance de la protection législative pour garantir les droits des femmes étrangères séjournant sur le sol français.
Celles-ci peuvent en effet être victimes de différents types de violences : esclavage moderne, exploitation des mineures, traite des êtres humains, système prostituteur, polygamie, violences de toutes sortes contre les femmes sans papiers. Dans toutes ces situations, la protection accordée aux femmes étrangères reste encore limitée ; le plus grand nombre d’entre elles n’en bénéficient pas. Certes, des dispositions législatives ont été adoptées ces dernières années afin d’améliorer la situation des femmes étrangères sans toutefois leur reconnaître un véritable statut.
La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers comporte ainsi plusieurs dispositions spécifiques, comme le renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire ou du titre de séjour pour les victimes de violences familiales. De même, aux termes de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, la première délivrance de la carte de séjour temporaire est désormais accordée de plein droit à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions relatives à la traite des êtres humains ou qui témoigne dans une procédure pénale en cours pour ces mêmes infractions.
La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a autorisé, pour sa part, la délivrance de la carte de résident de plein droit en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, tandis que le renouvellement de la carte de séjour temporaire est accordé de plein droit à l’étranger qui a déposé plainte dans le cadre d’une infraction liée à la traite.
Toutes ces mesures représentent indéniablement des avancées, mais restent très insuffisantes pour garantir aux femmes étrangères un véritable statut, et leur permettre de se soustraire durablement aux situations de violences. Plus largement, l’insuffisance des protections ne leur permet pas d’exercer pleinement leurs droits, en particulier pour avoir accès à un logement ou à un travail. Le constat s’impose : aujourd’hui, l’autonomie des femmes étrangères n’est toujours pas une réalité en France.
Cette situation n’est pas acceptable ; la République se doit d’y remédier. Telle est la philosophie de cette proposition de loi, que notre collègue Marie-George Buffet défend avec détermination, et qui vise à donner aux femmes étrangères un véritable statut, pour mettre fin aux différentes situations qui causent – ou favorisent – leur dépendance à l’égard de leur famille, de leur conjoint, ou encore de leur employeur, qui profiterait de leur situation irrégulière. Ces femmes doivent bénéficier des protections nécessaires à l’exercice plein et entier des droits qui leur sont reconnus au titre de leur droit de séjour. Il s’agit, bien sûr, des droits universels et fondamentaux, mais également des droits sociaux, pour les aider à s’intégrer pleinement à notre société : droit à la santé et à un logement décent, droit au travail ou à un revenu de subsistance.
Pour notre part, nous regrettons vivement que les modifications adoptées par la commission des lois limitent la portée du texte en supprimant en particulier deux articles essentiels, et d’abord l’article 1er, qui vise à porter à quatre années – contre une année actuellement – la durée de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Il s’agit de donner aux femmes étrangères le temps nécessaire pour construire leur vie en France. Cet allongement leur permettrait en effet d’engager une véritable démarche d’intégration sans pour autant être menacées de perdre leur droit de séjour à brève échéance en cas de mésentente avec leur conjoint – que ce dernier soit de nationalité française, ou qu’il soit un étranger titulaire d’un titre de séjour.
L’article 3, ensuite, est indispensable pour pallier les carences de la loi du 7 mars 2016 et garantir que la dissolution de la vie commune, lorsqu’elle résulte d’un comportement violent dont la femme est victime, ne puisse lui porter un préjudice supplémentaire en matière de droit au séjour. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements de rétablissement de ces deux articles qui nous semblent indispensables dans la mise en œuvre d’un statut autonome pour les femmes étrangères.
Nous soutenons fortement, par ailleurs, les autres dispositions de ce texte, puisqu’il s’agit d’établir des protections nouvelles. L’article 4 étend ainsi la protection des victimes de violences conjugales aux victimes de violences familiales dans le cadre du regroupement familial. Quant aux dispositions des articles 5 et 6, elles permettent aux étrangers de rester en France en cas de dépôt de plainte pour des violences conjugales ou pour certaines infractions comme la répudiation. Ces deux articles s’inscrivent en cela dans le prolongement de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, en complétant les procédures prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA.
Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche souhaitent que cette proposition de loi soit très largement adoptée par notre assemblée, si possible dans sa version initiale, afin d’être totalement opérationnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

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