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Avenir pour la santé

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes amenés aujourd’hui à nous prononcer sur la proposition de loi du groupe Les Républicains, relative à l’orientation pour l’avenir de la santé dans le cadre de leur journée réservée.
Ce débat est d’abord l’occasion, pour nous, de tirer la sonnette d’alarme face à un système de santé en souffrance. Le tour de France des hôpitaux que je mène depuis neuf mois, avec les parlementaires communistes, révèle, à chaque établissement visité, les mêmes constats et les mêmes attentes de la part des personnels soignants et non soignants. Avant tout, ils réclament des moyens pour soigner leurs patients dans de bonnes conditions. Ils revendiquent des embauches de personnels pour prendre en charge les personnes qui arrivent toujours plus nombreuses aux urgences et accueillir dignement les personnes âgées dans les EHPAD.
On aurait pu espérer que le plan santé, qu’a présenté le Gouvernement le 18 septembre dernier, allait marquer un changement de cap. Il n’en est rien. Le budget de la sécurité sociale pour 2019 prévoit 3,8 milliards d’économies sur l’assurance maladie, dont 1 milliard d’euros à la charge des hôpitaux, après 1,4 milliard d’économies cette année.
Comment répondre à la crise du service public hospitalier dans un tel carcan budgétaire ? La question de l’hôpital ne saurait se résumer, comme le fait le Gouvernement, à une réorganisation interne. Sans moyens nouveaux, l’hôpital continuera de souffrir d’un sous-financement chronique qui l’empêche d’assurer sa mission de service public auprès de nos concitoyens.
Affaiblir le système hospitalier et sa présence territoriale, c’est aussi affaiblir le système de santé dans son ensemble. Comment attirer et retenir des médecins généralistes sans plateau technique à proximité ? Comment garantir une prise en charge rapide de la qualité sans service d’urgence dans chaque bassin de vie ? Combiné à l’absence de régulation publique sur l’installation des médecins, il en résultera inévitablement une progression des déserts médicaux. Sans une présence hospitalière équitable et renforcée sur tout le territoire, l’accès aux soins deviendra plus difficile.
À cet enjeu de la démographie médicale s’ajoutent des difficultés financières de plus en plus graves, qui se traduisent souvent par un renoncement aux soins. D’après un sondage publié cette semaine, dans ma région, les Hauts-de-France, les patients doivent sortir de leur poche 575 euros chaque année pour se soigner. Certaines personnes souscrivent des crédits à la consommation pour régler la facture auprès du médecin. Selon ce même sondage, près d’un Français sur trois a renoncé à se soigner au cours des douze derniers mois, dont la moitié en raison d’un reste à charge trop élevé après remboursement de la sécurité sociale et de la mutuelle.
Quand on demande à nos concitoyens s’il leur est arrivé, au cours des douze derniers mois, de renoncer à se faire soigner, 30 % d’entre eux répondent par l’affirmative. Des médecins de plus en plus éloignés du lieu de vie, des soins de moins en moins pris en charge par la sécurité sociale : c’est ainsi que se dessine l’avenir de nos concitoyens, faute de moyens nouveaux pour la sécurité sociale et l’hôpital public.
J’en viens au fond de cette proposition de loi très dense et qui traite de nombreux sujets. Si les vingt-huit articles qui nous sont soumis comportent quelques avancées, ils ne sont pas à la hauteur des défis auxquels notre système de santé est confronté. Nous partageons les mesures consensuelles relatives à la nécessité de développer la prévention dans nos politiques de santé. Nous partageons également la volonté de mettre en avant les qualités humaines au cours des études de médecine, à l’heure où le numerus clausus freine les vocations des étudiants. Nous sommes d’accord avec la mesure portant création d’une spécialité de médecine hospitalière et la remise en cause de la tarification à l’activité, même si vous avez participé à sa création en 2004.
Vous connaissez notre combat pour sortir l’hôpital de la course à l’activité et il est heureux que nos revendications inspirent nos collègues du groupe Les Républicains.
Je note également une série de mesures relatives à la réforme des études médicales et paramédicales, sur lesquelles nous pouvons, en partie, nous retrouver.
Pour le reste, nous constatons de fortes convergences entre le plan santé du Gouvernement et vos propositions : l’ambition affichée d’aggraver encore le décloisonnement entre le public et le privé pour répondre aux dysfonctionnements du système de santé, sans remettre en cause un cadre budgétaire prônant l’austérité.
S’agissant du volet relatif à l’accès aux soins, le texte encourage le regroupement des structures de santé au niveau des territoires en s’appuyant sur les groupements hospitaliers de territoire qui constituent depuis plusieurs années des outils de restructuration de l’activité hospitalière.
Il est également prévu de mettre en place des villages de santé pour améliorer l’offre de soins en incitant les professionnels de santé à travailler ensemble. Hélas, en l’absence de moyens nouveaux, et dans un contexte de pénurie de médecins, nous pouvons douter de l’efficacité de ce type de dispositif.
En revanche, vous refusez d’envisager de supprimer le numerus clausus, préférant multiplier les lieux de stage pour les étudiants en médecine afin de les inciter à s’orienter vers le secteur libéral et les zones sous-denses. Ces mesures ne sont pas à la hauteur du problème de la démographie médicale et des déserts médicaux. Comme dans le plan santé du Gouvernement, il s’agit principalement de mesures incitatives en matière d’offre de soin, mais je ne vois aucune disposition susceptible de prendre à bras le corps la question des déserts médicaux.
Par ailleurs, cette proposition de loi ne répond pas à l’urgence de la crise hospitalière et du monde de la santé que nous relayons depuis plusieurs mois. Elle ne prévoit pas de moyens supplémentaires pour l’hôpital, mais poursuit dans la logique du décloisonnement qui met en concurrence le système public de santé et des établissements privés lucratifs.
Rien n’est ainsi prévu pour dégager des ressources supplémentaires afin de faire face à la crise des urgences ou revaloriser la carrière des agents hospitaliers et des internes en médecine. De même, nous pouvons regretter que la question de la dépendance et des EHPAD ne soit traitée que sous le seul aspect du droit à la prescription d’un médecin coordinateur.
Votre proposition de loi s’adresse d’abord à la médecine libérale. Plusieurs mesures s’inscrivent dans cet objectif, comme l’instauration d’une mesure visant à revaloriser des tarifs de consultation pratiqués par des médecins libéraux ou la disposition visant à accorder des avantages aux seuls médecins inscrits dans un ordre français. Vous prévoyez également de créer des internats territoriaux pour orienter les étudiants en médecine libérale.
Ces mesures ne semblent pas répondre aux aspirations des médecins qui veulent exercer en se regroupant. Nous regrettons, à cet égard, que rien ne soit proposé pour favoriser l’exercice de la médecine dans le cadre de centres de santé, comme le réclament avec insistance les jeunes médecins qui préfèrent le salariat au statut libéral.
Cette proposition de loi a au moins le mérite de placer les questions sur la table et de nous permettre d’en débattre. Toutefois, si nous nous rejoignons sur certains constats, si nous considérons en particulier qu’il est urgent d’agir en faveur de l’accès aux soins des Français, nous désapprouvons les solutions que vous préconisez. La santé est un bien commun que seul un grand service public peut garantir. Elle appelle des moyens nouveaux, ce qui suppose en premier lieu d’en finir avec les politiques d’austérité à l’encontre de la sécurité sociale et des hôpitaux.
Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre cette proposition de loi.

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