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Changement climatique

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aborde une question majeure, celle du changement climatique et de l’une de ses conséquences, l’élévation du niveau de la mer. Selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, le niveau moyen de la mer pourrait s’élever d’une hauteur comprise entre 23 cm et 51 cm au cours du XXIe siècle, pour le scénario pessimiste, et entre 20 cm et 43 cm, pour le scénario plus optimiste. Pour autant, ces projections ne prennent pas en compte l’impact d’une accélération de la fonte des calottes glaciaires.
Chacun conserve en mémoire les effets dévastateurs de la tempête Xynthia, en février 2010, et celles survenues en 2013 et 2014. La montée des eaux est clairement identifiée comme la cause principale d’aggravation de l’aléa de submersion et aura des effets majeurs sur l’érosion côtière dans les prochaines décennies. Une part significative des côtes – notamment des plages sablonneuses – est actuellement en recul en France. Or l’attractivité des zones littorales continue de s’accroître, ce qui conduit à une plus grande exposition des personnes, habitations, infrastructures et entreprises aux risques de submersion temporaire et d’érosion. Il est impossible d’évaluer précisément à quel rythme cette montée des eaux s’opérera, mais nous constatons d’ores et déjà que la limite entre la terre et la mer, le trait de côte, est en mouvement. Notre pays compte 11 millions de km2 d’eaux territoriales, c’est dire l’enjeu.
Il s’agit de répondre au besoin de préservation de ces espaces et de sécurisation des populations et, dans le même temps, d’organiser les conditions du maintien du dynamisme et du développement durable de nos côtes.
Cette proposition de loi, qui vise à affronter les défis qui sont devant nous, n’arrive pas sans bagages. Elle concrétise les 40 mesures proposées par le Comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, mis en place en 2015, et dont les propositions visaient à adapter les territoires littoraux au changement climatique. Ce texte est donc utile et nécessaire. Il ne s’agit plus d’agir ponctuellement ou dans l’urgence, mais d’installer des critères de gestion des espaces concernés. Cela m’amène à formuler quelques interrogations.
L’article 1er instaure une stratégie nationale établie pour dix ans, qui constituera le cadre de référence pour la protection du milieu et de la gestion intégrée et concertée des activités, au regard de l’évolution du trait de côte. Et, sur ces bases, les régions, les intercommunalités et les communes sont invitées à développer des stratégies territoriales.
Pourtant, les situations de nos côtes sont extrêmement diverses, les risques de submersion ou d’érosion ne sont pas les mêmes partout, ils n’évoluent pas au même rythme, notamment en raison de la composition des sols. Il y a donc un danger à vouloir uniformiser des plans de prévention.
Je formulerai une remarque similaire en ce qui concerne l’article 3. Il inclut le recul du trait de côte dans les cas de risques naturels devant faire l’objet d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles et créé de nouveaux outils avec les zones d’autorisation d’activité résiliente et temporaire – ZART – et les zones de mobilité du trait de côte – ZMTC –, autrement dit les zones tampons, qui accompagnent le recul de ce trait de côte. Ces deux concepts nouveaux sont positifs. Mais il revient au préfet de déterminer, dans le respect de la loi Littoral, les contraintes et les conditions de construction temporaire sur les zones menacées et d’identifier les zones tampons. Pourquoi ne pas confier aux collectivités locales ces missions avec le contrôle de légalité exercé a posteriori par le préfet ? Elles ont déjà une compétence similaire lorsqu’elles établissent leur plan local d’urbanisme ou leur carte communale. En quoi serait-ce différent lorsqu’il s’agit de définir des zones de protection ? Cela aurait, en outre, l’avantage de prendre en compte les spécificités des côtes concernées. Au passage, je rappelle que la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations sont des compétences confiées aux intercommunalités par les lois de décentralisation à compter du 1er janvier 2018, avec la possibilité d’anticiper dès maintenant ce transfert. Il serait donc tout de même étonnant que ce qui concerne les risques de submersion et d’érosion leur échappe et soit confié à l’État via les préfets.
Je tiens d’autant plus à le faire remarquer que, sur ces questions, nous allons assister à un enchevêtrement dans l’exercice des compétences, y compris en matière d’espaces naturels avec les départements et les régions. Comme élu local, j’ai eu plusieurs expériences de ces différents plans de prévention, qu’il s’agisse des inondations ou des risques industriels : ce fut souvent l’occasion de bras de fer avec le préfet, qui voulait nous imposer des interdictions à mille lieues des réalités du terrain, que, nous, élus, avions vécues concrètement. Je crains que le dispositif qui nous est proposé ne débouche sur les mêmes difficultés.
M. Yannick Moreau. Ce sera pire !
M. Patrice Carvalho. Je terminerai mon propos par le dernier article. Il est précisé, à l’article 13, les conditions de financement des appropriations de biens et des pertes subies par les habitants et les acteurs économiques, conséquences des dispositions prises, avec une date butoir au 1er janvier 2022. Le Fonds de prévention des risques majeurs pour les appropriations liées aux mouvements de terrain côtiers est donc ainsi temporairement maintenu. Mais avons-nous des études d’impact qui nous permettent d’évaluer les besoins et de vérifier la pertinence du nouveau dispositif de financement ?
Encore une fois, je crois cette proposition de loi utile et nécessaire. Toutefois, des précisions méritent d’être apportées afin d’en vérifier l’efficacité.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le 22 janvier 2015, le Comité national de suivi pour la mise en œuvre de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, dit « CNS », était mis en place par Mme Ségolène Royal, alors ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Nous avons depuis cette date, Pascale Got et moi-même, le plaisir de coprésider ce comité. Pendant presque deux ans, nous avons eu la responsabilité de travailler sur cette problématique aux côtés d’une diversité d’acteurs, qu’ils soient scientifiques, associatifs, urbanistes ou élus, qui ont témoigné d’une véritable passion pour le sujet et su nous faire bénéficier de leur expertise. Je tiens à les remercier pour leur collaboration et pour leur grand dévouement.
Nos travaux se sont déclinés autour de deux ateliers thématiques : l’un consacré à l’élaboration de stratégies territoriales, l’autre à l’acquisition de connaissances. Les travaux de ce second atelier ont permis de partager un certain nombre de constats quant à l’état des connaissances scientifiques des dynamiques hydro-sédimentaires et du phénomène d’érosion littorale, et également permis l’expression des besoins sur le sujet. Un réseau national des observatoires du trait de côte et une cartographie nationale ont ainsi été mis en place pour organiser la production et la diffusion de données fiables et homogènes au niveau national, et pour disposer d’un état des lieux de l’évolution du trait de côte sur l’ensemble du littoral français. Un appel à idées a également été lancé par Mme la ministre Ségolène Royal afin de faire émerger un imaginaire, partagé entre nature et société, pour inventer et pour partager le littoral de demain. Car il est important d’encourager les démarches citoyennes et participatives, les échanges mutuels et les initiatives collectives afin que l’ensemble de la société civile puisse s’approprier ces enjeux et faire partager sa vision du futur.
La proposition de loi est donc le fruit de l’ensemble de ces travaux et marque une première concrétisation des quarante mesures que nous avons portées avec le CNS et présentées dans notre rapport remis en octobre 2015. L’enjeu pour les collectivités du littoral et l’État consiste à anticiper, dans une vision partagée, l’évolution du littoral en faisant des choix d’urbanisme et d’aménagement cohérents, adaptés aux phénomènes naturels, et ce afin de planifier dès à présent le développement durable de ces territoires. Car notre devoir est de préserver et de préparer nos territoires littoraux de l’Hexagone comme ceux des outre-mer, ces derniers constituant, rappelons-le, une véritable richesse et un atout pour la France, au changement climatique à l’œuvre.

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Patrice
Carvalho

Député de Oise (6ème circonscription)

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