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CMP - comptes bancaires inactifs

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons ce soir le texte d’une proposition de loi de l’actuel secrétaire d’État au budget, Christian Eckert, dont l’objectif est de permettre le retour à leurs propriétaires des comptes bancaires inactifs ou des contrats d’assurance vie non réclamés. Voté en des termes légèrement différents par notre assemblée et par le Sénat, ce texte recueille une large unanimité. Il vient combler de graves lacunes de notre droit en matière d’avoirs bancaires inactifs et de contrats d’assurance vie en déshérence. Comme nous le savons, les banques comptabilisent des dizaines de milliers de comptes bancaires inactifs, oubliés par leurs détenteurs ou tout simplement ignorés au moment du règlement de la succession du titulaire décédé. Le montant des encours concernés s’élève à 1,2 milliard d’euros pour les comptes bancaires et à 2,7 milliards d’euros pour les contrats d’assurance vie selon les chiffres de Bercy – soit un total de près de 4 milliards d’euros !
La proposition de loi vient opportunément tenter de remédier à ces pratiques. Elle crée ainsi une obligation de recensement annuel des comptes inactifs et leur transfert à la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, si l’inactivité dépasse deux ans en cas de décès, dix ans dans les autres cas. Pour les assurances vie, elle prévoit la fin du contrat s’il n’y a eu aucune réclamation du capital dix ans après la connaissance du décès ou l’échéance du contrat, le plafonnement des frais de gestion ou encore l’obligation de transférer les fonds dormants à la CDC. Les notaires seront également tenus de consulter le fichier central des comptes bancaires, le FICOBA, et le fichier des contrats d’assurances vie, le FICOVIE. Les bénéficiaires auront de leur côté vingt ans pour se manifester auprès de la Caisse des dépôts ; passé ce délai, l’État sera destinataire des fonds.
Le Sénat a élargi le champ du dispositif en renforçant les moyens de recherche et d’information des assureurs grâce aux possibilités d’obtenir de l’administration fiscale les coordonnées d’une personne physique en précisant les conditions de liquidation, au terme d’un délai de dix ans, des titres déposés sur des comptes inactifs et en créant un dispositif spécifique pour les coffres-forts en déshérence. Ces ajouts, acceptés par la commission mixte paritaire, sont les bienvenus.
La question des contrats d’assurance vie en déshérence n’est certes pas nouvelle : plusieurs dispositions ont été adoptées depuis 2005 pour contraindre les assureurs à effectuer la recherche des bénéficiaires. Comme le souligne cependant la Cour des comptes, la loi n’était pas « intégralement appliquée par les assureurs », les défaillances étant nombreuses et les consultations du répertoire national d’identification des personnes physiques souvent tardives, voire inexistantes. Il importait que le législateur durcisse le ton et qu’il statue en outre, au-delà du seul cas des contrats en déshérence, pour englober l’ensemble des avoirs – comptes courants, livrets, etc. – qui dorment dans les coffres des banques après le décès de leur titulaire.
Nous saluons donc le texte qui nous est proposé ; nous nous réjouissons notamment des mesures prises en matière de comptes bancaires inactifs. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, nous avions défendu un amendement visant à interdire la perception de frais bancaires sur les comptes inactifs qui n’enregistrent plus de mouvements au crédit ou au débit depuis plus d’un an. Une large majorité des banques facturent en effet des frais de tenue pour les comptes courants sans activité. Souvent très élevés, les tarifs appliqués peuvent atteindre près de 140 euros et se situent en moyenne autour de 50 à 70 euros par an. Le présent texte, bien que n’allant pas si loin, met fin aux pratiques abusives qui consistent pour les banques à ponctionner une part importante des actifs alors que la gestion de ces comptes génère des coûts marginaux.
L’obligation faite aux banques, et que vous avez rappelée, monsieur le ministre, de consulter annuellement le registre national d’identification des personnes physiques et l’obligation subséquente d’information des titulaires sont des mesures qui vont aussi dans le bon sens. L’obligation faite aux notaires de consulter le fichier des comptes bancaires tenu par l’administration fiscale est une mesure utile, qui permettra là aussi de mieux garantir les droits des épargnants. En matière d’assurance vie, le texte propose également des avancées notables en prévoyant des mesures protectrices qui reçoivent, je crois, l’assentiment de tous.
Reste l’épineuse question des contrôles. La présente proposition de loi ne produira les effets souhaités que si l’administration contrôle effectivement le respect des règles du jeu par les établissements bancaires et les assureurs. Or, c’est bien là que le bât blesse – tout ne peut pas être parfait, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin, ministre. Dommage : jusque-là, c’était très bien ! (Sourires.)
M. André Chassaigne. La politique de réduction drastique des dépenses publiques menace aujourd’hui l’efficacité de ces contrôles. Ce qui est vrai en matière de lutte contre les paradis fiscaux l’est aussi en matière de lutte contre les pratiques frauduleuses de certaines banques et assurances. Les coupes sombres opérées notamment dans les effectifs de la direction générale des finances publiques depuis plus de dix ans – dix ans ! – laissent songeur quant à l’effectivité des mesures de contrôle et de sanction que nous pouvons prendre dans cet hémicycle.
La question des pratiques frauduleuses ou pour le moins douteuses des banques et assurances ne se limite pas non plus aux cas des comptes inactifs et des contrats en déshérence. Lors de l’examen du projet de loi consommation, nous avions dénoncé les manœuvres dilatoires auxquelles se livrent entre autres certaines compagnies d’assurances pour proroger artificiellement le délai de versement du capital ou de la rente garantis aux bénéficiaires des contrats d’assurance vie. Nous savons que le code des assurances prévoit actuellement que l’entreprise d’assurance dispose d’un délai d’un mois après réception des pièces justificatives pour procéder au versement. Or, contournant ces dispositions, certains assureurs omettent sciemment de réclamer l’ensemble des pièces justificatives en une seule fois, ce qui autorise l’envoi de plusieurs courriers qui retardent d’autant le délai de versement effectif, sans pénalités de retard.
Nous ne pouvons pas non plus, dans le même esprit, passer sous silence la question des frais bancaires. Après dix années de hausse, ces frais ont certes légèrement reculé, la loi bancaire limitant les commissions d’intervention et la directive de la Commission européenne sur les virements et prélèvements SEPA – Single Euro Payments Area – ne permettant plus aux banques de facturer par exemple l’autorisation de prélèvement pour régler les notes de téléphone. Si de nombreuses banques ont par ailleurs abandonné les fameux packages pour revenir, sous la pression des associations de consommateurs, à une tarification « à la carte » de leurs services, il nous faut néanmoins constater que cette avancée se paie d’une hausse d’autres tarifs. Près de la moitié des établissements ont ainsi réintégré les frais de tenue de compte, qui avaient quasiment disparu, en facturant de nouveau à leurs clients le simple fait d’être client.
Ces quelques exemples illustrent la persistance de nombreuses et graves anomalies dans les relations des banques et assurances avec leurs clients. Ce sujet, auquel nos concitoyens sont particulièrement sensibles, mériterait d’être traité dans sa globalité au travers d’un texte législatif plus vaste. Un texte plus vaste permettrait également de revenir sur la question de l’inclusion bancaire, qui nous tient, vous le savez, particulièrement à cœur. En effet, si près de 99 % de la population française a aujourd’hui accès à un compte bancaire, l’exclusion bancaire demeure cependant une réalité. L’offre de produits bancaires adaptés à certains profils de clients – salariés intérimaires ou en CDD – tout comme les démarches d’information, de conseil, d’orientation vers des organismes sociaux et de prévention des impayés, sont à ce jour extrêmement limitées. Nous ne pouvons compter sur la seule responsabilité sociale des entreprises et les initiatives prises par certains établissements pour mieux tenir compte de la situation de leurs clients fragiles. Il y a matière à renforcer notre arsenal législatif, notamment en garantissant une meilleure transparence des pratiques bancaires à l’égard des clientèles les plus fragiles. Les progrès qui restent à réaliser doivent nous inciter à prolonger le travail entamé avec cette proposition de loi, à laquelle nous réitérons notre soutien sans réserve ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Source photo : Flickr - Environmentblog

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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