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CMP - organisation des manifestations sportives et culturelles

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, le texte que vous nous soumettez est assez emblématique de la politique menée par le Gouvernement : c’est un texte sans ambition, juxtaposant une série de dispositions disparates. Il n’est pas au niveau de vos performances sportives ! (Sourires.)
Le texte portait à l’origine sur la responsabilité des fédérations pour la réparation des dommages matériels du fait des choses. Notre groupe avait souligné les graves limites de ce texte incomplet. Mais au lieu de palier ces limites en repensant le régime de responsabilité des sportifs dans son ensemble, il a été complété par des dispositions instaurant un passeport biologique en matière de lutte contre le dopage.
Chers collègues, cela est symptomatique d’une méthode politique qui consiste à ne faire des lois que pour satisfaire les groupes de pression. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Mallot. Il n’a pas tort !
M. Jean-Pierre Brard. Nous vous avons vus, et le fait que l’on vous voie agir, même derrière des rideaux de fumée, vous indispose !
Depuis une décennie, nous n’avons pas une seule fois eu l’occasion de nous prononcer sur une loi-cadre porteuse d’ambition pour le sport, d’une véritable vision d’ensemble capable de répondre aux besoins actuels et aux défis à venir.
C’est la marchandisation du sport qui a été le fil directeur des lois de circonstance et autres cavaliers qui se sont succédé : en dix ans, cette majorité aura réussi à faire de quelques grands clubs sportifs des machines à profit ; elle a encouragé le financement du sport par les jeux et paris en ligne ; elle a renforcé le pouvoir des clubs sur les joueurs ; elle a œuvré au développement de la propriété privée des infrastructures, et l’a même encouragée en permettant à cette fin une contribution publique accrue.
Le texte que nous examinons pose une vraie question, une question de fond : celle de la responsabilité des sportifs, qui est l’une des composantes de l’accès à la pratique sportive dans de bonnes conditions, donc du droit au sport. Un tel texte méritait un débat approfondi et une grande concertation avec le mouvement sportif, pour déterminer tant les objectifs à se donner que les moyens nécessaires à une mise en œuvre acceptable par tous les acteurs et actrices du sport.
Mais la procédure d’urgence a été engagée. Et quelle urgence, chers collègues ! Il s’agissait de répondre à une jurisprudence de 2010 qui jusque-là n’avait chagriné personne ; et c’est pour cela que les débats ont été abrégés et qu’aucune audition n’a été menée. Je passe sur les délais mêmes dans lesquels ce texte a dû être examiné par notre assemblée en première lecture, qui témoignent du mépris de cette majorité pour l’institution parlementaire.
M. Jean Mallot. La proposition de loi n’était même pas distribuée qu’elle était déjà discutée en séance !
M. Jean-Pierre Brard. La méthode employée révèle, hélas, trop bien le contenu de ce texte, un texte qui ne vise pas à accroître les droits des sportifs, ni même à renforcer les missions de service public des fédérations, mais à départager les fédérations de Formule 1 et les écuries quant au paiement des primes d’assurance en cas de collision de véhicules. Notre collègue évoquait pudiquement les « sports mécaniques » mais il ne s’agit en fait que de la Formule 1.
M. David Douillet, ministre. Il n’y a plus de Formule 1 !
M. Jean-Pierre Brard. On connaît, monsieur le ministre, les rapports sulfureux de la Formule 1 avec les journalistes, avec des séminaires d’études aux Seychelles par exemple. Ils pourraient justifier une commission d’enquête.
M. Éric Berdoati, rapporteur. Vous semblez très informé. C’est suspect. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Brard. Je suis informé en effet, et vous aussi ! Mais moi je le dis à la tribune quand vous le taisez, c’est la différence entre nous.
M. Éric Berdoati, rapporteur. On n’y a pas participé, contrairement à d’autres !
M. Yves Nicolin. C’est pire qu’au comité d’entreprise d’EDF !
M. Jean-Pierre Brard. C’est sans doute pour cela que cette majorité a tenu à inscrire ce texte dans la série des mesures régressives qu’elle tente par tous les moyens de faire adopter avant son départ prochain, en juin.
J’ai pris connaissance dans la presse, il y a quelques semaines, de votre rencontre, monsieur le ministre, avec la fédération internationale de Formule 1.
M. David Douillet, ministre. Il n’existe pas de fédération internationale de Formule 1.
M. Jean-Pierre Brard. Vous me corrigerez autant que vous le voudrez mais, avant, j’aimerais que vous écoutiez ce que je vais dire.
Il semble que vous ayez en fait négocié le retour d’un Grand prix dans notre pays…
M. Éric Berdoati, rapporteur. Ah !
M. Jean-Pierre Brard. …puisque ce texte dédouane de ses responsabilités financières cette richissime fédération. Avec les députés du Front de gauche, je soutiens bien évidemment le retour d’un Grand prix dans notre pays, mais pas à n’importe quel prix. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
L’un des arguments développés pour faire adopter ce texte consiste à dire que les fédérations n’auront pas les moyens de répondre aux nouvelles exigences posées par l’arrêt de 2010 de la Cour de cassation. En réalité, cette jurisprudence n’affecte qu’un petit nombre de fédérations et, dans le fond, elle ne consiste qu’en un transfert de charges. Les primes d’assurances payées par les pratiquants sont depuis lors mutualisées au niveau des fédérations. Une telle mutualisation est donc de nature à faire baisser le montant consolidé des primes d’assurances, et donc à réduire le coût global de la pratique sportive.
Votre argument ne tient donc pas, car l’augmentation éventuelle du coût de la licence provoquée par un surcroît du coût de l’assurance des fédérations sera inférieure au prix payé individuellement par les pratiquants.
M. Éric Berdoati, rapporteur. Mais non !
M. Jean-Pierre Brard. Et si la question du coût des licences se pose, ce n’est de toute manière pas en ces termes. Parler du coût des licences, c’est penser la mutualisation des richesses entrant dans certains sports pour garantir à chacune et à chacun son droit à la pratique sportive. C’est donc parler d’une augmentation de la taxe sur les droits audiovisuels créée par votre prédécesseur, monsieur le ministre, Marie-George Buffet, lorsqu’elle était ministre des sports.
Mais les droits des pratiquants ne sont pas l’objet de ce texte. D’ailleurs, les intérêts des pratiquants victimes des dommages en sont absents. En revenant à la théorie du risque accepté, on signifie au pratiquant qu’il est responsable des dommages qu’on lui cause. S’il ne peut en assumer le coût, il doit abandonner sa pratique. À cet égard, ce texte, fait sur mesure pour la Formule 1, pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les pratiquants d’autres sports. Je pense par exemple au cas de lunettes brisées par un ballon de football. Si la somme nécessaire à l’indemnisation est faible pour une fédération, elle est importante pour une famille. Cela peut aboutir, pour une famille qui a peu de moyens, à la privation de la victime de ses droits à la fois au sport et à la santé.
De manière générale, il semble logique que les fédérations prennent en charge l’indemnisation des dommages intrinsèquement liés à la pratique sportive. Ces dommages sont, par nature, susceptibles d’intervenir de manière aléatoire. On ne peut donc en imputer la responsabilité ni à leur auteur, ni à la victime. Le seul régime possible est donc un régime de responsabilité sans faute, qui ne peut échoir qu’aux fédérations au titre de leur mission de service public, laquelle consiste à garantir l’accès à la pratique sportive et la sécurité des pratiquants.
Cela pose de manière claire la question des moyens des fédérations. La plupart d’entre elles, en raison de la trop faible mutualisation des richesses dans le sport et du désengagement de l’État…
M. David Douillet, ministre. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Pierre Brard. Vous expliquerez cela tout à l’heure pour que cela figure au Journal officiel, monsieur le ministre.
La plupart des fédérations n’ont pas les moyens d’assumer leurs missions de service public dans de bonnes conditions, elles manquent même cruellement de moyens.
Le débat sur le régime de responsabilité des sportifs doit nécessairement s’inscrire dans un débat sur le droit au sport de manière générale. Cette proposition de loi concède un rapport sur le régime de responsabilité. On sait bien ce que valent ces promesses de rapports dont on ne sait même pas s’ils verront le jour.
Ce vers quoi il faut se diriger, c’est vers une véritable concertation nationale, avec le mouvement sportif, les élus locaux, les parlementaires, le ministère des sports, sur l’avenir de notre modèle sportif, sur les conditions d’un nouveau partenariat entre l’État et les fédérations.
Ce grand débat devrait également aborder la question de l’éthique sportive et notamment de la lutte contre le dopage, second sujet de ce texte. La mise en œuvre d’un profil biologique avait déjà été portée par le groupe SRC lors de l’examen de la proposition de loi sur l’éthique sportive qui vient d’être votée et qui comportait un chapitre complet dédié à la question. Mais la majorité a jugé qu’il n’était pas opportun de l’inscrire dans un tel texte.
M. Jean Mallot. Et voilà !
M. Jean-Pierre Brard. Elle trouve plus judicieux de l’inscrire dans celui-ci, qui est sans rapport avec le sujet. Cela est regrettable.
La question du dopage est une question centrale et mon groupe se félicite en conséquence, malgré ces circonstances, de la mise en place de ce passeport biologique. L’affaire Contador, sur laquelle s’est récemment prononcé le tribunal arbitral du sport, montre la nécessité d’une véritable volonté politique pour venir à bout de cette pratique. La France, qui a été en pointe sur le sujet du temps de Marie-George Buffet…
M. Jean-Marc Roubaud. Oh !
M. Jean Mallot. C’est vrai, c’est l’histoire !
M. Jean-Pierre Brard. …doit porter avec toujours plus de force l’exigence du renforcement de la lutte contre le dopage en Europe. Mais elle doit aussi se donner, sur notre territoire, les moyens de ses ambitions.
Mme la présidente. Monsieur Brard, il faudrait conclure.
M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente, je voudrais aller vers le terme de mon propos.
Les moyens alloués à la lutte contre le dopage diminuent alors qu’ils étaient déjà faibles. Monsieur le ministre, vous parlez du dopage comme de la fraude, comme des paradis fiscaux. Plus vous en parlez et moins vous faites.
M. David Douillet, ministre. C’est faux !
M. Jean-Pierre Brard. Je vais vous donner les chiffres.
Le budget des commissions régionales de lutte contre le dopage a chuté de 2,6 millions d’euros à 240 000 euros entre 2010 et 2011. Aujourd’hui, il n’est plus que de 220 000 euros.
M. Jean Mallot. Il fond comme neige au soleil !
M. Jean-Marc Roubaud. Les tests sont moins chers.
Mme la présidente. Monsieur Brard, je vous prie de conclure.
M. Jean-Pierre Brard. Le budget de la recherche sur le dopage a été divisé par deux depuis 2010, passant de 470 000 à 230 000 euros. Le budget dédié au numéro vert d’écoute sur le dopage a, lui aussi, diminué.
Monsieur le ministre, on ne juge pas les hommes et les femmes politiques à ce qu’ils disent, mais à ce qu’ils font.
M. Yves Nicolin. Vous ne serez pas jugé trop haut alors.
M. Jean-Pierre Brard. Ce que vous faites se traduit dans les chiffres que je viens de citer. Et vous ne pouvez pas me contredire…
M. David Douillet, ministre. Je pense que c’est déjà fait.
M. Jean-Pierre Brard. …puisque ce sont vos chiffres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Jean-Pierre
Brard

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