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Collectivités territoriales : le Grand Paris

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en cohérence avec la suppression de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités territoriales, ce texte sur le Grand Paris marque, par son caractère autoritaire, un recul de plusieurs dizaines d’années.
Élue des Hauts-de-Seine, dans la circonscription de Suresnes et de Nanterre, dont j’ai été maire pendant plus de seize ans, je tiens à dire à cette tribune ce qu’a coûté aux villes concernées et à leurs habitants la mise en œuvre des méthodes que vous préconisez dans votre texte.
Pendant des années, l’EPAD, technocratique et centralisateur, a géré les territoires de La Défense d’autorité et sans projet précis si ce n’est celui de dégager des espaces au service des grands groupes et de la finance.
Ainsi, dès le périmètre fixé sur les trois communes de Nanterre, Courbevoie et Puteaux, nous avons assisté à l’expropriation de quartiers entiers. Ce furent de véritables traumatismes pour les familles obligées de quitter leurs habitations. Ces expropriations participèrent à l’irruption d’un paysage de désolation sur le territoire de Nanterre et à l’aggravation des déséquilibres entre emploi et logement, transports et besoins des usagers, entre les villes elles-mêmes.
Les infrastructures routières et ferroviaires implantées n’importe comment sont des obstacles aux déplacements et des plaies béantes dans notre ville.
Si l’on y ajoute les gâchis financiers induits par cette façon de procéder, comme les viaducs jamais utilisés qu’il a fallu ensuite démolir, on ne s’étonnera pas du déficit abyssal de l’EPAD.
Et c’est le modèle que vous présentez aujourd’hui comme le sommet de la modernité, pour servir l’intérêt général, dites-vous, dans le cadre d’un aménagement futuriste, harmonieux et durable. Permettez-moi de dire que c’est un mensonge. C’est même plus que cela : c’est un cauchemar ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C’est le retour brutal à la case départ, à l’époque où, face au rouleau compresseur de l’EPAD, les citoyens de Nanterre, sous l’impulsion de la municipalité, ont dû réagir fermement et travailler à un projet prenant en compte leurs aspirations. Nos actions ont conduit, après d’intenses échanges, à la création de l’Établissement public d’aménagement Seine-Arche, l’EPASA, chargé de mettre en œuvre le projet élaboré en commun. Alors, et alors seulement, a débuté un partenariat dans la confrontation utile et assumée entre l’État et la ville.
Qu’en est-il neuf ans plus tard ? Personne n’a renoncé à ses prérogatives et chacun respecte l’autre. Au sein de l’établissement public, d’abord, où siègent à parité huit représentants de l’État et huit élus, dont six de Nanterre. Mais également sur le projet signé en 2000, fruit d’une large concertation avec les Nanterriens et d’un compromis avec les exigences de l’État.
De beaux aménagements, salués par tous, sont réalisés et en cours de réalisation derrière l’Arche de La Défense. La ville a tenu tous ses engagements, tant à l’égard de la population que de l’État, et les finances de l’EPASA sont saines. Si des ajustements sont encore à faire, nous y sommes prêts, avec la volonté de poursuivre dans un partenariat loyal et équitable.
Mais vous avez décidé de changer la donne et de vous livrer à une grossière reprise en main, autoritaire et brutale, de l’aménagement de ce territoire : deux projets de décrets sont tombés cet été, le 3 août, comme par hasard, pour élargir le périmètre dit d’intérêt général à près de la moitié du territoire de la ville de Nanterre, et dissoudre l’EPASA dans un établissement public où, sur quinze membres, il n’y aura plus que deux élus de Nanterre, alors que l’essentiel du territoire à aménager se situe sur cette commune.
Pourquoi cet autoritarisme, quand quatre collectivités sur six, y compris parmi celles que dirigent vos amis de l’UMP, ont majoritairement rejeté ces décrets ? Parce que vous savez que personne ne veut du mode de développement que vous défendez, tant il est obsolète, à l’origine de la crise économique, sociale et environnementale que nous traversons.
Vous savez que personne, à part vous, n’envisage de construire tous ces mètres carrés de bureaux sans savoir comment ces milliers de salariés supplémentaires se rendront à La Défense, alors que tous les transports collectifs sont déjà hyper-saturés.
Vous savez que si vous mettez vos projets en débat, ils seront rejetés, et vous le redoutez. Vous redoutez, finalement, la démocratie. Il vous faut donc imposer vos projets en remettant en cause la décentralisation et l’autonomie communale.
Ce que vous faites aujourd’hui à La Défense, en dehors de toute concertation, n’est que la partie visible du traitement de choc que vous envisagez pour toute la région Île-de-France et, au-delà, pour le pays.
Mes chers collègues, l’Assemblée nationale s’honorerait à mettre en échec la philosophie d’un texte dangereux pour notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Jacqueline
Fraysse

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