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Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1)

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, force est de constater que la campagne de vaccination contre la grippe A H1N1 non seulement a été un échec, mais a contribué à décrédibiliser les actions de santé publique. C’est pourquoi il est indispensable de faire la clarté sur les raisons qui ont conduit à cette situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
D’abord, il faut se pencher sur les erreurs d’analyse, graves et réitérées, sources d’exagérations que les professionnels, comme nos concitoyens, ont rapidement mesurées, qu’il s’agisse de l’ampleur de l’épidémie elle-même ou de sa gravité, le tout assorti d’un matraquage médiatique d’une intensité rare, accentuant le décalage entre les informations diffusées à longueur d’antennes – parfois vraies, parfois fausses, y compris sur la qualité des vaccins – et la réalité.
C’est avec la même disproportion qu’a été organisée la campagne de vaccination réquisitionnant autoritairement locaux et personnels, privant les étudiants des écoles d’infirmières de plusieurs semaines de cours. De même pour les internes qui, de surcroît, ont fait défaut dans leurs services.
Dans un tel contexte où se mêlent avis scientifiques dont l’indépendance vis-à-vis des laboratoires fait question, considérations économiques et décisions politiques de la part d’un gouvernement dont la proximité avec le monde de l’industrie et de la finance est notoire, il était inévitable que le doute s’installe.
Certes, une marge d’erreur est recevable et nul ne conteste la nécessité de précautions suffisantes face à un agent pathogène nouveau, mais dans le cas précis, la limite a été largement franchie et l’argent public inutilement gâché.
La mise à l’écart complète des médecins de ville et des centres de santé, lieux de soins de proximité pratiquant le tiers payant et regroupant, au-delà des médecins, des équipes pluridisciplinaires efficaces, a pesé lourd dans ces dysfonctionnements. Il aurait fallu travailler plus en concertation avec l’ensemble de ces professionnels quotidiennement confrontés au terrain et qui ont reçu comme un signe de mépris à leur égard des décisions imposées d’en haut.
C’est notre rôle de nous interroger sur les raisons de cette situation et de ces excès pour qu’ils ne se reproduisent pas. Dans ce registre, nous ne ferons pas l’économie – j’y insiste – de l’examen des liens entre « experts » et laboratoires pharmaceutiques. Madame la ministre, vous avez déclaré devant la commission des affaires sociales avoir « suivi les recommandations du Haut conseil de la santé publique. » Or, la majorité des membres du comité technique de vaccination de ce Haut conseil ont des liens avec des firmes pharmaceutiques, notamment celles qui fabriquent les vaccins et les antiviraux. Il en est de même concernant le Comité de lutte contre la grippe.
Si ce constat ne remet nullement en cause la compétence des experts concernés, il pose de manière nette la question des conflits d’intérêts qui ont pu peser sur les décisions qui ont été prises. Je souhaite que cette commission d’enquête n’élude aucune question, y compris sur le contenu des contrats passés avec les laboratoires et leur renégociation face aux commandes surdimensionnées, ainsi que le devenir des vaccins en excès.
De cette regrettable situation, nous pouvons déjà retenir quelques lignes directrices.
D’abord, il est nécessaire de former davantage de médecins généralistes dont on mesure ici l’importance, ce qui implique, soit dit en passant, de nommer des professeurs en nombre suffisant pour développer la filière universitaire de médecine générale créée par la loi depuis maintenant deux ans et qui piétine sérieusement.
Ensuite, dans le même registre, il y a urgence à mettre en place d’autres modes de rémunération que le paiement à l’acte pour associer les généralistes aux actions de prévention et aux campagnes de santé publique.
Enfin, je voudrais redire ici, alors que se pose pour l’État la question des moyens d’une expertise indépendante, la nécessité d’un pôle public du médicament parce que les médicaments ne sont pas une marchandise comme les autres, parce qu’ils sont directement liés à l’argent public et à la santé publique.
Pour conclure, une commission d’enquête nous paraît utile. Nous voterons donc cette résolution (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe NC) en respectant le droit de tirage des groupes et en voulant croire – j’y insiste, monsieur Préel – qu’elle saura aller au-delà de son intitulé trop restrictif, comme je l’ai déjà souligné en commission. En tout cas, c’est ce à quoi nous nous attacherons dans ce travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 

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Jacqueline
Fraysse

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