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Comptes bancaires inactifs

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le texte de la proposition de loi dont nous débattons ce soir est le fruit d’un travail approfondi, qui tente avec succès de combler les graves lacunes de notre législation en matière d’avoirs bancaires inactifs ainsi que de contrats d’assurance-vie non réclamés et en déshérence. C’est un sujet qui intéresse de très près l’ensemble de nos concitoyens car il s’agit de mettre fin aux pratiques des établissements bancaires et compagnies d’assurance qui tirent profit de comptes inactifs ou de contrats non réclamés au détriment des droits des épargnants comme des intérêts financiers de l’État.
Si la Fédération française des sociétés d’assurances affirme que le phénomène reste marginal, force est de constater que, selon les estimations, les contrats d’assurance vie non réclamés représenteraient à eux seuls entre 1 et 5 milliards d’euros. La Cour des comptes estime que l’épargne aujourd’hui placée sur des comptes bancaires ou des assurances-vie et qui n’est pas réclamée par leurs ayants droit représente au bas mot 4 milliards d’euros.
Certes, la question des contrats d’assurance-vie en déshérence n’est pas nouvelle. Plusieurs dispositions ont été adoptées depuis 2005 pour contraindre les assureurs à effectuer les recherches des bénéficiaires. Ces efforts, salués par le rapport de la Cour des comptes publié en juillet dernier, restent cependant insuffisants. Selon les sages de la rue Cambon – des sages bien convertis à l’orthodoxie libérale, monsieur le rapporteur ! –, la loi n’est en effet pas intégralement appliquée par les assureurs, les défaillances nombreuses, les consultations du répertoire national d’identification des personnes physiques ouvertes aux assureurs pour les aider à retrouver les bénéficiaires des contrats en déshérence, sont souvent tardives, voire inexistantes – je ne fais que citer le rapport de la Cour !
L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a visiblement décidé de prendre à bras-le-corps ce dossier et indiqué très récemment avoir rappelé à l’ordre certains assureurs après avoir constaté des pratiques illégales en matière d’imputation des frais de recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie – un nouveau témoignage des scandaleuses libertés que prennent certains assureurs avec la loi !
Il importe donc que le législateur durcisse le ton, mais aille aussi au-delà du seul cas des contrats en déshérence pour englober l’ensemble des avoirs – comptes courants, livrets, etc. – qui dorment dans les coffres des banques après le décès de leur titulaire. Les banques n’ayant pour l’heure aucune obligation en la matière, ces sommes représenteraient à elles seules, selon la Cour des comptes, et vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, au moins 1,2 milliard d’euros ! Je salue donc l’initiative de notre rapporteur et la qualité du texte qui nous est proposé.
Nous nous réjouissons notamment des mesures prises en matière de comptes bancaires inactifs. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, nous avions d’ailleurs défendu un amendement visant à interdire la perception de frais bancaires sur les comptes inactifs qui n’enregistrent plus de mouvements au crédit ou au débit depuis plus d’un an. Une large majorité des banques facturent en effet des frais de tenue pour les comptes courants sans activité, les tarifs appliqués étant souvent très élevés : ils peuvent atteindre près de 140 euros et se situent en moyenne autour de 50 à 70 euros par an. Le texte que vous nous proposez ne va pas aussi loin mais, en adoptant le principe d’un plafonnement des frais et commissions de toutes natures prélevés par les établissements sur les comptes inactifs, la proposition de loi met fin aux pratiques abusives qui consistaient pour les banques à ponctionner une part importante des actifs, alors que la gestion de ces comptes génère des coûts marginaux.
L’obligation faite aux banques de consulter annuellement le registre national d’identification des personnes physiques et l’obligation subséquente d’information des titulaires sont des mesures qui vont dans le bon sens. L’obligation faite aux notaires de consulter le fichier des comptes bancaires tenu par l’administration fiscale est également une mesure de bon sens, qui permettra de mieux garantir les droits des épargnants.
En matière d’assurance-vie, le texte propose là aussi de véritables avancées en prévoyant notamment qu’après un délai de dix ans, les sommes détenues par l’assureur seront déposées en numéraire à la Caisse des dépôts et consignations qui exercera alors la mission de tiers de confiance pour le compte des bénéficiaires pendant encore vingt années avant la déchéance finale au profit de l’État. Ces mesures protectrices reçoivent, si j’ai bien compris, l’assentiment de tous.
Reste l’épineuse question des contrôles. La présente proposition de loi ne pourra produire les effets souhaités que si l’administration contrôle effectivement le respect des règles du jeu par les établissements bancaires et les assureurs. Or, c’est bien là que le bât blesse ! La politique de réduction drastique des dépenses publiques, au prétexte d’une meilleure maîtrise des finances publiques, menace l’efficacité de l’action publique en matière de contrôle du respect de la loi. Ce qui est vrai pour la lutte contre les paradis fiscaux l’est aussi pour la lutte contre les pratiques frauduleuses de certaines banques et assurances.
Les coupes claires opérées notamment dans les effectifs de la direction générale des finances publiques depuis plus de dix ans nous laissent songeurs quant à l’effectivité des mesures de contrôle et de sanction que nous pouvons prendre dans cet hémicycle.
La question des pratiques frauduleuses ou pour le moins douteuses des banques et assurances ne se limite pas non plus aux cas des comptes inactifs et des contrats en déshérence. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, nous avions par exemple dénoncé les manœuvres dilatoires auxquelles se livrent certaines compagnies d’assurance pour proroger artificiellement le délai de versement du capital ou de la rente garantie aux bénéficiaires des contrats d’assurance-vie. Nous savons que le code des assurances prévoit actuellement que l’entreprise d’assurance dispose d’un délai d’un mois après réception des pièces justificatives pour procéder au versement. Or, contournant ces dispositions, certains assureurs omettent sciemment de réclamer l’ensemble des pièces justificatives en une seule fois, ce qui autorise l’envoi de plusieurs courriers qui retardent d’autant le délai de versement effectif, sans pénalité de retard.
Nous ne pouvons pas non plus, dans le même esprit, passer sous silence le niveau des frais bancaires. Après dix années de hausse, ces frais ont certes légèrement reculé en ce début d’année sous l’influence de deux changements intervenus fin 2013 : la loi bancaire, tout d’abord, qui limite les commissions d’intervention, et la directive européenne sur les services de paiement encadrant les virements et les prélèvements SEPA – Single European Payments Area – ensuite, qui ne permet plus aux banques de facturer, entre autres, l’autorisation de prélèvement pour régler par exemple les notes de téléphone.
Si de nombreuses banques ont par ailleurs abandonné les fameux packages pour revenir, sous la pression des associations de consommateurs, à une tarification « à la carte » de leurs services, il convient de remarquer que cette timide avancée se paie d’une hausse d’autres tarifs. Près de la moitié des établissements ont ainsi réintégré les frais de tenue de compte, qui avaient quasiment disparu, en facturant donc de nouveau à leurs clients le simple fait d’être client.
Ces quelques exemples illustrent la persistance de nombreuses et graves anomalies dans les relations des banques et des assurances avec leurs clients. C’est un sujet auquel nos concitoyens sont particulièrement sensibles et qui mériterait d’être traité dans sa globalité au travers d’un texte législatif plus vaste. Un tel texte permettrait également de revenir sur la question de l’inclusion bancaire, qui nous tient particulièrement à cœur comme vous le savez, car si près de 99 % de la population française a aujourd’hui accès à un compte bancaire, l’exclusion bancaire demeure une réalité. Force est en effet de constater que l’offre de produits bancaires adaptés à certains profils de clients – salariés intérimaires ou en CDD – tout comme les démarches d’information, de conseil, d’orientation vers des organismes sociaux et de prévention des impayés sont à ce jour extrêmement limitées.
Nous ne pouvons ici nous appuyer sur la seule responsabilité sociale des entreprises et sur les initiatives prises par certains établissements pour mieux tenir compte de la situation de leurs clients fragiles. Il y a matière à renforcer notre arsenal législatif, notamment en garantissant une meilleure transparence des pratiques bancaires à l’égard des clientèles les plus fragiles. Les progrès qui restent à réaliser doivent nous inciter à prolonger le travail entamé avec cette proposition de loi, que nous approuvons sans réserve, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre.

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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