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Convention sécurité sociale France-Algérie

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, on pourrait penser que tout a été dit sur ce traité, ainsi que sur les relations entre les patients algériens et les hôpitaux français.
Je tiens tout d’abord à féliciter pour son travail la commission des affaires étrangères et particulièrement son rapporteur qui, au cœur du mois de juillet, a adopté l’idée d’une lecture plus sereine de cet accord après de premières discussions qui partaient en tous sens – ce qui a permis d’établir un rapport poussé et de mener sur le sujet des auditions pertinentes.
Monsieur le rapporteur, je profite de l’occasion pour redire que j’apporte tout mon soutien à votre demande de proposer à l’Inspection générale des affaires sociales de mener une étude approfondie, fournie, sur ce phénomène de tourisme médical et de règlement des soins par des accords bilatéraux. Rappelons-le : seize pays, dont l’Algérie, les États-Unis ou l’Espagne, sont aujourd’hui concernés par les dettes envers l’AP-HP liées à des étrangers non-résidents.
J’espère que votre rapport fera date et permettra de réfléchir pour avancer sur ce sujet. À l’heure où l’hôpital en est réduit à faire les fonds de tiroir, il est peut-être intéressant de travailler de ce côté-là. Ce seront peut-être quelques postes d’infirmière ou d’aide-soignant qui seront maintenus.
Je soutiens aussi la proposition de transmettre ce rapport au ministère, pour que cette problématique soit prise en compte au plus haut niveau. Ce nouveau rapport, étoffé par de nouvelles auditions, est complet. Il permet de bien comprendre la situation. Liées depuis 1980 par un accord ayant créé entre elles de nombreux contentieux de paiement et étant devenu inadapté pour les patients algériens, la France et l’Algérie ont décidé qu’il était nécessaire de repartir sur bonnes bases.
Négocié depuis 2009, ce protocole de dix-sept articles a été signé à Alger en 2016. Son but est de clarifier la prise en charge par la sécurité sociale algérienne des soins aux patients algériens dispensés dans les hôpitaux français. Cet accord concerne le plus possible de citoyens algériens, afin de faire de ce parcours de soins le plus simple et le mieux balisé, et de limiter ainsi le nombre d’Algériens qui viendraient se faire soigner en dehors de ce cadre et coûteraient donc plus cher aux hôpitaux français.
À l’intérieur de ce chemin, tout sera clair financièrement entre les deux États, ce qui marque un progrès par rapport à l’accord précédent. Ce texte est la plus belle contradiction à ceux qui fantasment sur l’invasion de ressortissants algériens qui viendraient, aux frais du contribuable français, se faire soigner dans nos hôpitaux. Il recueille un consensus parmi les parlementaires, à l’exclusion de l’extrême-droite, tant sur son objectif que sur la manière dont la commission a retravaillé le sujet.
Je pourrais m’en tenir à l’analyse du texte, mais en parlant de la santé, de la Sécurité sociale, de l’Algérie, d’Alger, il me vient immédiatement à l’esprit que c’est en sortant du bagne d’Alger qu’un de nos collègues, Ambroise Croizat, député de 1936 à 1940, a été l’homme qui a œuvré pour créer la Sécurité sociale.
M. Christian Hutin. Exactement !
M. Jean-Paul Lecoq. Sans son action, nous ne serions pas ici pour parler de la convention entre la France et l’Algérie. Ambroise Croizat a œuvré de manière acharnée pour créer la Sécurité sociale. Vous ne pouvez pas reprocher à un communiste d’évoquer cet illustre personnage !
M. Christian Hutin. Un ministre du général de Gaulle !
M. Jean-Paul Lecoq. Absolument ! Il est d’ailleurs toujours bon de faire un peu d’histoire, dans cet hémicycle. Il faut donc se remémorer que le dessein d’Ambroise Croizat est exprimé par le programme du Conseil national de la Résistance, en 1944 : « Nous, combattants de l’ombre, exigeons la mise en place d’un plan complet de Sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion par les intéressés et l’État. » Au poste de ministre du travail, en deux ans seulement, il a rétabli les libertés syndicales et institué la généralisation des retraites, un système de prestations familiales unique au monde, les comités d’entreprise, le statut de délégué du personnel, la médecine du travail et la majoration des heures supplémentaires, pour ne s’en tenir qu’à ces mesures.
C’est à lui que nous devons cet humanisme, au nom duquel n’importe qui peut aujourd’hui être soigné sans se préoccuper de savoir qui paiera et quand le paiement sera effectif. N’oublions pas que, dans d’autres pays, il faut donner sa carte de crédit avant même d’être accepté aux urgences d’un hôpital. Notre système de soins repose sur les valeurs de partage portées par ce militant de la Confédération générale du travail, qui disait : « Jamais nous ne tolérerons que soit rogné un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès. » La CGT fut d’ailleurs la cheville ouvrière de la mise en place concrète sur l’ensemble du territoire national de la « Sécu ». L’œuvre fut complexe et difficile, mais le résultat porte ses fruits depuis soixante-dix ans. Artiste de la plus respectable des politiques, Ambroise Croizat a mis tout son art au service de l’intérêt des gens, et a été reconnu comme tel par le peuple français.
M. Christian Hutin. C’est vrai !
M. Jean-Paul Lecoq. Près d’un million de personnes accompagnèrent sa dépouille en 1950 depuis la Maison des syndicats jusqu’au cimetière du Père-Lachaise. Alors oui, c’est aussi un peu grâce à Ambroise Croizat que cette convention existe. Son humanisme permet à chacun de venir en France pour y être soigné. Beaucoup de citoyens d’Europe et d’ailleurs franchissent nos frontières pour y être pris en charge par nos équipes soignantes, reconnues pour leur très grande qualité.
Nous sommes donc loin des discours abjects que j’ai pu lire, selon lesquels ce protocole permettra aux Algériens de venir plus nombreux se faire soigner en France. C’est faux, et, je tenais à le dire ici, seule la plus misérable des idéologies est capable de tant de mensonges. Le groupe GDR votera donc pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et NG.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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