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Création d’une agence nationale de cohésion des territoires - CMP

Le présent texte devait marquer un nouvel acte de la décentralisation, mais il fait l’économie de toute étude d’impact digne de ce nom. Il nous est donc proposé de légiférer un peu à l’aveugle sur un sujet pourtant essentiel, puisqu’il s’agit d’apporter une réponse aux inquiétudes des maires et à leurs besoins en matière d’ingénierie, besoins qui sont particulièrement criants depuis la suppression de l’assistance technique fournie par les services de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire.

La création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires est décidée dans un climat difficile pour les élus locaux. Elle ne peut donc que susciter des interrogations et un examen attentif des moyens et des objectifs réels de l’Agence. L’attente des maires en matière de facilitation, de coordination et de simplification est très forte. Or, selon nous, ce texte n’y répondra pas, madame la ministre, car il passe à côté de plusieurs enjeux.

Comme l’ont noté nos collègues sénateurs, cette agence aura en effet pour seule fonction d’être un guichet unique pour les collectivités, et pour seule ambition de mutualiser les moyens existants. Ce sera une agence au périmètre assez restreint, mais qui pourra, comme l’a souligné le précédent orateur, contractualiser avec l’ensemble des opérateurs de l’État et agir sur les services de l’État et leurs directions déconcentrées. L’Agence jouera donc un rôle de prestataire – un rôle, somme toute, étroit.

L’attente des maires en matière de facilitation, de coordination et de simplification est très forte. Or, selon nous, ce texte n’y répondra pas.

Nous estimons, pour notre part, que l’État ne peut se cantonner à un tel rôle : il doit être le garant, en dernier ressort, de l’égalité républicaine – une égalité qui a été brutalement mise à mal par le recul des services publics dans les territoires, avec la stagnation des dotations, la fermeture d’hôpitaux, de maternités, de classes, de bureaux de poste, de gares, la suppression de l’ingénierie publique territoriale et la fragilisation de la fonction publique territoriale. Toutes ces évolutions ont pour corollaire le renforcement constant des inégalités sociales et territoriales.
Comme je l’indiquais en première lecture, le risque est grand que l’action de l’Agence, dépourvue de moyens, se résume, au mieux, à du saupoudrage, au pire, à un ensablement. Faute d’une orientation claire en faveur des territoires oubliés de la République, qu’ils soient ruraux ou urbains, cet outil placera une fois de plus les collectivités en concurrence pour obtenir l’aide promise en ingénierie ou les maigres subsides qu’il faut toujours aller chercher.

Cela heurte la conception que nous nous faisons de la relation entre l’État et les collectivités territoriales.

Dans le même esprit, nous notons qu’au cours de nos débats, il a été beaucoup plus question des intercommunalités que des petites communes alors que ces dernières sont l’échelon de proximité par excellence et que ce sont elles – les plus petites surtout – qui souffrent le plus du déficit d’encadrement. D’où la nécessité que les communes fragiles soient les principales bénéficiaires du soutien et de l’expertise de l’Agence, en particulier en amont de la construction des projets.
Une autre déception tient à la suppression de l’apport que représentait l’inscription, dans les missions de l’Agence, de la lutte contre la pollution des sols. Il s’agit pourtant, pour les élus locaux, d’un enjeu majeur, qui a trait à la fois au foncier, à la santé publique et à l’environnement – ainsi que vous l’aviez souligné, madame la rapporteure, à l’issue de votre rencontre avec un maire.

Faute d’une orientation claire en faveur des territoires oubliés de la République, qu’ils soient ruraux ou urbains, cet outil placera une fois de plus les collectivités en concurrence pour obtenir l’aide promise en ingénierie ou les maigres subsides qu’il faut toujours aller chercher.

Madame la ministre, nous avons voté de nombreux textes depuis nos premiers débats sur la création de l’ANCT : le projet de loi de transformation de la fonction publique, celui relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, le projet de loi d’orientation des mobilités, le projet de loi relatif à l’énergie et au climat… Qu’y a-t-il de commun avec le présent texte ? Le renvoi systématique que font le Gouvernement et la majorité à la libre administration des collectivités territoriales – notamment pour les projets innovants.

Et cela sans qu’une seule fois – j’y insiste – la fée ANCT n’ait été un argument pour aider demain les collectivités territoriales dans la conception, le montage financier et la concrétisation de leurs projets. C’est dire, madame la ministre, si le Gouvernement ne croit pas à cet « objet votant non identifié » ! (Sourires.)

Nous ne voterons pas ce texte qui nous apparaît comme un texte strictement opportuniste. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

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Hubert
Wulfranc

Député de Seine-Maritime (3ème circonscription)

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