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Débat d’orientation des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai écouté attentivement Jean-François Mancel, qui voulait nous apprendre à faire mieux avec beaucoup moins, et je pensais qu’il s’adressait aux patrons et actionnaires du CAC 40. Mais je n’ai finalement pas l’impression que c’était son propos.
Les budgets se suivent et se ressemblent. À ceci près que celui qui nous est annoncé pour 2012 sera le premier depuis le lancement, en janvier dernier, du nouveau cycle de gouvernance économique adopté par la Commission européenne. Un nouveau cycle placé sous le signe de l’austérité et de la fuite en avant dans la concurrence fiscale et sociale au nom d’une compétitivité érigée en finalité ultime, indépendamment de toute référence à l’intérêt général et à la progression du niveau de vie de nos concitoyens, faisant dire à Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, que cette compétitivité et cette concurrence tournaient au délire.
Priorité est une nouvelle fois accordée à la stagnation, voire à la réduction des salaires, à la flexibilisation du marché du travail, à la réduction du périmètre de la protection sociale et aux coupes sombres dans les dépenses publiques.
Vos orientations budgétaires traduisent une nouvelle fois le zèle avec lequel vous persistez à faire de la création de valeurs pour l’actionnaire l’unique boussole. Après avoir accordé 2 milliards d’euros de baisse d’impôts à ces rentiers, vous vous préparez à supprimer cette année 30 000 nouveaux postes de fonctionnaires, dont 14 000 dans l’éducation nationale, après 16 000 suppressions cette année et 15 000 l’année précédente.
Vous refusez de voir que ce qui pèse aujourd’hui sur nos sociétés, ce sont les coûts financiers – ceux de la spéculation, des taux de profit, de la rente.
Au nom de cette rigueur appliquée à géométrie variable au profit des plus favorisés, vous allez reconduire le gel des salaires dans la fonction publique, qui va permettre de payer la moitié des 2 milliards d’euros de cadeaux aux assujettis à l’ISF, d’opérer des coupes sombres dans les crédits de ministères clefs : l’enseignement scolaire verra ses moyens reculer de 25,63 %, la mission « Emploi » de 12,18 %, de même pour la sécurité, l’économie, les médias, etc.
Mais vous êtes beaucoup plus prompts à tailler dans les dépenses utiles qu’à remettre en cause les cadeaux fiscaux au coût faramineux consentis, au fil des ans, au rythme de douze nouvelles niches fiscales par an depuis 2005. Vous aurez été les champions de l’appauvrissement de l’État. Dans ces circonstances, vous ne tiendrez évidemment pas l’engagement de réduction de déficit à 4,6 % du PIB en 2012, plusieurs orateurs l’ont indiqué.
Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer les effets de vos politiques d’austérité. Dans son rapport annuel sur la situation sociale dans le monde, l’ONU estime que ces politiques menacent la reprise économique : « Les gouvernements doivent réagir avec prudence aux pressions en faveur de la consolidation budgétaire et de l’adoption de mesures d’austérité s’ils ne veulent pas risquer d’interrompre le redressement de leur économie. »
Le président de l’université de Columbia aux États-Unis, Jeffrey Saxe, vient de déclarer qu’il fallait arrêter de s’en prendre aux services publics et qu’il était indispensable d’augmenter les impôts des plus riches, de supprimer les paradis fiscaux entre autres.
Pour redresser nos finances publiques, nous ne devons pas nous engager dans la voie de l’austérité, mais dans celle de la refonte globale de notre fiscalité. Un véritable tournant économique, fiscal et social doit être pris. Si nous n’inversons pas l’ordre des valeurs, faisant passer les êtres humains, la formation, l’innovation, les salaires, l’emploi, l’industrie avant la rente, la spéculation, les paradis fiscaux, nous irons dans le mur.
Il n’est pas acceptable que les PME soient aujourd’hui plus taxées que les grandes entreprises, que les 1 % de Français les plus fortunés acquittent un taux moyen d’imposition réel de 18 % par le jeu des niches fiscales, au lieu de 40 %.
Nous avons proposé de financer notre régime de retraite par une modulation des cotisations sociales en fonction de l’orientation des bénéfices réalisés et formulé une proposition identique concernant l’impôt sur les sociétés.
L’autre priorité est bien sûr la suppression des niches fiscales et sociales. Les systèmes d’exonération ont fait leur temps. Privilégier les prêts à taux bonifié en direction des entreprises et particulièrement des PME, dès lors qu’elles soutiennent l’investissement productif et l’emploi, c’est le sens de notre proposition de création d’un pôle public financier.
Il faut aujourd’hui desserrer l’étau d’un monde financier qui n’a que faire de l’intérêt général, remédier aux effets désastreux des mécanismes spéculatifs qui siphonnent la création de richesses. L’État doit affirmer sa légitimité démocratique face aux intérêts particuliers.
Vous avez fait le choix de la docilité à l’égard des marchés financiers. Vos recettes conduisent l’ensemble des pays européens dans le mur. C’est une raison suffisante pour exprimer une fois de plus notre défiance à l’égard d’orientations qui vont marquer un nouveau recul social dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Jean-Claude
Sandrier

Député de Cher (2ème circonscription)

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