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Débat préalable au Conseil européen des 18 et 19 octobre 2012

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. François Asensi. Je voudrais commencer en rappelant un événement qui s’est déroulé il y a cinquante et un ans. Le 17 octobre 1961, une répression brutale s’abattait dans les rues de Paris. Une violence inouïe frappait des dizaines de milliers de manifestants algériens pacifiques parce qu’ils protestaient contre un couvre-feu injuste. Sur les ordres du sinistre Papon, 11 000 personnes furent arrêtées par la police française, enfermées, torturées. Des militants furent même achevés dans la cour de la préfecture de police. Combien de victimes ? Tout ce qu’on sait, c’est que les chiffres officiels ont évidemment menti pendant des dizaines d’années.
Il est temps que la France reconnaisse officiellement ce massacre. Il est temps d’adresser ce geste de concorde au peuple algérien, ce peuple ami.
Nous déposons aujourd’hui une proposition de résolution pour que le Parlement français procède à cette reconnaissance. Nous attendons du gouvernement de gauche un acte fort en ce sens. Peut-être, monsieur le ministre des affaires européennes, aurez-vous tout à l’heure un commentaire à faire sur mes propos.
M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !
M. François Asensi. Je ne m’éloignais pas du sujet inscrit à notre ordre du jour en évoquant ces événements et cette proposition de résolution, car je crois que tout acte de justice nous rapproche de l’Europe, que tout acte de justice est consubstantiel à la construction européenne.
Or celle-ci avance comme un navire à la dérive. À marche forcée, l’Union européenne poursuit sa course folle vers l’austérité, sans voir que cette austérité nous mène droit à la récession, à un chômage encore plus massif, à une aggravation de la pauvreté sans précédent depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Le prochain Conseil européen, consacré à la mise en œuvre du famélique pacte de croissance et au projet d’approfondissement de l’union économique et monétaire, accentuera encore la soumission de l’Europe aux diktats de la finance.
Une réalité s’impose : la France est en échec pour promouvoir une réorientation de l’Europe. Comment interpréter autrement, messieurs les ministres, le ralliement de votre gouvernement au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance rédigé par M. Sarkozy, Mme Merkel et les libéraux européens ?
L’Europe économique va droit dans le mur. Le prochain Conseil européen doit tirer le bilan, enfin, de l’échec des politiques d’austérité.
Après neuf plans d’austérité en Grèce, et des sacrifices considérables imposés par la troïka aux jeunes, aux retraités, aux fonctionnaires, l’endettement ne fait qu’augmenter.
En France, l’objectif de réduction du déficit à 3 % du PIB, qualifié d’intenable par de nombreux membres de votre majorité, pourrait entraîner 300 000 chômeurs supplémentaires, soit un nombre trois fois supérieur à celui des emplois d’avenir.
L’Europe a besoin d’investissements pour relancer la politique industrielle, l’emploi, le progrès social. Las, le traité budgétaire l’interdit en gravant l’austérité dans le marbre.
Annexé à ce corset budgétaire, le pacte de croissance européen est une goutte d’eau. Que représentent les 15 milliards de project bonds et de recapitalisation de la BEI face aux 240 milliards d’euros de réduction de dépenses publiques imposés par les mesures d’austérité partout en Europe ? Le premier objectif inscrit dans ce pacte de croissance est l’assainissement budgétaire. La lutte contre le chômage n’est que le quatrième.
Cessons les doubles discours ! Le budget 2013 de l’Union européenne est tout sauf un budget de relance. Amputé par les coupes franches des États membres, ce budget ne suffira même pas à honorer les engagements, chacun le sait.
Le président de la commission du budget du Parlement européen a annoncé que le Fonds social européen était en cessation de paiements. Des programmes aussi fondamentaux que le programme Erasmus ou le programme pour la recherche et l’innovation sont remis en cause. Le continent européen a cessé d’être un espace de progrès, et le modèle social européen se réduit comme une peau de chagrin.
Malgré cela, les dirigeants européens proposent de prolonger une Europe soumise aux marchés financiers, à travers l’approfondissement de l’union économique et monétaire et la renégociation des traités. Disons-le clairement : c’est hors de propos !
À la place du beau rêve européen, l’Europe des comptables, des financiers et des technocrates trace un horizon funeste : la guerre économique, la concurrence entre les peuples, la balkanisation rampante des État, comme en Catalogne, en Belgique ou en Écosse. Cette Europe souhaite rayer d’un coup de crayon les États-nations, alors qu’ils incarnent la démocratie, la coopération entre les peuples et le développement de politiques publiques fortes.
Il y a urgence à radicalement changer l’orientation européenne, pour la mettre au service de l’emploi, du développement durable et du progrès social. Il est impératif de mettre en place sans tarder une véritable harmonisation sociale et fiscale – je parle d’une harmonisation sociale par le haut –, la taxation des transactions financières, encore reportée, la réorientation de la BCE au service de l’économie réelle et du prêt aux États, la lutte contre la spéculation et l’évasion fiscale.
Les députés du Front de gauche continueront à défendre ce projet et cet idéal européen. Ils attendent du Gouvernement le respect des engagements pris devant les Français pour remettre l’Europe au service des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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François
Asensi

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