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Débat sur l’école dans la société du numérique

Le sujet qui nous occupe aujourd’hui, l’école dans la société du numérique, pose la question de la maîtrise à la fois de l’outil numérique – il faut savoir s’en servir – et de ses clés, ses codes, pour faire en sorte que les élèves d’aujourd’hui et de demain soient des acteurs et des actrices du monde numérique.
Si l’immense majorité des Français possède aujourd’hui un ordinateur et dispose d’un accès à l’internet, nous ne pouvons ignorer qu’il existe encore de fortes inégalités d’accès au numérique. En 2017, plus de 7 millions de Français étaient encore privés d’une connexion de qualité à l’internet.
Ces inégalités sont encore plus fortes entre établissements scolaires. Une grande disparité d’accès à l’équipement informatique subsiste entre eux. La dotation en ordinateurs des départements et régions d’outre-mer, hormis la Martinique, est ainsi nettement inférieure à la moyenne nationale.
Dans le rapport, il est proposé de chiffrer, de cartographier, d’évaluer. Bien évidemment, cela est nécessaire, même si des données existent déjà. L’important, néanmoins, serait de faire des propositions concrètes. Ne pas mettre en œuvre les mesures qui permettraient de lutter contre ces inégalités d’accès reviendrait à renforcer les inégalités.
S’agissant par exemple de la formation au numérique, le rapport estime qu’il faudrait recruter 3 000 nouveaux enseignants. Il préconise d’ailleurs la création d’un CAPES et d’une agrégation à l’informatique. Ce serait une bonne chose mais, nous le savons toutes et tous, l’informatique est un secteur qui peut offrir de bons salaires, ce qui, hélas, n’est guère le cas de l’éducation nationale aujourd’hui. Il y a donc un travail à faire aussi en ce domaine, de façon à rendre le secteur attractif à l’école : ce n’est pas là une marotte, monsieur le ministre, mais bien une conviction, que je crois largement partagée chez les enseignants.
Il convient également, à terme, d’éviter à tout prix que l’intégration du numérique à l’école ne se traduise par des suppressions de postes, et que son but soit moins la pédagogie que la gestion des ressources humaines. Je ne crois pas que les enseignants puissent être remplacés par des vidéos. Selon certains rapports, en effet, le développement du numérique a d’autres visées que l’amélioration des résultats scolaires, lesquels ont même plutôt tendance à baisser lorsque cet outil est utilisé de façon trop systématique.
L’informatique et l’école du numérique sont aujourd’hui indispensables, mais nous devons aussi, comme le rapport lui-même le rappelle, rester très vigilants sur les conséquences de l’utilisation des écrans et sur ses possibles dangers : les enseignants, comme les élèves, doivent en être informés et y être formés.
Le rapport fait aussi le constat que les réseaux sociaux sont de plus en plus souvent les véhicules des informations. Il faut donc apprendre aux enfants comment chercher celles qui, parmi elles, sont bonnes. Comme nous l’avions déjà relevé lors de la discussion de la proposition de loi sur les fake news, il ne s’agit pas de demander aux enseignants de dire ce qu’est la « vérité », ce qui serait un grand danger, mais bel et bien d’apprendre à se forger une opinion. De nombreux enseignants et enseignantes font d’ailleurs de très belles expériences avec leurs élèves en ce domaine, mais je crois bon de le rappeler car ces questions se posent aussi avec le projet de loi pour une école de la confiance.
Enfin, lors du plan numérique lancé sous la présidence de François Hollande en 2015, un partenariat avait été conclu avec Microsoft, notamment pour accompagner et former les enseignants. Cette entreprise multinationale, déjà très puissante sur le marché privé, profitait aussi, par surcroît, de la commande publique. Ce n’est au demeurant pas le seul problème à mon sens : l’école du numérique doit aussi s’attacher à utiliser des outils alternatifs, respectueux de l’environnement, de la fiscalité et des conditions de travail. Il existe beaucoup d’outils de ce genre aujourd’hui.
Autrement dit, et pour conclure, la formation au numérique ne se résume pas à la maîtrise des outils : elle doit aussi enseigner comment faire société, comment se forger une opinion. C’est tout le sens de l’école, mais il nous reste, je crois, beaucoup de chemin à faire pour y parvenir. Des propositions concrètes existent, mais il faut les traduire en actes, notamment en les assortissant de moyens.

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)

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