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Débat sur l’évaluation de la lutte contre la délinquance financière

Tout d’abord, permettez-moi de remercier nos collègues d’avoir porté le traitement de la délinquance financière à l’ordre du jour de notre assemblée. Le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques nous éclaire sur l’immense chantier auquel nous sommes confrontés dans ce domaine, et avance des pistes que nous estimons intéressantes.
Oui, ce rapport est éclairant, au moment où l’on apprend que l’ancien ministre du budget Cahuzac, condamné à deux ans de prison ferme pour fraude fiscale, a vu aboutir il y a quelques jours sa demande d’aménagement de peine ! Finalement, il ne passera pas par la case prison !
Compte tenu des faits incriminés et de la condamnation prononcée, nous pensions voir enfin un fraudeur fiscal notoire – au demeurant ancien ministre ayant menti à la représentation nationale et à nos concitoyens – derrière les barreaux. Eh bien non ! Ce ne sera pas pour cette fois-ci !
Qu’on le veuille ou non, il faut bien constater que la délinquance économique et financière, dans notre pays, n’est toujours pas traitée à la hauteur des dégâts qu’elle inflige à la société.
D’une société à l’autre, les différences sont notables. Ainsi, M. Cahuzac n’a pas eu le même traitement que celui réservé à M. Carlos Ghosn au Japon.
Par-delà cet exemple, la France n’est pas totalement à la hauteur. Certes, la multiplication des scandales, au cours des dernières années, a permis et accéléré les évolutions législatives. Pour autant, ces affaires n’ont dévoilé que la partie émergée de l’iceberg.
La délinquance économique continue de se produire sous nos yeux, comme en témoignent les chiffres astronomiques de la fraude et de l’évasion fiscales. Et l’on se refuse toujours à prendre des mesures d’ampleur, comme si, en fin de compte, frauder le fisc, tricher sur des opérations boursières ou piquer dans la caisse n’était pas si grave – car le mal causé serait diffus et sans victime physique directe, contrairement à un cambriolage ou une agression physique.
Cette forme de tolérance, ce deux poids deux mesures ne sont plus acceptables. Ils ne sont plus acceptés par nos concitoyens, eux qui ont placé la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales – et plus généralement le traitement exemplaire de toute forme de délinquance économique – au premier rang de leurs priorités politiques.
Nous devons donc engager un travail de fond – qui peut être transpartisan – afin d’élaborer une loi-cadre de lutte contre la délinquance économique et financière. Définissons un haut niveau de normes, inspiré des pratiques étrangères les plus avancées, afin de rattraper notre retard et de placer notre pays en pointe !
Comme le rappelle chaque année l’ONG Transparency International, la France, en matière de lutte contre la corruption, demeure loin derrière les pays scandinaves. Nous ne sommes que vingt-et-unièmes du classement. Il reste donc beaucoup de chemin à parcourir.
Pour franchir un palier, quoi que l’on en dise, il faut s’en donner les moyens humains et financiers. Le rapport le rappelle à plusieurs reprises.
Des moyens à l’administration fiscale et aux douanes ! Leurs effectifs ont fondu depuis plus de quinze ans, réduisant notre force. Pourtant, ces postes rapportent plus qu’ils ne coûtent. Inversons la courbe et investissons !
Sur le plan judiciaire, les moyens du parquet national financier doivent être démultipliés. Celui-ci, devenu un acteur incontournable, est menacé d’engorgement, victime de son succès. Investissons également.
Un véritable bilan des lois adoptées au cours des dernières années devra être réalisé, s’agissant notamment de leurs effets sur les mécanismes – symbole de la justice des riches – permettant à des entreprises auteurs de faits de corruption ou de fraude d’échapper à une reconnaissance de culpabilité en échange d’un gros chèque.
Il en va de même du statut des lanceurs d’alerte. Les conséquences des manquements identifiés lors de l’élaboration de la loi Sapin 2 se sont vérifiées. Ainsi, les canaux internes de signalement sont insuffisamment protecteurs pour être efficaces.
Or, les lanceurs d’alerte prennent des risques majeurs. Ils doivent être davantage protégés et accompagnés, notamment sur le plan financier, afin qu’ils puissent continuer à vivre correctement.
De toute évidence, la lutte contre la délinquance économique doit être une lutte de tous les instants. Bien souvent, celle-ci est l’illustration de ce capitalisme financiarisé sans états d’âme, faisant fi de l’intérêt général.
Le peuple doit reprendre la main. Nous proposons que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales soit proclamée grande cause nationale en 2020. Nous en appelons à la mobilisation de tous les acteurs – État, collectivités locales, entreprises, syndicats, ONG, associations et médias – pour contrer ce fléau.
Voilà qui permettrait de mettre la délinquance économique au cœur du débat public dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.)

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