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Débat sur la demande de mission d’information covid 19

Notre pays est frappé par une crise d’une violence inouïe. Très vite, des voix se sont élevées pour s’interroger sur ses causes, les choix faits dans sa gestion et leurs conséquences. Pourquoi un confinement de plus de deux mois ? Pourquoi des masques en nombre aussi insuffisant, un système de santé fragilisé à ce point ? Pourquoi nos anciens ont-ils payé un si lourd tribut ? Pourquoi l’arrêt de notre économie, de nos écoles ? Ces questions, et bien d’autres, tout un peuple se les pose. Il est indispensable d’y répondre, non seulement pour comprendre, mais aussi pour l’avenir, pour mieux nous protéger, pour que des familles n’aient plus à pleurer des proches partis trop vite, pour ne pas abandonner les plus démunis face à une crise économique qui s’annonce sanglante.

Aussi l’Assemblée doit-elle assumer sa fonction de contrôle, qui trouve son fondement dans l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Pour ce faire, une commission d’enquête s’impose, avec un impératif : présenter toutes les garanties d’indépendance et d’objectivité. Doit-on rappeler le douloureux souvenir de la commission d’enquête de l’Assemblée sur l’affaire Benalla ? Nul ne peut être à la fois juge et partie ! La représentation nationale a le devoir d’être impartiale pour que les Françaises et les Français ne soient pas déçus, une fois de plus, une fois de trop, alors qu’ils n’ont jamais été aussi inquiets quant à leur devenir. La défiance à l’égard des gouvernements successifs, mais aussi à notre égard, est telle que nous ne pouvons prendre le risque de créer une commission qui n’inspirerait pas confiance. Celle que nous nous apprêtons aujourd’hui à créer offre-t-elle les garanties attendues ? Permettez qu’en conscience, en responsabilité, nous nous posions collectivement la question. C’est pourquoi nous avons provoqué ce débat.

La chronologie justifie notre crainte. Le 24 mars, la conférence des présidents décidait de créer une mission d’information consacrée à la crise du covid-19 et pouvant se transformer en commission d’enquête « le cas échéant » – c’est-à-dire au besoin, si nécessaire : les mots ont un sens. Le 10 avril, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine exerçait son droit de tirage en vue de la création d’une commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements dans la gestion sanitaire de la crise du covid-19, droit accordé à chaque groupe d’opposition une fois par session parlementaire.

Bizarrement, il faut attendre deux semaines la réponse de la garde des sceaux n’indiquant pas d’opposition à la demande de création de cette commission d’enquête, qui est alors soumise à la commission des affaires sociales. Toujours aussi bizarrement, le temps suspend de nouveau son vol, durant plus d’un mois : le 27 mai seulement, notre proposition est inscrite à l’ordre du jour de la commission. Mais la veille, par une curieuse alchimie d’arrière-boutique parlementaire, les tenanciers républicains et marcheurs décident précipitamment de doter la mission d’information des pouvoirs d’une commission d’enquête, alors qu’elle était censée se consacrer au contrôle de l’état d’urgence en vigueur jusqu’au 10 juillet.

En effet, si la commission des affaires sociales avait validé les conditions de recevabilité juridique de notre commission d’enquête, elle aurait empêché la création d’une commission pilotée par la République en marche et par les Républicains ; et si elle les avait invalidées, la commission d’enquête dont il est question aujourd’hui n’aurait pas pu voir le jour non plus.

Vous conviendrez que ce blocage organisé de l’instruction de notre droit de tirage et cette accélération brutale du calendrier ont toutes les apparences d’une manœuvre grossière visant à ne pas bousculer l’ordre établi. Pourquoi avoir déployé tant d’ingéniosité pour nous empêcher d’exercer notre droit de tirage, droit fondamental de l’opposition ?

avoir empêché, par cette lamentable carabistouille, que l’une des rênes d’une telle commission d’enquête soit tenue par notre groupe ? Que suinte-t-il de tout cela, quel deal, quelle coalition de circonstance entre la majorité actuelle et un groupe qui porte une lourde responsabilité du fait de sa politique de santé entre 2002 et 2012 ? (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

En refusant de voter pour la création d’une commission d’enquête dirigée par la majorité et par Les Républicains, vous n’enterreriez pas toute commission d’enquête. Bien au contraire, vous garantiriez la création, dès demain, d’une commission d’enquête intégrant les deux nouveaux groupes parlementaires et copilotée par un groupe qui ne sera pas à la fois juge et partie ; une commission dont l’impartialité des investigations sera garantie, comme l’exigent légitimement nos concitoyens.

Je laisse à présent la parole à l’artisan chargé de l’habillage de ce déni de démocratie. Habillez toujours : comme dans le conte d’Andersen, le roi est nu ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

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