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Débat sur le développement des transports ferroviaires

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, mes chers collègues, le ferroviaire est au cœur de l’actualité, non seulement parce que chacun sent bien que ce mode de transport répond aux enjeux environnementaux, mais aussi parce que, ces derniers temps, les incidents sur les infrastructures se sont multipliés, tout comme les avaries de matériels, provoquant le mécontentement des cheminots, des voyageurs et d’élus de tous bords, certains oubliant qu’ils ont soutenu des décisions ultralibérales ayant pour conséquence de retirer des moyens humains, financiers et matériels à l’entreprise publique.
En effet, la situation – j’oserai même dire la désintégration – de la SNCF, comme celle des infrastructures ferroviaires, est le fruit de choix de cette entreprise et du Gouvernement, initiés par une politique européenne poursuivant deux objectifs : plus de concurrence et moins de coûts.
L’Europe a érigé, à juste titre, le fret ferroviaire en priorité. Le transport est en effet le secteur le plus producteur de gaz à effet de serre et l’échelle européenne est pertinente, le principal levier de développement du transport ferroviaire étant sa substitution au trafic routier longue distance. Toutefois, les directives successives ont ouvert toujours plus ce secteur à la concurrence, gage, paraît-il, d’une meilleure efficacité, la France se comportant même en élève modèle, puisque ses transpositions sont allées au-delà de la libéralisation voulue par l’Europe.
Pour quel résultat ? Alors que le transport de marchandises augmente de 3 % par an, qu’il croît, à l’échelle mondiale, deux fois plus vite que la production de richesses, le volume transporté par fret SNCF a été divisé par deux en huit ans. Ainsi, le privé se positionne en vue de récupérer quelques trafics juteux, et ce n’est sans doute pas fini !
Quel sera le contenu du règlement européen pour un « fret compétitif » en cours d’élaboration ? Comment accepter les fermetures de triage, comme celui de Sotteville, en avril prochain ? Mon collègue Jean-Jacques Candelier reviendra tout à l’heure sur ce point.
La casse de la SNCF et du statut des cheminots se poursuit. Ainsi, le budget 2010 de la SNCF fait état de 3600 suppressions d’emploi, soit 25000 cheminots en moins depuis 2002 ! En remettant en cause le caractère intégré de l’EPIC SNCF et en créant des filiales concurrençant directement celui-ci sur des missions dévolues aux cheminots, la SNCF organise elle-même le dumping social au sein de l’entreprise publique et fait pression sur les conditions de travail, les rémunérations et le statut des cheminots. C’est le cas en particulier pour les voies de port, où la SNCF peut être en concurrence avec une filiale, un opérateur ferroviaire de proximité – OFP –, auquel elle participe ou non, et une entreprise privée.
La réduction de la masse salariale serait, en fait, l’objectif majeur, comme l’indique un article publié par L’Humanité ce matin et dont je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, que vous l’avez lu.
Cet objectif est à l’évidence plus prioritaire que celui d’éviter la production de six millions de tonnes de C0 2 supplémentaires. La SNCF et le Gouvernement doivent s’expliquer sur ce point. Où sont, en effet, les préoccupations de développement durable affichées lors du Grenelle de l’environnement ?
En outre, ce serait maintenant au tour des TER de passer sous les fourches caudines de la libéralisation. En effet, la question de leur ouverture à la concurrence a fait irruption à l’occasion de l’examen du projet de loi sur la régulation des activités ferroviaires, alors que l’Europe n’impose rien en la matière. Le dispositif actuel fonctionne bien, grâce à l’engagement important des régions dans l’acquisition et la rénovation du matériel roulant. Dès lors, le véritable objectif ne serait-il pas d’ouvrir de nouveaux marchés pour satisfaire l’appétit des actionnaires, comme cela se passe pour le fret ?
Il est temps de mettre fin à l’hypocrisie qui consiste à afficher de grandes ambitions en matière de développement durable, tout en conduisant une politique en totale contradiction avec ces objectifs. Le changement d’orientation préconisé par le Grenelle ne pourra avoir lieu que si l’on met en place une politique publique volontariste.
Pour ce faire, il faut, tout d’abord, conférer le caractère de service public au transport ferroviaire, structurellement désavantagé par rapport à la route, qui est beaucoup plus souple sur le plan des infrastructures et fait l’objet d’un véritable dumping social.
Il convient également de décider les financements nécessaires. La mise en place de l’écotaxe est, certes, un premier pas, mais il est insuffisant au regard de l’état du réseau : 2 milliards par an pour le réseau ferroviaire depuis 2000, contre 11 milliards pour le réseau routier. L’objectif annoncé par le Gouvernement de 97 milliards d’euros, dont 50 pour le ferroviaire, d’ici à 2020 est insuffisant.
Par ailleurs, il faut créer un « pôle public » des transports afin de répondre aux besoins de transports collectifs dans notre pays. Deux mille kilomètres de ligne à grande vitesse sont prévus d’ici à 2020 ; gageons que les financements privés seront sollicités. Le projet de ligne Le Havre-Paris entre dans ce cadre. Quel que soit le résultat des études en cours, ce projet ne doit conduire ni à réduire les investissements sur la ligne actuelle, ni à oublier qu’il doit s’inscrire dans une dimension normande.
Il convient également de libérer RFF de sa dette, laquelle plombe sa situation financière et la contraint à mener une politique d’augmentation massive des péages pour les grandes lignes, nocive pour le développement du ferroviaire.
L’État doit également arrêter de prélever des dividendes sur les résultats de la SNCF pour que ces sommes puissent être affectées au développement et à l’attractivité du rail. Le développement durable et le droit à la mobilité ne sont pas des slogans électoraux ou des gadgets « bobos ». Les grands effets d’annonce ne font pas une politique des transports. Il est temps de passer aux actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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