Interventions

Explications de vote et scrutins

Déclaration de politique générale

La déclaration de politique générale a vocation à être un marqueur historique, mais elle est devenue, reconnaissons-le, un rituel convenu, un marronnier médiatique, d’autant plus formel dans le cas présent que la plupart de ses feuilles sont déjà tombées hier.

Le Président de la République vous a brûlé la politesse, monsieur le Premier ministre. Mais, au-delà de cette inélégance, sa décision de s’exprimer avant même le vote de confiance est une marque de mépris à l’endroit du Parlement. L’hypertrophie présidentielle de la Ve République prend des proportions jamais atteintes : (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe FI ainsi que sur quelques bancs du groupe LT) un président qui décide seul, un gouvernement qui n’est qu’une méthode, un parlement qui est humilié.

Après s’être placé dans le champ militaire, le Président de la République avait promis à la nation le retour des « jours heureux ». Cette référence se voulait le signe d’une prise de conscience, au plus haut niveau de l’État, de l’urgente obligation de refonder l’action publique. Les Français attendaient une suite aux promesses de métamorphose. Leur aspiration était simple : écouter des propos à la mesure d’une crise sans précédent depuis 1945, des paroles à la hauteur de l’audace du général de Gaulle quand, avec les communistes, il avait bâti le programme du Conseil national de la Résistance, toujours vivant dans l’esprit des Français.

Monsieur le Premier ministre, rien de tout cela hier, rien de tout cela aujourd’hui. Où est le souffle qui aurait marqué l’histoire du pays ? Vos interventions successives ne font qu’aggraver la défiance à l’égard de la politique et de la démocratie. On ne ruine pas impunément les espoirs qu’un peuple met dans un « monde d’après » différent.

Le rideau devait s’ouvrir sur un acte III. Il ne découvre qu’une mise en scène à peine renouvelée. Il devait s’ouvrir sur une voie nouvelle. Or cette voie n’est qu’un chemin de débris, alors que notre peuple attendait un chemin de semences.

Alors que chaque jour nos concitoyens doivent se débattre avec des préoccupations gigantesques, que les licenciements sont devenus la hantise quotidienne de milliers et de milliers de personnes, alors que la dépendance de la France dans tant de secteurs stratégiques a dramatiquement éclaté au grand jour, que l’horizon des jeunes n’a jamais été aussi fermé, que les économies des outre-mer menacent de s’effondrer, nous avons entendu des discours qui fanent l’espérance.

En plein cœur d’une crise d’une ampleur inédite, plutôt que de penser à la prochaine génération, vous ne pensez qu’à la prochaine élection. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

L’acte III ne rompt en rien avec la dramatique comédie imposée au peuple depuis tant d’années. En ouverture de rideau, il est tout de même symptomatique qu’apparaisse à nouveau la réforme des retraites, rejetée massivement par les Français et adoptée par notre assemblée grâce à l’arme des faibles, le 49.3.

Au nom d’une prétendue justice sociale, vous en faites toujours l’une de vos urgences, malgré le très long conflit social que ce texte a provoqué et l’opposition, aujourd’hui, de tous les partenaires sociaux.

Pourtant, réduire les dépenses des retraites et aligner vers le bas les droits des retraités plutôt qu’améliorer un système envié dans le monde entier ne relève pas du gaullisme social ! Sans aucun doute, le courage vous manque pour mettre à contribution les puissances financières qui, elles, ne manquent pas dans notre pays.

Quant aux scènes suivantes, elles reconduisent la même politique fondée sur la même idéologie : c’est une litanie de mesurettes sans vision fondatrice. Ainsi, pour répondre au mouvement des gilets jaunes, l’acte II avait mis en son cœur l’ambition écologique et la justice sociale ; dans les faits, cela s’est transformé en indifférence écologique et en injustice sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.) Le scénario reste le même. Hors de question pour vous d’annoncer l’abandon de la réforme de l’assurance chômage qui abaisse les droits de ceux qui sont privés d’emploi. La seule ambition de cette réforme est de réaliser 3 milliards d’euros d’économies sur le dos des chômeurs qui vont, malheureusement, devenir légions dans notre pays.

Quoi qu’il en coûtera à toutes ces victimes de la crise économique, aux précaires, aux jeunes qui vont payer un si lourd tribut, vous refusez d’inventer de nouvelles stratégies et d’élargir la protection sociale. Un RSA pour les jeunes de moins de 25 ans, une augmentation des prestations sociales et du SMIC auraient pourtant le double avantage d’éviter l’effondrement du pouvoir d’achat et d’être utiles économiquement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe FI.)
Au cœur de la crise, votre grande innovation consiste à revenir aux contrats d’insertion. Le paradigme de l’ancien monde n’aura jamais cessé d’inspirer toutes les réformes gouvernementales… Ainsi, au titre de son ambition écologique proclamée, le gouvernement précédent a patiemment œuvré à la démolition de notre système ferroviaire, au mépris des enjeux climatiques. Devons-nous désormais croire des promesses dont l’inanité est historiquement avérée ? L’acte III signera-il enfin l’arrêt de mort de la privatisation des aéroports, du démantèlement d’EDF et, plus généralement, de l’ensemble des outils publics indispensables à la conduite d’une politique cohérente et ambitieuse de lutte contre le réchauffement climatique ?

Avoir des « jours heureux », aujourd’hui, c’est impérativement prendre soin de la planète. La politique budgétaire menée depuis des années, et que la crise du covid-19 n’a pas infléchie, laisse plus que songeur sur les chances de réussite de la « reconstruction écologique » que le Président de la République appelle de ses vœux.

Acte II ou III, ce ne sont que des faux départs : en réalité, le Président de la République ne sait pas, ne veut pas, ne peut pas rompre avec l’idéologie du tout libéral ni avec la sacro-sainte compétitivité. Il lui en coûte trop de renoncer au monde d’hier. Alors que la crise sanitaire que nous traversons a rappelé combien notre système public de santé est un atout précieux et qu’elle a aussi révélé ses failles, entretenues par des années d’austérité et de politiques libérales, vous persévérez dans une voie périlleuse. Nos professionnels de santé n’ont pourtant eu de cesse, et nous avec eux, d’alerter, mais en vain, les gouvernements successifs sur les dégâts de la réforme de la tarification à l’acte dont vous avez été, monsieur le Premier ministre, l’un des principaux promoteurs.

Quelques mois avant le déclenchement de la crise, le Président de la République avait même expliqué aux professionnels de santé qu’il n’avait pas de baguette magique. Il n’a pourtant pas hésité à leur demander d’en utiliser une pour faire face à la déferlante du coronavirus. Privés de masques, de gels, de tests, de blouses, de respirateurs, ils ont néanmoins fait face, au risque de leur vie. Que proposez-vous aujourd’hui à ces héros du temps présent ? Une enveloppe de 8 milliards d’euros, bien en deçà des besoins du monde hospitalier. Tout juste un début de rattrapage : pas une œuvre historique, monsieur le Premier ministre ! À vrai dire, votre Ségur à vous relève plutôt de la bibliothèque rose. (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI. – M. Jérôme Lambert applaudit aussi.) Combien de crises de cette ampleur faudra-t-il donc traverser pour que vous mesuriez que notre pays a besoin d’un service public hospitalier fort, libéré des logiques comptables et managériales, et d’un système de santé indépendant, notamment dans le domaine du médicament ?

Vous parlez des « jours heureux », et vous annoncez un plan de relance petit bras ! Les Français, les salariés savent que cette promesse ne fonctionne pas avec la doctrine des richesses accumulées par les premiers de cordée qui ruisselleraient sur les premiers de corvée, auxquels vous faites du chantage à l’emploi pour justifier des baisses de salaires. Déjà exorbitante, votre politique de l’offre devient dangereuse en plus d’être inefficace. Alors que les salaires stagnent ou baissent et que le chômage va exploser, c’est tout simplement un contresens économique. Il faut, au contraire, soutenir la demande pour enrayer au plus vite l’augmentation de la pauvreté et de la précarité.

Votre « monde d’après » ne sera pas non plus celui de la justice fiscale, qui est pourtant la condition sine qua non de la solidarité et de la lutte contre les inégalités. Circulez, il n’y a rien à voir ! On ne touche pas au grisbi, quoi qu’il en coûte pour les plus fragiles. Et quoi qu’il en coûte aussi pour notre politique industrielle, si malmenée, et pour tous les emplois détruits que cela induit : là non plus vous ne changez pas de logiciel. Si la succession des plans de soutien sectoriels annoncés pour les industries les plus touchées peut faire office de mesure de trésorerie utile, elle ne changera pas grand-chose si elle se limite à renflouer des entreprises sans contreparties en matière d’emploi, d’engagement écologique ni de souveraineté économique.

Quant à votre petite musique de décentralisation, elle aggraverait d’autant plus les fractures territoriales que vous ne payez jamais les pipeaux. La délégation des politiques publiques au niveau local, c’est « oui » si elle est accompagnée des moyens correspondants, mais ce sera toujours « non » s’il s’agit de réduire le périmètre d’intervention de l’État, à l’heure où nous avons plus que jamais besoin d’un État stratège et protecteur.

Les Françaises et les Français sont meurtris, mais ils sont lucides. Ils refusent que la belle espérance des « jours heureux » soit détournée au profit des seuls puissants. C’est pourquoi, les députés communistes refusent d’accorder leur confiance à votre gouvernement. Hier, le défilé parisien du 14 juillet avait pour thème : « Une nation engagée, unie et solidaire ». Une nation engagée, unie et solidaire, ça ne se décrète pas, ça se gagne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SOC et FI.)

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