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« La France doit porter une autre voix que celle de la guerre »

Il y a quasiment deux ans jour pour jour, je dénonçais ici devant vous, au nom de mon groupe et des députés communistes, l’offensive criminelle lancée par le nationaliste Poutine, en violation de toutes les règles du droit international.

Dans cette guerre, il y a bien un agresseur, Vladimir Poutine, et un pays en situation de légitime défense, l’Ukraine, qu’il faut soutenir. C’est pourquoi nous avons voté en novembre 2022 la résolution soutenant l’Ukraine et condamnant la guerre lancée par la Russie. Depuis, notre position n’a pas changé : non, la Russie ne doit pas gagner la guerre et oui, il faut donner à l’Ukraine de se défendre, comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant.

Ce soutien doit être apporté dans le cadre défini par la France il y a deux ans, lequel comporte des lignes rouges dont le franchissement provoquerait l’entrée en guerre de notre pays contre la Russie et ses alliés.
Les déclarations va-t-en-guerre du Président de la République au sujet de l’envoi de troupes françaises en Ukraine, qui ne mettent aucune limite au soutien à ce pays en guerre et qui ont été confirmées lors de la réunion des chefs de partis au palais de l’Élysée, ont fortement choqué nos compatriotes.

La perspective de la guerre et son cortège de souffrances sont brutalement entrés dans chaque foyer de France, dans chaque famille.

Avec gravité je l’affirme : la France doit porter une autre voix que celle de la guerre, quand celle-ci a provoqué la mort d’un demi-million de personnes et semé le chaos aux portes de l’Europe. C’est une véritable boucherie et au nom de l’humanité, nous devons tout mettre en œuvre pour qu’elle s’arrête, et au plus vite.

Dans quelques semaines, nous célébrerons le 80e anniversaire du débarquement en Normandie. Avec d’autres, notre pays a subi dans sa chair le martyre de deux conflits mondiaux qui se sont soldés par des dizaines de millions de morts. Notre responsabilité vis-à-vis des jeunes générations est aujourd’hui plus lourde que jamais. Pendant des décennies, nous leur avons fait haut et fort cette promesse : « Plus jamais ça ! ». Faisons respecter cet engagement, celui sur lequel est née l’Union européenne ! Rien ne justifie que nous lancions notre jeunesse dans une nouvelle folie meurtrière, de surcroît placée sous la menace du feu nucléaire.

Voulons-nous la destruction de notre civilisation ? C’est pourtant bien ce qui en jeu quand nous entrons dans une escalade guerrière dont nul ne prétendrait deviner l’issue. Tout doit être fait pour éviter une telle escalade, mais ce n’est pas l’accord que vous avez signé le 16 février avec l’Ukraine qui nous conduira vers l’apaisement.

Au contraire, il risque de nous entraîner plus avant encore dans le conflit. Il prévoit d’intégrer l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’Otan, nous y sommes d’autant plus opposés que ces intégrations seront au cœur des négociations à venir entre les belligérants.

J’ajoute que l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne mettra à mal notre agriculture et notre industrie, en provoquant un dumping social que les Français rejettent massivement. Comme eux, nous rejetons aussi cette idée.

J’en viens au volet de l’accord relatif à la coopération militaire de défense, qualifié de « non exhaustif », c’est-à-dire dépourvu de toute limite, comme l’a dit lui-même le Président de la République. Comment peut-on signer ainsi un chèque en blanc à un État en guerre ?

Nous le savons tous ici : des négociations auront nécessairement lieu un jour, Emmanuel Macron nous l’a lui-même dit jeudi dernier. Dans ce cas, ne perdons pas une minute : chaque heure, chaque jour, chaque semaine apporte son lot de morts et de destructions. Si l’issue est connue, pourquoi attendre que le bilan de la guerre s’alourdisse de centaines de milliers de morts supplémentaires avant de mettre un terme à celle-ci ? Notre obsession devrait être de tout mettre en œuvre pour trouver le chemin menant à un cessez-le-feu, à une négociation garantissant la sécurité collective des pays d’Europe, de l’Atlantique à l’Oural !

Toutes les voies diplomatiques n’ont pas été explorées, loin de là. Le Brésil, l’Inde, la Chine ou encore l’Afrique du Sud ont fait des propositions et vendredi, le président Erdogan indiquait que la Turquie était disposée à accueillir un sommet Russie-Ukraine. La Russie elle-même ne s’est-elle pas déclarée prête à signer un accord de cessez-le-feu, comme nous l’a indiqué le Président de la République ? La diplomatie, ce n’est pas uniquement savoir discuter avec ses amis, c’est aussi avoir le courage de chercher des solutions politiques plutôt que de bomber le torse et d’endosser ses habits militaires !

Œuvrer à une issue diplomatique et rapide à la guerre, ce n’est pas faire injure à l’Ukraine, dont le peuple, courageux et résistant, aspire lui aussi à la paix et à la sécurité. Garantissons-lui de nous trouver à ses côtés pour faire respecter sa souveraineté comme les résolutions de l’ONU, sous l’égide de l’ONU et, si besoin, de casques bleus : notre histoire a déjà connu de telles solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

Pour travailler à cette paix, nous appelons à l’organisation d’une conférence sur la sécurité collective des pays européens.

Il ne nous appartient pas de proposer des solutions très précises, puisque celles-ci émergeront dans le cadre d’une négociation durant laquelle tous les éléments de la situation devront être examinés.

Oui, la France a une voix forte à porter. J’ajouterai que la crédibilité de la France, comme celle de l’Union européenne, est liée à la manière dont elle agit vis-à-vis d’autres conflits, comme celui qui a lieu en Palestine. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

En matière de droit international, de respect des résolutions de l’ONU et de dénonciation de crimes comme celui subi par le peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie, il ne saurait y avoir deux poids, de mesures. Que la France reconnaisse la Palestine dans ses frontières de 1967, comme me l’a encore demandé le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, rencontré mardi dernier à Ramallah, serait un acte politique fort, dont s’inspireraient d’autres pays.

Oui, la France doit encore aider l’Ukraine, mais pas seulement en lui donnant des armes.

Je pense à la solidarité concrète et je salue l’accueil des familles ukrainiennes en France, auquel les maires et les élus communistes ont participé pleinement – nous en sommes fiers mais je pense aussi à l’aide financière qu’apporte l’Union européenne, dont vous me permettrez de dénoncer l’hypocrisie. L’aide de 18 milliards d’euros qu’elle a promis en novembre 2022 s’est révélée être un cadeau empoisonné : elle est versée sous forme de prêt à rembourser, avec intérêts bancaires ! Les libéraux, qui ne peuvent s’empêcher de rechercher leur profit sur le dos des Ukrainiens, devraient avoir honte ! Pour nous, aider l’Ukraine, c’est lui prêter à taux zéro, ce n’est pas contribuer à un endettement ravageur.

En définitive, ce sont les travailleurs ukrainiens qui paieront l’addition, avec des salaires en baisse, une précarisation des conditions de travail et des services publics démantelés.

Le peuple est toujours en première ligne lorsque gronde le fracas de la guerre. C’est pourquoi nous devons tout faire pour l’éteindre, ce qui est encore possible. Nous, députés du groupe GDR et communistes, ne cesserons jamais d’œuvrer pour empêcher la guerre totale, généralisée. Le XXIe siècle ne doit pas être celui d’une troisième guerre mondiale et cet engagement, nous le tiendrons jusqu’à la dernière minute.

Dans le dernier discours de sa vie, prononcé le 25 juillet 1914 à Lyon, cinq jours avant d’être assassiné, Jean Jaurès y croyait encore et disait : « J’espère encore, malgré tout, qu’en raison de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne. »

Ne tuez pas une seconde fois Jaurès ! (Exclamations sur les bancs du groupe RE.) Comme lui, nous appelons le Gouvernement à se ressaisir. Voilà pourquoi notre groupe votera à l’unanimité contre cet accord qui nous engage pour dix ans, avec des objectifs imprécis et en des termes flous. Cet accord ne trace aucune ligne rouge ni aucune perspective de paix, et participe à l’escalade militaire.

Le vote d’aujourd’hui s’inscrira dans l’histoire, car il peut précipiter notre pays dans la guerre. Encore une fois, malheureusement, une grande majorité de députés s’apprêtent à voter pour une telle déclaration, un tel accord, un tel traité alors qu’une grande majorité de Français sont contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

Encore une fois, les députés du groupe communiste, fidèles à leurs convictions, seront ceux qui voteront contre la guerre et pour la paix, pour une solution politique, pour une solution diplomatique, comme ils l’ont toujours fait dans l’histoire de notre pays. Encore une fois, nous serons fidèles à nos convictions et nous resterons aux côtés des Français qui ne souhaitent pas entrer en guerre contre la Russie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

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